Cannes, le palmarès commenté: une belge année sur la Croisette

Lukas Dhont et Eden Dambrine
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Trois films en compétition et autant de prix à l’arrivée: le cinéma belge a brillé lors du 75e festival de Cannes, qui a couronné le discutable (et discuté) Triangle of Sadness du Suédois Ruben Östlund.

La 75e édition du festival de Cannes restera marquée d’une pierre blanche pour le cinéma belge, plébiscité par le jury présidé par Vincent Lindon. Trois films en compétition et autant de prix à l’arrivée, c’est historique et, à vrai dire, inespéré, même si la rumeur des dernières heures donnait Close, de Lukas Dhont, possible Palme d’or. Le jeune prodige flamand, Caméra d’or en 2018 pour Girl, repart finalement avec un Grand Prix largement mérité pour une oeuvre intense et sensible, où l’amitié fusionnelle entre deux adolescents ouvre sur le drame. Il est aussi question d’amitié dans Tori et Lokita, celle, inaltérable, qui unit deux jeunes migrants fraîchement débarqués en terre liégeoise dans leur combat quotidien, inspirant aux frères Dardenne un film épuré et fort, couronné du Prix du 75e. Enfin, c’est encore une amitié, se mesurant au temps dans les paysages sauvages du Val d’Aoste celle-ci, qui donne sa sève à Les huit montagnes, de Charlotte Vandermeersch et Felix van Groeningen, dont le Prix du jury ponctue une année d’exception pour le cinéma belge.

Une fausse note assourdissante

La suite du palmarès (où, prix spécial et ex-aequo aidant, figurent pas moins de dix films soit près de la moitié de la sélection) répond à un panachage comme souvent discutable. Si l’on s’étonnera de l’absence du remarquable Leila’s Brothers, de l’Iranien Saeed Roustaeev et de l’émouvant Armageddon Time de James Gray, l’on n’y verra qu’une véritable fausse note, mais elle est assourdissante : la seconde Palme d’or octroyée, cinq ans après celle obtenue par The Square, à Ruben Östlund pour Triangle of Sadness. Un film choc ayant profondément divisé les festivaliers, satire cynique où le cinéaste suédois brocarde les ultra-riches dans un mélange de complaisance et d’outrance tape-à-l’œil particulièrement indigeste.  Le Grand Prix que partage Claire Denis avec Lukas Dhont pour Stars at Noon est, pour sa part, inattendu. Le film, une improbable errance dans la touffeur du Nicaragua, n’en exerce pas moins un charme subtil. Comme, d’ailleurs, Decision to Leave, thriller stylé qui vaut au Coréen Park Chan-wook un prix de la Mise en scène indiscutable, la scène finale du film, tout simplement inouïe, étant, du reste, la plus belle qu’il ait été donné de voir sur les écrans cannois.

Le magnifique Broker aurait pu valoir à Hirokazu Kore-eda une seconde Palme d’or. A défaut, le film, tourné par le réalisateur japonais en Corée, est récompensé par l’intermédiaire de son acteur principal, Sang Kang-ho. Quant au prix d’interprétation féminine, il va à Zar Amir Ebrahimi, épatante dans Holy Spider, thriller étouffant du cinéaste danois d’origine iranienne Ali Abbasi, évoquant la condition de la femme en Iran à travers les agissements d’un tueur en série s’en prenant aux prostituées.  Un autre thriller, l’habile Boy from Heaven, situé au sein de la prestigieuse université Al-Azhar, vaut au réalisateur suédois d’origine égyptienne Tarik Saleh, un prix du scénario mérité. Enfin, l’improbable odyssée de l’âne Eo voit le vétéran polonais Jerzy Skolimowski récompensé d’un Prix du jury ex-aequo, la placidité se frayant ainsi un chemin jusqu’au palmarès, comme en réponse au tapage du monde…

Jean-François Pluijgers, à Cannes

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