Laurent Raphaël

Check-list 2011

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

Par Laurent RAPHAËL

Qui dit nouvelle année dit feu d’artifice de bonnes résolutions. C’est la tradition qui veut ça. A l’heure où « tout fout le camp », on s’en voudrait de ne pas jouer le jeu. Mais on s’en voudrait encore plus de succomber au rituel sans pervertir un peu les règles. Se beurrer la (bonne) conscience en alignant les voeux pieux, très peu pour nous. Nos penchants inavouables, si on ne les chérit pas, on ne les méprise pas non plus. D’autant que le vice a ses raisons que la raison n’ignore pas. Sans turpitudes, pas de culture. Sinon fade et tiède. Eradiquer les zones d’ombre de l’âme, c’est se priver de Dostoïevski, de Brian De Palma, de James Ellroy et de Tom Wolfe, parmi beaucoup d’autres monstres sacrés. Et puis, comme disait Molière, « j’aime mieux un vice commode qu’une fatigante vertu ».

Plutôt que de se répandre en belles promesses mort-nées, pourquoi ne pas dès lors s’amuser à imaginer les bonnes résolutions des autres, ces artistes qui nous tiennent lieu, au choix, de bouillotte, de bouée, de réveil, d’enclume, de Dafalgan ou d’électrochoc tout au long de l’année? Avec une bonne dose de mauvaise foi, voici donc quelques lubies qu’on aimerait voir germer dans la tête de certains sorciers.

Spielberg pourrait se dire qu’il vaut mieux renoncer à l’adaptation de Tintin si c’est pour massacrer la ligne claire comme le laisse redouter les premières images qui ont filtré en 2010. Au même moment, Gaspard Enter the void Noé annoncerait à ses proches qu’il arrête les champignons hallucinogènes. Pour son bien et celui de ses spectateurs. Une substance que le corps de David Lynch fabrique naturellement depuis sa plus tendre enfance. Et qu’il déciderait de remettre au service du cinéma après avoir préféré tremper son pinceau plutôt que sa caméra dans l’écume de ses nuits cauchemardesques. Plus modestement (encore que), Terrence Malick se jurerait de terminer le montage de Tree of Life pour Cannes.

Au rayon musique, pris de remord d’avoir commis cette horripilante bluette qui a pourri Noël, le leader de Coldplay envisagerait d’arrêter les frais. Daft Punk en revanche, craignant que sa BO de Tron serve de nouvel étalon électro, se promettrait de renfiler au plus vite son casque pour concocter l’album manifeste des années 2010. Enfin, soyons fous, le premier ministre (sortant ou entrant), après avoir fait deux heures de file pour aller voir l’expo Basquiat lors d’une escale forcée à Paris, se dirait que la culture, c’est porteur, et qu’il faut au plus vite investir dans le secteur.

Ah oui, on allait oublier. Si celui qui nous regarde là-haut pouvait prendre l’engagement de nous renvoyer quelques immortels qu’il a rappelés à lui par erreur l’an passé, comme Chabrol, Hopper ou Pete Postlethwaite, ça nous arrangerait bien; 2011 démarre avec un goût suret sans eux. Si vous le croisez, n’hésitez pas à lui faire le message de notre part…

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