Critique | BD

[la bd de la semaine] Immonde!, d’Elizabeth Holleville

Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Élizabeth Holleville impressionne avec son deuxième roman graphique mêlant déchets radioactifs, monstres hideux et affres adolescentes contemporaines.

Morterre, qui porte bien son nom, est une petite ville industrielle grise et triste quelque part dans les Vosges, dont tous les habitants ou presque travaillent à l’Agemma, une entreprise d’extraction de tomium, un minerai hautement radioactif. C’est le cas des parents de Jonas et Camille, deux ados délaissés, passifs et nerds, férus de B-movies, bientôt rejoints par Nour, autrement plus curieuse, et dont le père travaille dorénavant aux bassins étanches de l’Agemma, censés contenir les résidus toxiques. L’ambiance est lourde: un employé a disparu, première pierre d’un récit à l’atmosphère de polar basculant petit à petit dans l’étrange, avant de devenir littéralement épouvantable, puisque vont bientôt y débarquer des êtres défigurés ou transformés en monstres, avant les monstres eux-mêmes… En dire plus -et j’en dis déjà trop- serait faire injure aux plus de 200 pages que l’autrice a consacrées à son Immonde!, quatre ans après son premier album chez Glénat (L’Été fantôme, conte déjà fantastique, mais moins horrifique). Seule certitude et spoil convenable: si Charles Burns, l’auteur de Black Hole et Toxic, et John Carpenter, réalisateur aux mille films d’horreur, dont The Thing, avaient pu avoir une fille, c’est sûr, ils l’auraient appelée Elizabeth Holleville!

So eighties, so 2020

On ne connaît pas bien l’autrice de cet enthousiasmant Immonde!, mais on l’imagine bien devant sa télé à s’empiler des séries comme Stranger Things ou Cobra Kai, quand elle ne regarde pas de vieilles séries B ou films d’horreur des eighties. La pop culture des années 80 transpire littéralement de ses pages et de son récit (elle est née en 1988), même si élizabeth Holleville n’a pas oublié d’être une autrice bien de son temps, au graphisme très contemporain et au diapason du female gaze actuel plein de personnages féminins, non-genrés et/ou à mille lieues des clichés habituels comme l’est le trio qui mène la danse de cet Immonde!, formé par Camille, Nour et Jonas. Pour le reste, on se gardera bien, derrière le plaisir presque coupable d’avoir beaucoup aimé ce livre, de décider, à l’instar de ses personnages, s’il s’agit ici d’une BD de série B (« des films généralement d’action, d’horreur ou d’aventure à petit budget, mais qui peuvent réserver de bonne surprises« ) ou d’un nanar (« ce sont juste des mauvais films, ridicules mais sans le vouloir« ), tant la scène finale vire quelque peu vers le grand n’importe quoi, balayant au passage quelques intrigues et questions qui n’auront pas de réponses. Mais peu importe: comme Timothé Le Boucher, le voisin d’atelier qui amène le point final et geek à ce récit plein de références, on s’est bien amusé.

Immonde!

Roman graphique d’Elizabeth Holleville, éditions Glénat, 240 pages. ****

[la bd de la semaine] Immonde!, d'Elizabeth Holleville

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