Critique | Cinéma

[critique ciné] Belfast, film de Kenneth Branagh le plus personnel à ce jour

© Rob Youngson / Focus Features
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Belfast envisage les « Troubles » sanglants qui embrasent l’Irlande à la fin des sixties à hauteur d’enfant.

On croyait Kenneth Branagh, consacré en d’autres temps par une série d’adaptations shakespeariennes de haut vol, désormais acquis aux grosses productions hollywoodiennes plus ou moins insipides, de Thor à Jack Ryan, de Cinderellaau tout récent Death on the Nile. C’est dire l’heureuse surprise à la découverte de Belfast, une chronique intimiste sensible pour laquelle le réalisateur irlandais s’est replongé dans ses souvenirs d’enfance.

S’ouvrant sur un panoramique aérien d’une ville à laquelle il tient aussi lieu de vibrante déclaration d’amour, le film bascule, au détour d’une peinture murale, dans le noir et blanc d’une autre époque, la toute fin des années 60. Et plus précisément un jour d’août 1969, alors que des émeutes éclatent dans un quartier populaire, rattrapé par les « Troubles » qui devaient opposer violemment catholiques et protestants. C’est là que l’on retrouve Buddy (l’épatant Jude Hill), gamin de neuf ans dont les préoccupations sont bien éloignées de celles, politiques ou religieuses, qui préoccupent ses aînés, son monde gravitant autour du football (avec une attention particulière pour Danny Blanchflower, star nord-irlandaise de Tottenham), des westerns qu’il regarde inlassablement sur la télévision familiale pour mieux les rejouer dans la rue, et de Catherine, « la » fille inaccessible de l’école. Le tout, sous l’oeil attentif de Ma (Caitriona Balfe), et armé des conseils plus ou moins avisés de son grand-père Pop (Ciaran Hinds), son frère aîné Will (Lewis McAskie) ayant d’autres chats à fouetter, tandis que Pa (Jamie Dornan) travaille en Angleterre, ne revenant que tous les quinze jours, avec une nouvelle Matchbox pour sa collection. Un concentré d’enfance insouciante que les événements, tragiques, vont toutefois se charger de venir bousculer…

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À hauteur d’enfant

À l’instar de John Boorman évoquant dans Hope and Glory la Seconde Guerre mondiale à travers le regard d’un gamin de sept ans, Belfast envisage les « Troubles » sanglants qui embrasent l’Irlande à la fin des sixties à hauteur d’enfant. Une manière d’adoucir le propos sans le vider pour autant de sa substance, cette réalité violente avec l’exil en ligne de mire potentielle servant de toile de fond à un film qui se veut avant tout un récit d’apprentissage. Un exercice dans lequel Kenneth Branagh se montre particulièrement inspiré, donnant aux évolutions de Buddy un tour aussi séduisant que savoureux, non sans veiller à l’encadrer de quelques beaux personnages – qu’il s’agisse des parents, qu’il entoure d’une aura glamour, ou des grands-parents, auxquels Ciaran Hinds et Judi Dench donnent un incontestable relief. Inscrit dans l’intimité de ses protagonistes, Belfast dispense un parfum délicatement enivrant, auquel les chansons de Van Morrison, personnage à part entière du film au même titre que la ville de Belfast, apportent une onde de mélancolie. En se replongeant dans son enfance, Kenneth Branagh n’a pas seulement trouvé la matière à son film le plus personnel à ce jour, mais aussi à son plus émouvant. Une franche et intemporelle réussite.

De Kenneth Branagh. Avec Jude Hill, Caitriona Balfe, Ciaran Hinds. 1 h 38. Sortie: 02/03. ****

Lire aussi notre interview de Kenneth Branagh: « Au début du confinement, écrire sur Belfast m’est apparu comme une nécessité »

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