Cannes 2012: Chronique d’une Palme annoncée

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Avec Amour, Michael Haneke rejoint le cercle très fermé des lauréats de deux Palmes d’or.

Président du jury du 65e festival de Cannes, Nanni Moretti avait affirmé son envie de surprises. Une aspiration que ne reflète que mollement un palmarès finalement plus prévisible qu’attendu, et du reste exempt de tout nouveau nom -n’était, bien entendu, celui de Benh Zeitlin, lauréat de la Caméra d’or récompensant un premier film pour l’épatant Beasts of the Southern Wild, présenté à Un Certain Regard. De Ken Loach, prix du Jury pour Angel’s Share, à Matteo Garrone, Grand Prix pour Reality, et jusqu’à Cristian Mungiu, dont le Beyond the Hills récolte le prix du Scénario en plus d’un double prix d’interprétation féminine, il n’y a là qu’anciens lauréats de distinctions diverses (et même la plus prestigieuse pour le Britannique et le Roumain). Et donc, forcément, l’expression d’une certaine orthodoxie cannoise, sans qu’il y ait d’ailleurs là fondamentalement grand-chose à redire, chacun de leurs films présentant d’évidentes qualités.

On aurait néanmoins apprécié un peu plus d’audace dans le chef du jury; celle dont il a peut-être cru faire preuve en octroyant le Prix de la mise en scène à Carlos Reygadas pour son Post Tenebras Lux -une mauvaise plaisanterie ou une prime à l’imposture, voire les deux à la fois, accueillie par le réalisateur mexicain dans un remerciement grinçant « aux membres de la presse qui n’ont pas arrêté de me flatter depuis trois ou quatre jours ». Cela posé, on ne hurlera pas non plus au scandale, et certainement pas devant le prix d’interprétation octroyé à Mads Mikkelsen, extraordinaire dans Jagten, de Thomas Vinterberg, ni devant la Palme d’or annoncée, qui va donc à Michael Haneke pour Amour, film d’une densité exceptionnelle qui avait fait l’unanimité parmi les festivaliers. Incidemment, le réalisateur autrichien rejoint ainsi Bille August, Francis Ford Coppola, les frères Dardenne, Shohei Imamura et Emir Kusturica dans le cercle très fermé des lauréats de deux Palmes d’or.

Tant pis donc pour Leos Carax et son hallucinant Holy Motors, comme pour David Cronenberg et son affolant Cosmopolis, voire Sergei Loznitsa pour le suffocant V Tumane ou Jacques Audiard avec De rouille et d’os. Et l’on ne cite que pour l’anecdote les productions américaines, venues nombreuses pour repartir bredouilles. Mais soit, comme l’aura joliment suggéré Jean-Louis Trintignant, citant Prévert en fin de cérémonie de clôture: « Et si on essayait d’être heureux, ne serait-ce que pour donner l’exemple. »

Jean-François Pluijgers

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