Le « Fais simple, abruti! » de Richard Williams

Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

To-do or not to-do list (5/8). Quand des artistes alignent, pour résumer ou pour rire, les choses à faire et à ne pas faire dans leurs pratiques. Une série illustrée par Pochep.

K – KEEP

I – IT

S – SIMPLE

S – STUPID

Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple? Cet adage ne date évidemment pas d’hier: au XIVe siècle déjà, le frère Guillaume d’Ockham rendait son rasoir célèbre après avoir compris que « les multiples ne doivent pas être utilisés sans nécessité« . Un principe du « less is more » qui a traversé les âges et à peu près toutes les pratiques artistiques, scientifiques et philosophiques sous différentes appellations, mais que tous les amateurs de design, et surtout d’animation, connaissent sous le terme du « KISS principle« . Rien à voir avec un gros bisou ou le groupe de hard rock, mais KISS comme « Keep It Simple, Stupid« .

L’acronyme est officiellement attribué à un certain Kelly Johnson, un ingénieur américain de chez Lockheed, une entreprise de défense et de sécurité, qui en 1960 mit ses ouailles au défi de lui concevoir un jet qui serait réparable avec une simple boîte à outils, comme devraient peut-être un jour le faire les pilotes en zone de combat. Ce goût de la simplicité et du KISS acquit une grande popularité dans les années 70, en particulier dans le monde du design, avec des variations dans l’acronyme (« Keep It Short and Simple« ,  » Keep It Simple, Silly« , « Keep It Sweet and Simple« , etc.), puis devint presque la règle chez les programmateurs informatiques pour qui la complexité est l’ennemi.

Mais c’est dans la sphère de l’animation et du dessin animé que le principe du KISS est devenu célèbre, depuis que le Britannico-Canadien Richard Williams l’a répété et théorisé dans un livre paru en 2002 et qui fait toujours figure d’incontournable: The Animator’s Survival Kit répertorie techniques, conseils, trucs et astuces pour les animateurs et les professionnels du dessin animé ou du jeu vidéo, dont ce KISS qu’il martèle et illustre. Richard Williams? Un dessinateur, animateur et réalisateur de légende, entre autres responsable des animations de La Panthère rose qui accompagnaient les films de Blake Edwards dans les années 60 et, surtout, de toute la partie dessinée du célébrissime Qui veut la peau de Roger Rabbit? (1988), l’énorme hommage aux cartoons de Robert Zemeckis mêlant animation et prise de vues réelles. C’est là que lui revint ce goût du KISS, face à une petite armée de dessinateurs inexpérimentés qui surchargeaient leurs dessins et faisaient trop bouger leurs personnages. Williams les implora de faire « KISS ». Pour être complet, précisons que ce besoin de faire simple dans la réalisation d’un dessin animé faisait déjà partie des « Douze principes de base de l’animation » chez Disney, édictés par Ollie Johnston et Frank Thomas, deux légendes maison, dans leur livre The Illusion of Life, paru en 1981.

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