Bérangère McNeese: « J’aime un cinéma avec des personnages archi vrais »

"J'aime un cinéma avec des personnages archi vrais, auxquels je puisse m'identifier." © YANN BEAN
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

L’actrice-réalisatrice américano-belge multiplie les projets alors que son Matriochkas, Magritte 2020 du meilleur court métrage, est shortlisté pour les César et éligible pour les Oscars.

Son agenda 2021 a, déjà, de quoi faire tourner la tête. Dans les prochains mois, on la verra ainsi notamment dans la série policière En quête de vérité sur France 2, au casting de la série Netflix Braqueurs, aux côtés d’Audrey Fleurot dans la série TF1 HPI, à la réalisation de trois épisodes de la série RTBF Baraki, au générique du nouveau film de Pascal Elbé avec Sandrine Kiberlain et Emmanuelle Devos, face à Jérémie Renier et Suzanne Clément dans le long métrage belge La Vie dans les bois de François Pirot, à l’affiche de La Troisième Guerre de Giovanni Aloi avec Anthony Bajon et Leïla Bekhti… À l’autre bout du fil, entre deux allers-retours Paris-Bruxelles, elle confesse: « C’est une période étonnamment riche pour moi. Je crois que je n’ai jamais autant bossé que ces derniers temps. C’est même un peu fou, là. »

Née d’une mère belge et d’un père américain à la fin des années 80, Bérangère McNeese avait pour habitude de passer ses étés dans le Kentucky, mais a grandi et toujours vécu à Bruxelles. Le jeu, comme Obélix et la potion magique, elle est tombée dedans quand elle était petite. « Du plus loin que je puisse me souvenir, j’ai toujours voulu être comédienne. On m’a repérée pour une pub Barbie dans un cours d’art dramatique quand j’étais encore enfant. Après, je n’ai jamais vraiment arrêté, même si j’ai aussi fait des études de journalisme. Je suis partie à Paris après mes secondaires, je courais les castings de manière très romantique. Mais, petit à petit, quelque chose s’est construit en parallèle. C’est quand même une drôle de vie d’être comédienne… C’est-à-dire que ça revient très souvent à attendre que quelqu’un ait envie de travailler avec vous. J’ai parfois du mal avec ça. Et je crois que c’est vraiment de là que j’ai progressivement nourri le désir d’écrire et de tourner des histoires qui me ressemblent. »

Des femmes en colère

En 2015, alors qu’elle enquille les petits rôles au cinéma et en télé, Bérangère McNeese se lance ainsi dans un court métrage autoproduit empreint de sororité, Le Sommeil des Amazones, qu’elle écrit et réalise. Enthousiasmée, elle renouvelle l’expérience deux ans plus tard avec Les Corps purs. « J’ai toujours un peu la phobie de me planter, de faire quelque chose qui ne soit pas à la hauteur. L’autoproduction me permettait de tenter des choses entre amis, hors des sentiers battus. C’était aussi une manière de découvrir en douceur si ça pouvait me plaire. Et puis ça m’a fait gagner un temps fou par rapport à un système de financement plus officiel qui est vraiment super mais où il faut parfois attendre deux ans pour produire un court métrage, et ça je ne voulais pas. Il fallait que ça aille vite. »

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L’an dernier, Matriochkas, son troisième court, marque un tournant. Le film est produit avec de l’argent public, entre la Belgique et la France. Tourné dans la région de Marseille, il fait le portrait d’Anna, une adolescente de seize ans qui vit avec sa jeune mère, au rythme des conquêtes de cette dernière. Mais quand Anna tombe elle-même enceinte, quelque chose bascule dans leur relation… « La figure de la mère est encore trop souvent pensée et représentée à la manière d’un symbole, avec un instinct maternel envisagé comme quelque chose de naturel. Dans Matriochkas , la mère aime la fille mais projette aussi des choses qui font qu’elle n’est pas toujours forcément à l’écoute de ses véritables besoins. Anna possède quelque chose d’enfantin et en même temps de frondeur, de rebelle. J’avais envie d’un personnage qui puisse revendiquer des choses, qui puisse avoir de la colère en elle. Le sujet de l’avortement s’est peu à peu imposé comme un enjeu narratif venant questionner la relation qui la lie à sa mère. »

S’inscrivant assez ouvertement dans une recherche de vérité naturaliste, dans une volonté de tendre vers quelque chose d’authentique, de juste, de très spontané, dans le langage notamment, le film, qui avoisine la demi-heure, semble nourri de réalisme social à l’anglaise. On pense parfois, toutes proportions gardées, à un film comme Fish Tank, par exemple…  » J’aime un cinéma avec des personnages archi vrais, auxquels je puisse m’identifier. Venant moi-même de l’autre côté de la caméra, je vais toujours privilégier le jeu des acteurs sur le plateau. Et les personnages. Andrea Arnold, la réalisatrice de Fish Tank , est effectivement l’une des cinéastes qui m’ont le plus donné envie de faire du cinéma. Tout comme Maïwenn, chez qui on sent aussi beaucoup l’importance du jeu, parce qu’elle est également comédienne. J’adore, sinon, les films de Cassavetes, le cinéma de Pialat… This is England de Shane Meadows m’a profondément marquée à l’adolescence. »

Couronné du Magritte du meilleur court métrage en février dernier, le film est shortlisté parmi les 24 courts nommables pour les prochains César. Primé à Palm Springs et Rhode Island, il est en outre éligible pour les Oscars. « La vie de Matriochkas en festivals, les récompenses, les rencontres, m’ont donné beaucoup de confiance et d’envie pour la suite« , reconnaît celle qui peaufine actuellement l’écriture de son premier long. « J’ai peur de raconter des conneries donc je préfère ne pas trop en dire. Mais, à nouveau, ça va essentiellement tourner autour de personnages féminins un peu en colère, quoi. On n’en sort jamais vraiment (rires).« 

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