Les séries ethniques ont bien fonctionné. Et si on essayait le réalisme?

On parle souvent de la télé comme d’un miroir de la société. En fait, elle réfléchit plutôt ses peurs, ses doutes, ses rêves, et relaye ses tabous. Sur la question de la représentation ethnique, le petit écran – on parle ici de l’américain, le français ou le belge ayant encore un pied dans la préhistoire – a longtemps été à la traîne. En tout cas par rapport à la musique qui exhibait ses artistes blacks dès le début du 20e siècle (tout en interdisant au public noir de venir les applaudir), l’écran lavait plus blanc que blanc. Sans doute fallait-il voir dans ce phénomène la volonté de ne pas faire fuir la ménagère, de la conforter dans ses représentations du monde. Et puis un jour, Bill Cosby débarqua dans le salon avec son Show, et défricha un boulevard dans l’inconscient des producteurs et éditeurs de produits télévisés: il était possible que les héros de séries soient blacks. Et que parfois même, ça plaise au public. C’était en 1984. S’en suivit une déferlante de séries « ethniques » où le black était beautiful, riche, fan de basket, et drôle. Le Prince de Bel-Air en est l’exemple-type. Pendant six ans, Will, ado des quartiers chauds, a décoiffé la banlieue chic de L.A. où il avait emménagé. Pour la critique sociale et l’exploration de la psychologie des personnages, on repassera. Mais la famille Banks (comme la Cosby), un rien fantasmée, eut le mérite de montrer que l’Afro-Américain pouvait réussir dans la vie, et ne devait pas forcément se définir en utilisant des références blanches.

Aujourd’hui, dans les séries, les blacks et les blancs sont moins déconnectés – quoique Friends a fonctionné huit saisons sans intégrer de personnage de couleur. Chris Rock, dans sa poilante bio romancée en sitcom Tout le monde déteste Chris, emménage dans un quartier blanc et relate le choc des cultures. L’hôpital de Seattle Grace, où prend place l’intrigue de Grey’s Anatomy, compte une foule de personnages de couleur dont son chef. Et l’ascension folle de Barak Obama doit sans doute un petit quelque chose à David Palmer, son homologue de fiction dans 24 heures chrono: un président américain noir, compétent et humain, qui a montré aux Etats-Unis une image d’eux-mêmes gouvernés par un membre d’une minorité visible. Même si certains évoquent un quota ethnique dicté par le politiquement correct, on sent que les choses avancent. Audace suprême: la télé s’est même risquée à montrer des blacks gays sans trop verser dans la caricature, dans la série Noah’s Arc, sorte de L Word masculin et coloré. Prochaine étape, une série de blacks nerds ou dépressifs?

Texte Myriam Leroy

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