Maternelle, le fantôme et la mère

© DR

Rétrospective à Flagey, sortie de son nouveau film Maternelle. Philippe Blasband vit une rentrée animée. Rencontre avec un auteur à part entière.

Focus vous invite à voir Coquelicots. Voir en bas.

Romancier, dramaturge, scénariste (Une Liaison pornographique, c’est lui) et bien sûr cinéaste, Philippe Blasband est un auteur à la fois exigeant et accessible, travaillant le matériau humain avec une originalité, une finesse d’écriture et parfois une audace qui font le prix de son abondant travail. A l’heure où la Cinematek et Flagey lui consacrent une rétrospective, et où paraît sur nos écrans son nouveau film Maternelle, nous avons rencontré cet artiste de talent, doublé d’un humaniste attentif aux autres, et confirmant sa passion d’explorer l’univers féminin.

Quelle a été votre motivation pour Maternelle?
J’aborde dans ce film des thèmes qui me tiennent à coeur, et que je n’avais pas encore traités au cinéma. Les rapports entre mère et fille, en tout premier lieu. Ma mère ayant beaucoup de soeurs, j’ai été élevé par toute une série de femmes. J’observe aussi les rapports de ma femme avec sa propre mère. Tout cela me fascine. C’est un rapport qui, immanquablement, et même si les filles peuvent aimer leur mère et les mères aimer leurs filles, créera tôt ou tard une forme de compétition. Sans doute (et là je fais de la psychologie à 2 euros 50) parce que c’est une majorité opprimée, qui reproduit l’oppression dans ses propres rapports. C’est sans doute un peu plus compliqué que ça, mais il y a des concurrences de séduction qui normalement n’ont pas lieu d’être, qui peuvent exister aussi chez des hommes mais sans être systématiques comme chez les femmes… C’est ce que j’ai voulu explorer dans une histoire d’une femme avec sa mère, et aussi avec sa propre fille.

Le film accueille aussi un… fantôme!
C’est l’autre thème principal, qui me fascine au cinéma. J’aime beaucoup le fait que dans un film, vous pouvez faire revenir un personnage de mort sans que ça pose de vrai problème. Je trouvais aussi comique que le personnage de cette mère fantôme soit joué par une comédienne plus jeune que celle qui interprète sa fille. Et comme le grand art, pour moi, c’est la comédie… Le grand génie, à mes yeux, c’est Lubitsch!

Votre fantôme apparaît de manière directe et naturelle, sans presque aucun effet. A rebours du cinéma de genre.
Mes références allaient du côté de films comme The Ghost And Mrs Muir de Mankiewicz, où le fantôme est là, simplement, dans le quotidien des vivants. Même chose dans un autre film que j’aime énormément: Truly, Madly, Deeply d’Anthony Minghella. Un peu de stylisation du jeu de l’interprète suffit à créer un léger décalage. Nul besoin d’effets spéciaux… Personnellement, je ne crois pas aux fantômes… même si je suis hanté par eux. Mais en tant que réalisateur de films, j’y crois dur comme fer! On peut voir le film comme si toutes les apparitions du fantôme sont la manifestation de l’imagination du personnage principal. Mais c’est, je pense, la façon la moins intéressante d’aborder le film… Un fantôme, c’est un manque. Et le manque de mère de l’héroïne a été énorme. Il est logique et légitime qu’elle soit hantée par cette image. Le pouvoir du cinéma est de rendre cette dernière « réellement » visible.

Vous semblez de plus en plus à l’aise dans l’exploration d’univers féminins…
C’est peut-être l’impression que je donne… En fait j’y travaille! Je reste un homme, un gentil macho comme on peut l’être. Je n’ai jamais le réflexe de regarder le sol d’une pièce et de me dire « Tiens! Il faudrait passer l’aspirateur… ». Mais je m’intéresse beaucoup à la sphère féminine. Aussi je vis avec une comédienne. Et il y a à la fois beaucoup plus de comédiennes que de comédiens, et beaucoup moins de rôles féminins que de rôles masculins. Un rôle féminin devient à mes yeux presque toujours intéressant en soi. Il me pose immédiatement plus de questions. Et il vous confronte à une masse de clichés, en vous forçant à les surmonter, d’aller plus loin. Et c’est une démarche bien plus riche, même si vous travaillez comme moi avec de tout petits moyens.

Cette limitation de nature économique induit-elle une manière particulière d’écrire?
Oui, sans doute. Mais j’avais déjà, naturellement, une tendance à aller vers l’épure, avec une certaine économie dans l’écriture. Cela ne m’empêche pas d’avoir un projet de science-fiction (rire)!

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Maternelle, de Philippe Blasband, avec Aylin Yay, Anne Girouard, Chloé Struvay. 1h21.

Après le très émouvant La Couleur des mots et le prenant Coquelicots, Philippe Blasband poursuit son exploration de la sphère féminine avec un film aux accents tout à la fois intimes et choraux, dramatiques et comiques, réalistes et fantastiques.

Une directrice d’école (jouée par Aylin Yay) abandonnée tout enfant par sa mère y voit celle-ci réapparaître sous la forme d’un fantôme (interprété par Anne Girouard). Un esprit aux allures très jeunes (elle a l’âge où elle est partie) et qui va se mêler de l’existence de l’héroïne, alors même que cette dernière a des problèmes relationnels flagrants avec sa propre fille, son amant (marié à une autre) et des amis qui se sont incrustés chez elle…

Blasband filme sobrement le trajet mental du personnage fort joliment campé par son actrice fétiche. Il nous dit d’elle deux ou trois choses qui touchent et font résonance. Du cinéma modeste, mais significatif, menant avec précision du très particulier vers l’universel.

L.D.

Cycle Philippe Blasband (Coquelicots, La Couleur des mots, Un honnête commerçant et d’autres films) au Studio 5 à Flagey. Jusqu’au 9 octobre inclus. Infos sur www.flagey.be et www.cinematek.be.

Focus vous invite à voir Coquelicots. Pour ce faire, rien de plus simple: rendez-vous sur le site de notre partenaire Universciné muni de ce code spécial, valable du 10 au 26/09: VIF100910.
Référence en matière de diffusion de films sur Internet, Universciné est le plus important portail de VOD, proposant un accès direct à un impressionnant catalogue de films.

Louis Danvers

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