Elle colle aux baskets de ce mois d’octobre comme un sparadrap aux doigts du capitaine Haddock. Même le supplément d’UV gracieusement offert cet été par Global Warming Limited n’aura eu raison de sa petite musique lugubre. La tristesse suinte de tous les pores du corps social. Elle repeint tout en gris, dissout l’euphorie et enrobe d’un voile mélancolique la pensée, à commencer par celle, ultra sensible et déjà passablement torturée à la base, des artistes. Voilà qui ne devrait d’ailleurs pas arranger leur réputation de dépressifs chroniques. Pour un Mika, 10 Tom Yorke, 10 Philip Roth, 10 Jacques Audiard… Même Le Club des incorrigibles optimistes, premier roman solide comme le rideau de fer de Jean-Michel Guenassia, a des accents moroses. Et ce n’est rien à côté du désenchantement qui polit chaque carat du dernier diamant de Philip Roth, Exit le fantôme. En même temps qu’il fait ses adieux à son double littéraire, Nathan Zuckerman, l’auteur y répand son venin d’encre, n’épargnant ni la vieillesse ni ce monde obscène qu’il a renoncé à comprendre. Un chant du désespoir superbe. Qui agit sur le moral comme une poignée de sel sur une plaie béante… Et ce n’est pas du côté du cinéma qu’on trouvera un peu de réconfort. Hormis les sucreries au goût d’anis ( Le petit Nicolas) ou de carotte bio ( Away we go), les écrans pleurent eaux et sang sur nos c£urs balafrés. De Johnny Mad Dog à Antichrist en passant par Demain dès l’aube, les rayons de lumière ne filtrent que rarement à travers les persiennes de la fiction. Même du côté de l’animation ( Up et surtout Mary et Max, comédie piquante se déroulant dans une ville tristounette où tout le monde tire la gueule), l’humeur n’est pas à la rigolade… Et la musique, adoucit-elle les m£urs? Si peu. Le retour en piste des folkeux à barbe, ces entomologistes des tourments de l’âme, avait déjà de quoi filer le bourdon. Le dernier sanglot à peine ravalé, voilà que monte de l’horizon une autre complainte capable de vous glacer le sang et de le faire bouillir en même temps. Une sorte de chaud-froid émotionnel. L’électro hier si joyeuse, si légère a désormais des trémolos dans le synthé. A la tête de ce commando de desesperados magnétiques, le quatuor londonien né sous XX. Musique minimaliste, cafard XX…L. Même les gros bras d’iTunes virent dépressifs. Le dernier Moby par exemple, Wait for me, est parfait pour plomber l’ambiance. Alors, tendance à se complaire dans la mélasse de l’existence ou reflet des hoquets du présent? Un peu des deux sans doute. Si on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments, les raisons de ne pas y croire sont nombreuses. La roulette russe climatique bien sûr, mais plus largement cette impression d’être un chat coincé dans la machine à laver. Pour tenir le coup, deux solutions: se gaver de friandises (avec le risque de voir son cerveau finir obèse ou diabétique) ou se faire une raison. Et croquer à pleines dents dans la pomme, même si elle a l’air un peu farineuse …

Par Laurent Raphaël

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