Bunker

© National

Les bandes d’ados fonctionnent un peu comme une tribu de primates: le mâle dominant sur sa bécane avec sa femelle et son survêt’, autour desquels gravite le reste de la meute. Parmi elle, Jessica intrigue: elle est belle, forte et joue au foot. Elle connaît la mécanique, identifie un modèle de moto rien qu’à l’oreille. Les autres filles la craignent, se moquent d’elle discrètement, ou plutôt s’en prennent aux garçons qui lui tournent autour, comme Antoine. Le garçon est fasciné par cette grande bringue aux cheveux courts qui crache et cache sa poitrine (qu’elle a énorme, paraît-il) avec une brassière. Dès les premières pages, le décor est planté: la campagne du bord de mer dans le Nord de la France. L’auteur, originaire de Picardie, connaît bien cette région, sa faune et le microcosme dans lequel elle évolue, décrits ici à la perfection. Aux propos qu’on pourrait croire éculés sur l’adolescence et son cortège de malaises, mythomanies et roulages de mécaniques, l’auteur ajoute cette sensation de ne pas être à sa place. De manière hyper subtile, il situe Jessica dans cet entre-deux où on ne sait pas encore très bien qui on est, ce qu’on veut ou ce qui nous attire. Si à l’extérieur -en société- il faut être fort, dans l’intimité du bunker perdu dans les dunes, on peut se livrer un peu plus au risque de mordre la poussière. Graphiquement, c’est une claque. Usant de différentes techniques, du noir et blanc allant de la plume aux trames en passant par la carte à gratter, l’auteur se permet le grand écart entre la stylisation et l’hyperréalisme. On pense à Baudoin, McCay, parfois Masse. Il y a pire comme première BD chez un éditeur établi.

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De Camille Poulie, éditions Dupuis (Les Ondes Marcinelle), 144 pages.

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