Patrick, crise existentielle dans un camping naturiste

Crise existentielle dans un camping naturiste. © DR
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Le jeune réalisateur Belge Tim Mielants au parcours atypique signe avec Patrick un premier long métrage original et attachant. Rencontre.

Patrick n’est que son premier long métrage mais vous avez peut-être déjà pu voir une de ses réalisations. Après quelques courts métrages remarqués, Tim Mielants s’est en effet offert une belle carte de visite en dirigeant plusieurs séries télévisées à succès dont Legion et Peaky Blinders (toute la saison 3). Un apprentissage de luxe, pour un cinéaste dont le retour au grand écran lui a d’emblée valu le prix du meilleur réalisateur au prestigieux festival de Karlovy Vary, en République tchèque. Suspense tragi-comique situé dans un camp naturiste des Ardennes, Patrick allie originalité de fond et de forme. Il trouve le ton juste pour explorer l’environnement et narrer les mésaventures du fils du directeur du camp, devant succéder à son père après sa mort aussi soudaine que brutale. Un personnage troublé et troublant, que joue avec une folle présence un Kevin Janssens presque méconnaissable.

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Des Pyrénées aux Ardennes

« Je me souviens qu’à l’âge de six ans, mes parents m’ont emmené en vacances dans un camp de nudistes dans les Pyrénées. Les mystères dont j’ai été témoin là-bas n’ont jamais quitté mon esprit. J’y suis retourné pour préparer mon film et j’ai parlé avec des gens qui étaient déjà là cette année-là, en 1985. Ils m’ont raconté plein d’histoires, comme le fait que le camp était dirigé par une mère et son fils, la mère étant aveugle et ne se rendant pas compte du fait que son camping était un camping pour nudistes… ni que l’ETA y avait installé une base! Le film est né comme une conversation avec le gamin de six ans que j’étais là-bas. Je l’ai situé dans les Ardennes pour retrouver les images de forêt dense, aux perspectives profondes, que j’avais gardées en moi depuis. »

Un souvenir d’enfance a donc soufflé à Tim Mielants le cadre original de son premier long métrage. « Si vous prenez un camp de nudistes, celles et ceux qui y sont veulent faire un avec la nature, mais il y a aussi une barrière, visible ou non, marquant les limites d’une microsociété séparée de LA société, et supposément libre. Mais en même temps -et c’est ce que j’ai voulu montrer dans le film- les gens y sont comme dans une sorte de prison sans barreaux, un lieu immuable où ils reviennent chaque été, invariablement. Quand le père de Patrick meurt, ce dernier traverse une crise existentielle. Il se demande d’abord s’il a vraiment envie de faire ça pour le restant de sa vie, mais il se dit aussi qu’il est heureux là, qu’il ne ressent pas le besoin de sortir et d’explorer le monde… » Le cinéaste reconnaît dans son film « une forme d’allégorie sur la société« . « Le feedback que je reçois des distributeurs américains exprime l’idée qu’en fait Patrick parle indirectement de la montée de l’extrême droite dans le monde occidental… Je trouve ça super, que les gens projettent leurs sentiments, leurs idées, sur cette nudité, comme s’il s’agissait d’une peinture abstraite. Devant un tableau abstrait, vous devez faire le travail d’interprétation, on ne vous prend pas par la main pour vous dire quoi penser. »

Patrick, crise existentielle dans un camping naturiste

Idées et ressenti

Patrick n’est pas pour autant un film à message, une oeuvre d’idées. C’est au contraire une expérience cinématographique et surtout humaine terriblement incarnée, qui touche avant de donner matière à réflexion. « Le film aborde des thèmes comme le deuil, les gens qui vous disent comment vous devez vivre, quels rêves vous devriez nourrir, alors que vous voulez vivre les vôtres vos propres rêves dans une société qui trace des lignes, des limites, à votre place et avant que vous ayez pu vous en rendre compte. Je voulais suggérer tout ça mais sous une forme organique, sensuelle, ou tout est palpable et ressenti, jamais théorique ni explicatif. »

Donner chair aux personnages passait par un casting judicieux, que l’aspect nudité pouvait rendre plus compliqué qu’un autre. « Je me suis tourné vers des acteurs qui ont pour la plupart l’expérience d’avoir joué nus au théâtre, ça arrive souvent dans le théâtre contemporain, explique Tim Mielants, mais les comédiens pressentis ont tous bien compris que la nudité n’était pas le sujet du film, ni son enjeu, que l’aspect sexuel l’était moins encore. C’était en fait comme un film en costumes où le costume serait d’être nu, simplement. Après dix minutes, les spectateurs doivent avoir oublié cet élément, pour se concentrer sur l’histoire et les personnages. »

Challenge

Pour le rôle de Patrick, le réalisateur a choisi Kevin Janssens. L’Anversois de 39 ans est une star en Flandre. On l’a déjà vu dans quelques films francophones tels Tueurs et Lukas. L’homme a cette présence immédiate, cette capacité à porter un film, que cherchait Mielants. « C’était un challenge pour Kevin, pas seulement parce que je lui ai demandé de grossir, de modifier son aspect physique, mais aussi et surtout parce qu’il lui fallait exprimer les cinq étapes du processus de deuil, d’abord le déni, puis la colère, ensuite une forme de paranoïa, avant de plonger dans la dépression et enfin d’émerger en paix. Comme je voulais user du langage cinématographique pour montrer tout cela, il fallait que Kevin exprime l’essentiel sans presque jamais se servir des mots, en usant de son corps et de son rapport au cadre, aux lieux. Il l’a fait magnifiquement! »

Gageons que Bouli Lanners, qui joue un policier dans Patrick, sera lui aussi un premier rôle de choix pour le prochain film de Mielants, un projet en anglais que Bouli a porté, mais dont il a préféré assumer la seule interprétation en confiant la réalisation à son jeune collègue.

Patrick

Polar/drame de Tim Mielants. Avec Kevin Janssens, Hannah Hoekstra, Bouli Lanners. 1h30. Sortie: 28/08. ***(*)

Patrick, crise existentielle dans un camping naturiste

Un camp naturiste dans les Ardennes. Un été de retrouvailles entre habitués venus notamment de Flandre et des Pays-Bas. Une ambiance qui cesse d’être conviviale pour devenir tendue. Et un marteau disparu, prélude à quelque dérive criminelle… Tim Mielants, jeune réalisateur belge ayant dirigé la saison 3 de Peaky Blinders, signe avec Patrick un premier long métrage original et prenant, autour d’un Kevin Janssens méconnaissable en fils tourmenté du chef du village brutalement décédé.

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