Le Mexicain Alejandro Iñarritu entre dans la légende: Hollywood, terre d’accueil

Alejandro G. Inarritu, Oscar du meilleur réalisateur pour The Revenant, un an après Birdman. © REUTERS/Mike Blake
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Ce dimanche, Iñarritu est devenu le troisième cinéaste de l’histoire à gagner deux fois de suite l’Oscar du meilleur réalisateur. Alejandro Gonzalez Iñarritu ou Alfonso Cuaron aujourd’hui; Charlie Chaplin, Billy Wilder ou Alfred Hitchcock hier, la mecque du cinéma a toujours aimanté les réalisateurs de tous horizons.

Article initialement paru dans le Focus du 22 janvier 2016

Ce 28 février, Alejandro Gonzalez Inarritu a, comme la rumeur le prédisait, rejoint John Ford et Joseph L. Mankiewicz dans le club très sélect des cinéastes ayant remporté l’Oscar du meilleur réalisateur deux années consécutives. Avec ses douze nominations, The Revenant (lire la critique du film) faisait en effet figure de grandissime favori de la 88e cérémonie des Academy Awards -laquelle n’en finit plus de s’internationaliser, des cinéastes anglais (Tom Hooper, pour The King Speech), français (Michel Hazanavicius, pour The Artist), taiwanais (Ang Lee, pour Life of Pi) et mexicains enfin (Alfonso Cuaron, pour Gravity, suivi d’Alejandro Inarritu, pour Birdman) s’étant succédé à son palmarès depuis 2011.

Si le cinéma américain impose son hégémonie sur les écrans du globe, Hollywood a toujours été ouverte sur le monde. Et le cinéma made in USA a été largement façonné par des réalisateurs venus d’horizons divers, à commencer par la vieille Europe. L’on ne mentionnera que pour mémoire les Charlie Chaplin, Ernst Lubitsch, Friedrich Wilhelm Murnau, Billy Wilder, Josef von Sternberg, Fritz Lang, Jean Renoir, Alfred Hitchcock ou autre Douglas Sirk, émigrés pour des raisons diverses en Californie, et ayant largement contribué à l’essor de l' »usine à rêves ».

Blockbuster décalibré

Un phénomène qui ne s’est jamais démenti et, plus près de nous, la carrière de Roman Polanski, Milos Forman, Wim Wenders ou Louis Malle s’est déclinée des deux côtés de l’Atlantique; jusqu’à un Michelangelo Antonioni qui fera de Death Valley le cadre de son Zabriskie Point. L’on pourrait ainsi multiplier les exemples à loisir, la vague d’immigration s’étant par ailleurs élargie plus récemment à d’autres continents, l’Amérique centrale et latine comme l’Asie en particulier, les Alfonso Cuaron, Alejandro Inarritu, Guillermo Del Toro, Ang Lee, John Woo, Bong Joon-ho ou Park Chan-wook faisant désormais les beaux jours de Hollywood; liste non exhaustive, bien sûr, et l’on n’est, par exemple, qu’à demi-surpris de voir le nom du réalisateur chilien Pablo Larrain associé à un prochain biopic consacré à Jackie Kennedy.

Le mirage hollywoodien continue à faire rêver, en effet. Et la Mecque du cinéma n’en finit plus d’aimanter les cinéastes avec, du reste, des motivations et des ambitions diverses, le médium semblant être le seul point commun entre un Louis Leterrier (Transformers, The Incredible Hulk) alignant les films gros porteurs et un Laurent Cantet adaptant le Foxfire de Joyce Carol Oates in situ. Du faiseur efficace dont la carrière s’épanouit au sein des studios à l’auteur ne tâtant de l’Amérique que le temps d’un « one shot » -on pourrait encore citer Arnaud Desplechin et son formidable Jimmy P.-, tous les cas de figure sont envisageables, ou peu s’en faut. Débarqué in L.A. porteur des promesses de My Life as a Dog, un Lasse Hallström n’a pas tardé, passé What’s Eating Gilbert Grape, à incarner le néant créatif tout au long d’un parcours définitivement insipide. A l’inverse, le Britannique Christopher Nolan, fort de son Memento, a pu imposer sa griffe sur des blockbusters qu’il a su habilement décalibrer, à l’instar de la franchise Batman, déclinée tout en noirceur, ou encore de son ambitieux Inception.

Mais pour un réalisateur ayant réussi à accommoder l’Amérique à ses désirs, ils sont nombreux à s’y être brûlé les doigts. Ainsi, par exemple, d’un Thomas Vinterberg, dont la carrière a failli ne pas survivre à un It’s All About Love pas dénué d’intérêt pour autant, ou d’un Paolo Sorrentino s’étant planté dans les grandes largeurs pour This Must Be the Place; l’un et l’autre sauront, toutefois, rebondir. La Belgique ne fait d’ailleurs pas exception, dont les cinéastes se sont régulièrement frottés au rêve américain, avec un inégal bonheur. Auteur de Ma vie en rose, Alain Berliner aura certainement laissé quelques illusions dans l’aventure Passion of Mind, au générique duquel l’on retrouvait pourtant une Demi Moore alors au faîte de sa gloire. D’autres, venus surtout mais pas exclusivement du nord du pays, l’ont imité depuis: Erik Van Looy a signé un remake de son Loft dans une relative indifférence; Michaël R. Roskam a rencontré plus de succès avec The Drop; on attend avec curiosité le Message from the King, de Fabrice Du Welz. Et le filon est loin d’être épuisé, puisque Adil El Arbi et Bilall Fallah, les réalisateurs de Black, comptent parmi les derniers cinéastes belges pressentis pour aller tourner au soleil de L.A.. Le tout étant, cela va sans dire, de ne point s’y cramer…

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