Mostra de Venise : le palmarès commenté

Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Lav Diaz, le Lion d’or pour un cinéaste hors-normes.

On attendait plutôt La La Land, de Damien Chazelle, Jackie, de Pablo Larrain, voire El Ciudadano Ilustre, de Mariano Cohn et Gaston Duprat ; c’est finalement à The Woman Who Left, du cinéaste philippin Lav Diaz, qu’est allé le Lion d’Or d’une Mostra globalement décevante, sans que l’on songe d’ailleurs à hurler au scandale. Tenant d’un cinéma hors-normes, Diaz, un auteur à la conscience politique aiguisée, inscrit ses films dans la durée – 8 heures pour son précédent A Lullaby for the Sorrowful Mystery, découvert en février dernier à Berlin -, recourant à de longs plans fixes tournés dans un noir et blanc cristallin pour en souligner la densité. Ainsi de The Woman Who Left, une oeuvre lointainement inspirée d’une nouvelle de Tolstoï, qui suit, sur près de quatre heures, Horacia, une femme emprisonnée pour un crime qu’elle n’avait pas commis. Et qui, libérée à la fin des années 90 après trente années de détention, découvre son pays transformé, tandis qu’elle est bientôt tiraillée entre désir de revanche et pardon…

Lav Diaz, Lion d'Or de la Mostra de Venise 2016
Lav Diaz, Lion d’Or de la Mostra de Venise 2016© Belga Image

Comme toujours chez Diaz, le temps se fait élastique, pour un résultat envoûtant. Accessible suivant les standards du réalisateur philippin, The Woman Who Left est aussi un Lion d’or s’inscrivant dans la lignée « auteuriste » du festival. Reste à savoir maintenant si, comme Sam Mendes, le président du jury, en formulait le voeu à l’issue de la cérémonie de clôture, ce prix contribuera à ce que ce film soit vu « par un large public »…

Le panachage présidant au reste du palmarès est plus conforme aux attentes, aucun favori, ou presque, n’ayant été négligé, à l’exception de Arrival, de Denis Villeneuve, et, dans une moindre mesure, de Une vie, de Stéphane Brizé. Tom Ford repart avec le Grand Prix pour ses Nocturnal Animals, un film venu confirmer tout le bien que l’on pensait de A Single Man ; le vétéran russe Andrei Konchalovsky, pour Paradise, et le réalisateur mexicain Amat Escalante, pour le décoiffant La region salvaje, se partagent logiquement le prix de la mise en scène.

Oscar Martinez, récompensé d'une prix d'interprétation masculine à la Mostra de Venise 2016
Oscar Martinez, récompensé d’une prix d’interprétation masculine à la Mostra de Venise 2016© Belga Image

Le cinéma sud-américain confirme, du reste, sa bonne santé, avec le prix d’interprétation pour Oscar Martinez, irrésistible dans El Ciudadano Ilustre, comédie argentine grinçante dans la lignée de Relatos salvajes, le cinéaste chilien Pablo Larrain étant pour sa part récompensé par scénario interposé pour Jackie. Le prix d’interprétation d’Emma Stone, irrésistible dans La La Land, de Damien Chazelle, ne souffre guère de discussion ; pas plus d’ailleurs que celui de Paula Beer, meilleure jeune actrice pour Frantz, de François Ozon. Enfin, si le Prix du jury à The Bad Batch, de Ana Lily Amirpour, ne manquera pas d’étonner, on ne sera faute de souligner le prix de la mise en scène obtenu par la cinéaste belge Fien Troch pour Home, présenté en section Orizzonti…

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