Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

POUR SES NOCES DE VERMEIL (45 ANS), THE VELVET UNDERGROUND, LE TROISIÈME ALBUM DE L’INFLUENTE BANDE À LOU REED, RENAÎT SOUS LA FORME D’UN LUXUEUX COFFRET.

The Velvet Underground

« The Velvet Underground Super Deluxe »

DISTRIBUÉ PAR UNIVERSAL.

9

Septembre 1968. Sterling Morrison et Maureen Tucker retrouvent Lou Reed dans un bar du Village. The Raven, le corbeau comme on l’a surnommé, joue au petit jeu du chantage affectif. C’est lui ou John Cale. Depuis le début, le Velvet Underground repose sur leur indéniable complémentarité et la compétition à laquelle les deux hommes se livrent. Mais chacun a sa propre idée du chemin tortueux menant au succès, de comment concilier crédibilité musicale et reconnaissance commerciale. Cale est un fervent adepte de l’expérimentation et reste obnubilé par l’utilisation d’un mur de haut-parleurs digne d’une Tour de Babel. Reed lui, miné par le manque de crédit qu’on leur accorde, est bien décidé à rendre le Velvet et ses chansons accessibles à un plus large public.

Cale lourdé, le groupe new-yorkais entre en studio à Hollywood dès novembre avec un jeune bassiste, Doug Yule, venu du circuit folk rock de Boston. Après White Light/White Heat, son disque le plus électrique, bruitiste et exigeant, le Velvet signe un album apaisé et intimiste essentiellement composé de ballades. Si Pale Blue Eyes évoque le grand amour de Reed pour une jeune femme qui s’est mariée avec un autre, The Velvet Underground, souvent surnommé « l’album au canapé » en référence à sa pochette (le premier était déjà pour beaucoup « l’album à la banane »), s’ouvre sur Candy Says et l’histoire chantée par Yule d’un travesti dépressif qui déteste son corps inspiré par Candy Darling, superstar de Warhol et de la Factory.

Album perdu

Bercé par l’apaisement et la résignation, baigné de mysticisme (l’apaisé Jesus et l’incontournable Beginning to See The Light), le troisième Velvet prend ses distances (le tournoyant The Murder Mystery excepté) avec les excentricités de ses deux premiers albums. Il est son disque de la quiétude et de l’après- chaos. Une douce promenade main dans la main avec le cafard. « Un accident, selon Sterling Morrison. Après le changement de line-up, le groupe était toujours aussi bruyant. Mais nous nous sommes fait voler notre matériel à l’aéroport, juste avant d’entrer en studio. Nous n’avions plus de pédales fuzz ni de pédales d’effets. Nous nous sommes juste retrouvés avec des guitares et des amplis. Nous avons fait avec. » (1)

Qu’il soit ou pas le fruit des circonstances et du destin, The Velvet Underground, sous ses apparences classiques, a marqué de sa gravité moelleuse une kyrielle de groupes pop rock et lo fi. De Daho aux Strokes en passant par Kimya Dawson et ses Moldy Peaches comme en atteste l’After Hours final chanté par Maureen Tucker. Réédité pour ses 45 ans dans une édition Super Deluxe, il est ici décliné sous ses différentes formes (la version mono, celle, stéréo, remasterisée par Val Valentin et enfin en mode Closet Mix, ainsi surnommé parce qu’il semble enregistré dans un placard). Mais aussi accompagné de deux concerts enregistrés en 1969 à San Francisco et surtout du « quatrième album perdu » mis en boîte en octobre de la même année par les New-Yorkais pour se libérer de leur contrat avec MGM (il était à l’époque resté dans les tiroirs). Un package exceptionnel pour un disque qui l’est tout autant.

(1) N° 24 DES INROCKUPTIBLES, JUILLET 1990.

JULIEN BROQUET

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