Bye Bye Paul

© MARTIJN SOENEN

Frère de sang d’Arno dans Freckleface, Tjens Couter et TC Matic, Paul Couter vient de tirer sa révérence, léguant un dernier album solo crépusculaire.

Paul Couter -mort ce 27 avril à 72 ans- serait le possible double d’Arno. Même âge. Même fascination pour le blues. Même provenance de la mer du Nord: Zeebrugge pour lui , Ostende pour Hintjens. Mêmes débuts de carrière musicale, en 1972 alors que le guitariste Couter invite son pote Arno à chanter sur une paire de morceaux de Freckleface. Du blues rugueux qui a gobé Lightnin’ Hopkins et Captain Beefheart: c’est la période où Arno mange des poireaux (crus) parce qu’il pense en tirer une voix éraillée à la Rod Stewart… La suite s’inscrit lorsque les deux complices fondent Tjens Couter, initialement duo guitare-voix/harmonica, noyauté de roots américaines. Lorsqu’on voit les deux zigues -dans une première partie incongrue à Forest National en 1976-, ils semblent totalement à contre-courant de l’époque, qui s’apprête au punk, très loin du rural Mississippi fantasmé. Mais après un premier album rustique sorti en 1975, Who Cares (en effet), le duo s’adjoint une section rythmique pour Plat du jour, publié trois ans plus tard. Les prémices de la formation de TC Matic, auquel Paul Couter se joint pendant un bout de temps, avant d’être  » chagriné par l’électronique » et de quitter le groupe qui va lancer la carrière d’Arno.

Bye Bye Paul

Nick Cave azimuté

On est fin des années 70 et Paul Couter entame, lui, un parcours qui passe désormais quasi exclusivement par le circuit des bars, cafés et clubs flamands. Il y récolte plus de tournées de bières que de reconnaissance publique. Couter ne cherche sans doute pas à échapper à un destin qui le reloge à Gand, où réside aussi un autre septuagénaire de la même trempe, Roland Van Campenhout. Paul vit, survit, comme les soudards d’un genre à la fois vieux et intemporel, au gré de quelques disques souvent peu ou mal distribués dans le commerce. D’où un manque de reconnaissance en francophonie où son actuelle disparition se scelle sur Domisoldo, paru en mars 2021 alors que Paul est depuis de longs mois en soins palliatifs. Et cravache la douleur pour en terminer l’enregistrement. L’album est puissant, chargé et volontaire, signature finale d’un homme qui connaît son proche et funeste destin. La voix fendue du bluesman flamand a la teneur des grands: on pense à Ian Dury ( Top of the Slide) ou même à la version d’un Nick Cave azimuté ( Face in the Mood). Six titres mordants, parfois longs, qui dilatent les références bluesy dans de beaux arrangements jazz et rock et même peut-être folk et marche militaire. Le sax s’invitant aux meilleurs moments saignants ( Birds). Même hors contexte -l’artiste dans sa dernière ligne droite avant le crash terrestre-, voilà un des albums les plus authentiquement vivants de 2021. La première impression vinyle étant épuisée, on peut commander la prochaine sur www.singmytitle.com. Vaut vraiment le coup.

Paul Couter

« Domisoldo »

Distribué par N.E.W.S.

8

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