Banksy, la surmédiatisation

Mobile Lovers (détail) © Banksy
Pauline Serrano Izurieta

Mobile Lovers, la dernière oeuvre de Banksy, précédée par l’énigmatique cabine téléphonique dont on lui suppose la paternité, affolent la Toile. Alors que le street artist y dénonce les dérives de la technologie, les médias s’acharnent sur une histoire toujours racontée au conditionnel.

Banksy. Banksy partout, tout le temps. Cette semaine n’est pas non plus pauvre en actualité, jugez plutôt. Lundi, un graffiti a été découvert sur le mur d’un particulier à Cheltenham, en Angleterre, comme l’illusre ci-dessous le tweet de Jack Maidment du Gloucestershire Echo, un journal local. Celui-ci met en scène une cabine téléphonique entourée de trois espions, occupés à écouter et enregistrer tout ce qui pourrait se dire. Une antenne parabolique reliée au dispositif des agents secrets entre aussi en jeu dans la compositon. Le choix du lieu, cette petite station thermale de Cheltenham, n’est pas dû au hasard. C’est à quelques kilomètres seulement, à Benhall, que se trouve le siège du GCHQ (Governement Communications Headquarter, le service de renseignement britannique). Ce dernier a été accusé par Edward Snowden d’avoir eu accès à des communications majeures. Tout dans la démarche laisse supposer que Banksy est l’auteur de ce travail: utilisation d’objets réels dans l’oeuvre (cabine téléphonique, antenne parabolique), style de pochoirs traditionnel à l’artiste, dénonciation d’une dérive du système, etc. L’oeuvre pourrait être aussi celle d’un quidam qui, profitant du succès fulgurant de Banksy, a utilisé ses codes pour lui aussi, avoir son heure de gloire. Ou Banksy, souhaitant encore brouiller les pistes, serait en fait plusieurs, sous différents alias. Bref, mille et une explications pourraient tenir la route quant à l’identification de l’artiste, et c’est très certainement ce qui amuse Banksy dans ce jeu de piste.

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Le réel événement s’est cependant déroulé mardi, soit un jour plus tard. Cette fois-ci, plus de doute sur l’auteur: Banksy a bien réalisé Mobile Lovers (nommé de la sorte par les spécialistes d’art), comme l’indique son site officiel. On peut y voir l’étreinte d’un couple interrompue par la consultation de leurs smartphones. Aucune autre information n’a été communiquée, l’emplacement de l’oeuvre demeurait jusque-là inconnu. C’est alors que la chasse au trésor a débuté. La piste de l’Angleterre a été rapidement mise sur l’échiquier grâce aux pavé, lampadaire noir et marquage jaune au sol typiques du pays. On sait à présent que la pièce se trouve à Clement Street (à Bristol, la ville du graffeur) mais qu’elle a déjà été déplacée de son endroit d’origine. C’est qu’en effet, Dennis Stinchcombe, manager du Broad Plain Boys Club, s’est emparé de l’oeuvre, dénaturant clairement la démarche même du graffiti. Le sauvage propriétaire compte la vendre pour sauver sa vieille association sportive, située non loin de Clement Street, au bord de la faillite. L’histoire ne s’arrête pas là puisque le club propose toujours de voir Mobile Lovers en ses murs, mais moyennant une petite somme (!).

On se rue bel et bien où ce prétendu Banksy aurait posé un peu de couleur, protégeant, surveillant les pans de murs de toute dégradation, quand on ne les arrache pas tout simplement pour les placer dans des galeries d’art. Banksy est ainsi tant au coeur de la gloire que de la chute du graffiti, installant une relation contradictoire dans le milieu, mais certes très stimulante. La rue n’a décidément jamais eu son mot à dire.

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