APRÈS QUATRE LONGUES ANNÉES DE MUTISME DISCOGRAPHIQUE, CHAN MARSHALL BOSSE AVEC PHILIPPE ZDAR, SORT UN ALBUM DÉROUTANT, FAIT ÉCOUTER UN MESSAGE D’IGGY POP ET RACONTE SA FURTIVE RENCONTRE AVEC BOB DYLAN.

« Chez vous, c’est combien de bises? Deux? Trois? Quatre? Ah non, c’est vrai, on court nus autour de la table pour se dire au revoir… » Chan Marshall, alias Cat Power, est givrée. Du genre qui te fait respirer l’odeur d’un bol de café imaginaire et s’excuse pour rien à tout bout de champ… Elle est aussi, ça va de pair, totalement imprévisible. Son nouvel album, surprenant, l’Américaine l’a mixé avec le pionnier de la french touch Philippe Zdar. Le mec de Cassius a épaulé Chromeo, Phoenix, The Rapture… Pas spécialement la griffe Cat Power.

 » Je n’avais pas la moindre idée de ce que je désirais quand je me suis mise à plancher sur ce disque. Je voulais juste jouer de tous les instruments. Mais alors que j’écrivais de nouvelles chansons, je suis tombée en dépression. J’ai arrêté pendant huit mois. Les talents de mon groupe, de Judah Bauer (Jon Spencer Blues Explosion), Jim White (Dirty Three), Gregg Foreman, Erik Paparazzi, me manquaient. On a bossé ensemble pendant un an mais ça n’a pas débouché sur le résultat escompté. »

Silver Lake, Malibu, Miami… Un studio construit à la maison, des concerts, des répétitions… Rien.  » Je n’arrivais pas à mettre sur disque ce que j’entendais dans ma tête. J’en devenais dingue. » La native d’Atlanta tombe alors sur un morceau du dernier Beastie Boys ( Hot Sauce Committee Part Two).  » Je suis rentrée à la maison. J’ai googlé « Beastie nouvel album mixeur » et le nom de Philippe Zdar est apparu. C’est ma plus grande faiblesse: j’écoute très peu de musique d’aujourd’hui mis à part dans les clubs et les taxis. Je ne savais donc pas du tout qui il étaità »

Chan est par ailleurs incapable de le payer jusqu’à ce que le disque soit finalisé. Qu’à cela ne tienne, le Français accepte en attendant de bosser pro bono.

Drôle d’histoire pour une rencontre. D’autant que Zdar s’est fait sampler ( I Love You So) par Jay-Z et que madame Marshall, qui n’a jamais osé, aurait bien invité le rappeur sur son disque où elle joue la moindre note du moindre instrument… Iggy Pop, lui, a eu cet honneur. Il assure les ch£urs sur Nothing But Time, un morceau de 11 minutes dédié à l’ex-belle fille de Chan.  » Elle adore David Bowie. Et je savais qu’Iggy coïncidait avec Heroes et sa période berlinoise. Je leur ai demandé à tous les deux s’ils voulaient participer à la chanson. Iggy a accepté. David décliné très poliment. J’aurais dû demander à Patti Smith de le remplacer… »

L’écorchée

En cet après-midi ensoleillé – » le soleil, c’est une énergie, c’est Dieu, c’est mon Dieu« , lance celle qui a intitulé son nouvel album Sun-, Chan Marshall respire la bonne humeur. Derrière la gentillesse, la douce folie, les éclats de rire, se cache pourtant une écorchée.

Tout en faisant écouter un message vocal d’Iggy Pop qui lui souhaite bonne chance de sa voix rocailleuse et semble la réconforter, elle parle des lettres qu’elle a reçues des quatre coins du monde l’implorant de ne pas jouer à Tel Aviv et de sa mère qui buvait des irish-coffee… en se levant le matin.

Après la sortie de The Greatest en 2006, son dernier véritable album ( Jukebox étant un disque de reprises), Chan a fait une dépression psychotique. Elle s’est enfermée dans son appartement pendant sept jours. A débranché le téléphone. Joué du Miles Davis. Arrêté de manger et de dormir. Et prié pour mourir. Elle est toujours sous médocs pour troubles bipolaires. Et la singer songwriter continue de morfler. L’acteur Giovanni Ribisi a mis un terme à leur relation amoureuse de 3 ans en mars dernier par téléphone. Se mariant quatre mois plus tard avec la mannequin Agyness Deyn. Sun n’est pas pour autant un album de séparation. Un disque dépressif. L’Américaine, qui a fêté ses 40 ans en janvier, y parle un peu de douleur ( Cherokee), de son amour pour Manhattan, du monde aussi ( Ruin).

 » Des gens sont morts aux Etats-Unis et meurent encore à certains endroits de la planète pour la liberté d’expression. C’est triste de voir ce qu’on en fait parfois. Heureusement, tu as de temps en temps un mec comme Bob Dylan qui débarque, chante ce qu’il pense, ce qu’il veut et te fait comprendre que tu le peux aussi. Je l’ai rencontré après l’un de ses concerts. J’étais avec Roman Polanski, qui est un gentleman, quoi qu’il soit arrivé dans le passé, sous l’effet de la drogue, avec cette jeune fille… Dylan a parlé à Roman. Je me cachais sous terre. Il a regardé mes pieds et m’a dit: « Alors comme ça, nous nous rencontrons enfin. » Ça n’a pas été beaucoup plus loin. »

Dans un ultime passage du coq à l’âne, Cat Power confie qu’elle a commencé à écrire une série de trois livres qu’elle aimerait transformer en script et par la suite réaliser. Une chatte sur un toit brûlant… l

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