Bandes de malades

L'auteur français Nicolas Keramidas se met en scène dans le bien nommé À coeur ouvert qui relate l'opération du même nom, subie il y a quatre ans. © DUPUIS -KERAMIDAS

Exprimer son vécu, base de toutes les BD autobiographiques, est essentiel dans le processus de résilience. Le français Nicolas Keramidas narre ainsi son opération à coeur ouvert et la finnoise Tiitu Takalo son hémorragie cérébrale.

Leur dernier album paru, ni Nicolas Keramidas ni sa consoeur nordique Tiitu Takalo n’avaient imaginé un jour l’éditer voire le dessiner. Du moins, pour le premier, pas avant le 15 janvier 2016, jour où son coeur s’est soudain emballé sur un terrain de foot en salle, et pour la seconde, cette soirée du 4 décembre 2015 lorsqu’une migraine atroce se révèle être une hémorragie cérébrale. Nicolas Keramidas assurait alors la sortie d’une de ses nombreuses fictions humoristiques, qu’il dessinait toujours sur scénario des autres; Tiitu Takalo terminait, elle, un projet d’exposition, une installation très éloignée de ses planches de BD, certes souvent autobiographiques. Les deux auteurs frôlent la mort, plongent dans un univers hospitalier qui, jusque-là, leur était inconnu, entament ensuite une longue rééducation et puis sentent le besoin, presque la nécessité, de raconter ce qu’ils ont vécu en s’éloignant tous deux de leur zone de confort créative pour donner corps à ce qui restera sans doute, dans leur style respectif, l’un des meilleurs albums de leur carrière.

Bandes de malades
© TIITU TAKALO

 » J’ai commencé à prendre des notes six mois après cette première alerte, quand, après des semaines d’examens, on m’a annoncé que l’opération à coeur ouvert était devenue inévitable, nous explique Nicolas Keramidas qui se porte désormais comme un charme. J’ai tout de suite su que je ne voulais pas oublier comme j’avais déjà oublié les détails des six derniers mois! J’ai alors commencé un carnet de notes, sans trop savoir qu’en faire. C’était, évidemment, une manière d’éviter de trop cogiter, de tenir l’angoisse à distance. Le fait d’avoir pu coucher tout ça sur papier m’a fait du bien. Et puis j’avais à l’époque cette petite frustration: tous mes potes de travail avaient déjà réalisé un ou plusieurs albums solo, alors que moi, après 18 albums, toujours pas. J’avais l’envie, mais pas le sujet. Et là d’un coup, je me suis dit que je tenais peut-être le bon sujet, si je m’en sortais. »

Bandes de malades

Témoignages nécessaires

Plus jeune, Nicolas Keramidas exhibait presque fièrement les cicatrices qui, déjà, marquaient son corps: opéré à coeur ouvert dès sa naissance pour une tétralogie de Fallot, une malformation cardiaque congénitale. Il n’en avait jamais souffert mais en usait pour draguer les filles ou se faire réformer. D’ailleurs, il ne met même pas son évidente soif de vivre -en plus d’être hyperactif, il est un collectionneur compulsif- sur le compte d’une peur légitime de la mort:  » Pendant 44 ans, je n’en ai absolument pas souffert, je n’en avais même pas conscience. C’est aussi pour ça que je ne voulais pas d’un livre uniquement sombre et douloureux. Pour moi, avec cette nouvelle opération, même s’il y a eu des moments très difficiles, tout s’est très bien passé. La seule chose qui m’est interdite désormais, c’est le sport de haut niveau, et ce n’est pas très grave! Je sais que je devrai faire une autre opération d’ici une quinzaine d’années, mais ce sera par voies veineuses, donc moins risqué. Et ça n’a pas jeté plus de gravité dans ma vie, je n’ai pas un sentiment de finitude plus exacerbé, ça a peut-être développé mon petit côté fataliste: soit tu te ronges, soit tu essaies de vivre ta vie normalement, puisque ça ne changera rien. Ma nature, c’est avancer. » Une nature qui s’exprime parfaitement dans son bien nommé À coeur ouvert et qui en fait une oeuvre à part dans l’univers des « BD de malades » souvent remarquables ( voir nos encadrés) mais plombées: Nicolas Keramidas ne s’y dépare pas, lui, de son style naturel, humoristique et cartoonesque, façonné par plus d’une décennie passée dans les studios Disney, et donne à son rendez-vous avec la mort des airs de légèreté surprenants, remplis d’anecdotes souvent drôles et dans un style « tout public » finalement peu vu dans le genre. Soit à peu près, aussi, tout le contraire du roman graphique de la Finlandaise Tiitu Takalo, dans lequel on rit peu, voire pas du tout, mais dans laquelle l’autrice déploie cette fois-ci toute une gamme d’expressions et de narrations propres à la bande dessinée alternative. Takalo fait ainsi évoluer ses couleurs et le réalisme de son trait en fonction de ses humeurs du moment, multipliant les « face caméra » volontairement malaisants:  » La perf’ avait été enlevée. J’avais moins mal à la tête. J’arrivais enfin à bouquiner. Mais mon autonomie… Et mon intimité, on ne me les avait pas encore rendues (…). Maintenant, je voulais ma liberté. Mon indépendance. Mon intimité. Je voulais fuir« , écrit-elle.

Bandes de malades

Deux manières de (se) raconter très différentes, mais qui se rejoignent souvent dans les figures incontournables auxquelles leurs deux autobiographies post-opératoires ont été obligées de se frotter.  » La plupart du temps, tu es figé dans ton lit à regarder le plafond, ce n’est pas très facile à mettre en scène, note Nicolas Keramidas . Il te faut beaucoup de trouvailles graphiques pour rendre ça un peu vivant ou dynamique. » Des trouvailles qui parfois se ressemblent, de la caméra en plongée sur les lits d’hôpitaux aux coupes transversales de leur corps en souffrance, comme se ressemblent leur ressenti du milieu hospitalier -espace inhumain rempli d’humains comme rarement dévoués. Autre point commun de ces deux livres très différents: la manière dont ils leur attirent un tout nouveau public, souvent concerné.  » Je reçois désormais énormément de témoignages, de courrier, d’e-mails, et souvent de la part de personnes qui ont vécu la même chose que moi, mais de manière bien plus traumatisante ou handicapante. Et beaucoup me remercient, car ils n’avaient pas les armes pour exprimer ce qu’ils ont vécu. On en ressent tous le besoin, mais nous n’en avons pas tous la possibilité« , conclut Keramidas.

À coeur ouvert, de Nicolas Keramidas, éditions Dupuis, 208 pages.

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Memento Mori, de Tiitu Takalo, Éditions Sarbacane, 240 pages.

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Bandes de malades

Grâce finlandaise

Parallèlement au Memento Mori très réussi de Tiitu Takalo (lire ci-contre), Emmi Valve, une autre autrice finnoise indépendante, publie La Grâce aux éditions çà et là. Elle y décrit une forme très particulière de dépression sévère, parfois appelée dépression existentielle, dont elle souffre depuis son enfance: un sentiment exacerbé de vide absolu, d’inutilité et de non sens de l’existence qui mènera Emmi Valve jusqu’en hôpital psychiatrique. Sans fard, sans auto-apitoiement (ce qui relève de l’exploit dans un genre qui en déborde) et en 300 pages serrées et débordantes de couleurs et souvent d’angoisse, l’autrice explore le comment du pourquoi de ce cauchemar éveillé qui la plonge dans les abîmes. Habituée à ce paradoxe très générationnel du journal intime exposé aux yeux de tous, via un blog et des fanzines autobiographiques rapidement remarqués, Emmi Valve est obligée ici, du fait de l’invisibilité de son mal, à multiplier les figures de style et autres métaphores visuelles propres à la narration graphique pour lui donner un visage et une consistance. Un besoin d’onirisme qu’elle mélange avec des face caméra très réalistes et un usage de la couleur et des matières porteurs eux aussi de sens et d’angoisse, rendant palpable l’impalpable. Une expérience de lecture réservée aux amateurs de BD alternative, très éloignée du 48 cc, ou à tous ceux qui ont besoin eux-mêmes d’être accompagnés dans leur parcours de résilience. Ce n’est d’ailleurs pas autrement qu’Emmi Valve a envisagé sa Grâce, elle qui la conclut par un encourageant:  » En tout cas, la maladie ne me domine plus.« 

Bandes de malades

La Grâce, d’Emmi Valve, éditions Çà et Là, 304 pages.

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Bandes de malades

Grâce finlandaise

Parallèlement au Memento Mori très réussi de Tiitu Takalo (lire ci-contre), Emmi Valve, une autre autrice finnoise indépendante, publie La Grâce aux éditions çà et là. Elle y décrit une forme très particulière de dépression sévère, parfois appelée dépression existentielle, dont elle souffre depuis son enfance: un sentiment exacerbé de vide absolu, d’inutilité et de non sens de l’existence qui mènera Emmi Valve jusqu’en hôpital psychiatrique. Sans fard, sans auto-apitoiement (ce qui relève de l’exploit dans un genre qui en déborde) et en 300 pages serrées et débordantes de couleurs et souvent d’angoisse, l’autrice explore le comment du pourquoi de ce cauchemar éveillé qui la plonge dans les abîmes. Habituée à ce paradoxe très générationnel du journal intime exposé aux yeux de tous, via un blog et des fanzines autobiographiques rapidement remarqués, Emmi Valve est obligée ici, du fait de l’invisibilité de son mal, à multiplier les figures de style et autres métaphores visuelles propres à la narration graphique pour lui donner un visage et une consistance. Un besoin d’onirisme qu’elle mélange avec des face caméra très réalistes et un usage de la couleur et des matières porteurs eux aussi de sens et d’angoisse, rendant palpable l’impalpable. Une expérience de lecture réservée aux amateurs de BD alternative, très éloignée du 48 cc, ou à tous ceux qui ont besoin eux-mêmes d’être accompagnés dans leur parcours de résilience. Ce n’est d’ailleurs pas autrement qu’Emmi Valve a envisagé sa Grâce, elle qui la conclut par un encourageant:  » En tout cas, la maladie ne me domine plus.« 

Bandes de malades

La Grâce, d’Emmi Valve, éditions Çà et Là, 304 pages.

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Bandes de malades

Grâce finlandaise

Parallèlement au Memento Mori très réussi de Tiitu Takalo (lire ci-contre), Emmi Valve, une autre autrice finnoise indépendante, publie La Grâce aux éditions çà et là. Elle y décrit une forme très particulière de dépression sévère, parfois appelée dépression existentielle, dont elle souffre depuis son enfance: un sentiment exacerbé de vide absolu, d’inutilité et de non sens de l’existence qui mènera Emmi Valve jusqu’en hôpital psychiatrique. Sans fard, sans auto-apitoiement (ce qui relève de l’exploit dans un genre qui en déborde) et en 300 pages serrées et débordantes de couleurs et souvent d’angoisse, l’autrice explore le comment du pourquoi de ce cauchemar éveillé qui la plonge dans les abîmes. Habituée à ce paradoxe très générationnel du journal intime exposé aux yeux de tous, via un blog et des fanzines autobiographiques rapidement remarqués, Emmi Valve est obligée ici, du fait de l’invisibilité de son mal, à multiplier les figures de style et autres métaphores visuelles propres à la narration graphique pour lui donner un visage et une consistance. Un besoin d’onirisme qu’elle mélange avec des face caméra très réalistes et un usage de la couleur et des matières porteurs eux aussi de sens et d’angoisse, rendant palpable l’impalpable. Une expérience de lecture réservée aux amateurs de BD alternative, très éloignée du 48 cc, ou à tous ceux qui ont besoin eux-mêmes d’être accompagnés dans leur parcours de résilience. Ce n’est d’ailleurs pas autrement qu’Emmi Valve a envisagé sa Grâce, elle qui la conclut par un encourageant:  » En tout cas, la maladie ne me domine plus.« 

Bandes de malades

La Grâce, d’Emmi Valve, éditions Çà et Là, 304 pages.

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Grâce finlandaise

Parallèlement au Memento Mori très réussi de Tiitu Takalo (lire ci-contre), Emmi Valve, une autre autrice finnoise indépendante, publie La Grâce aux éditions çà et là. Elle y décrit une forme très particulière de dépression sévère, parfois appelée dépression existentielle, dont elle souffre depuis son enfance: un sentiment exacerbé de vide absolu, d’inutilité et de non sens de l’existence qui mènera Emmi Valve jusqu’en hôpital psychiatrique. Sans fard, sans auto-apitoiement (ce qui relève de l’exploit dans un genre qui en déborde) et en 300 pages serrées et débordantes de couleurs et souvent d’angoisse, l’autrice explore le comment du pourquoi de ce cauchemar éveillé qui la plonge dans les abîmes. Habituée à ce paradoxe très générationnel du journal intime exposé aux yeux de tous, via un blog et des fanzines autobiographiques rapidement remarqués, Emmi Valve est obligée ici, du fait de l’invisibilité de son mal, à multiplier les figures de style et autres métaphores visuelles propres à la narration graphique pour lui donner un visage et une consistance. Un besoin d’onirisme qu’elle mélange avec des face caméra très réalistes et un usage de la couleur et des matières porteurs eux aussi de sens et d’angoisse, rendant palpable l’impalpable. Une expérience de lecture réservée aux amateurs de BD alternative, très éloignée du 48 cc, ou à tous ceux qui ont besoin eux-mêmes d’être accompagnés dans leur parcours de résilience. Ce n’est d’ailleurs pas autrement qu’Emmi Valve a envisagé sa Grâce, elle qui la conclut par un encourageant:  » En tout cas, la maladie ne me domine plus.« 

Bandes de malades

La Grâce, d’Emmi Valve, éditions Çà et Là, 304 pages.

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Grâce finlandaise

Parallèlement au Memento Mori très réussi de Tiitu Takalo (lire ci-contre), Emmi Valve, une autre autrice finnoise indépendante, publie La Grâce aux éditions çà et là. Elle y décrit une forme très particulière de dépression sévère, parfois appelée dépression existentielle, dont elle souffre depuis son enfance: un sentiment exacerbé de vide absolu, d’inutilité et de non sens de l’existence qui mènera Emmi Valve jusqu’en hôpital psychiatrique. Sans fard, sans auto-apitoiement (ce qui relève de l’exploit dans un genre qui en déborde) et en 300 pages serrées et débordantes de couleurs et souvent d’angoisse, l’autrice explore le comment du pourquoi de ce cauchemar éveillé qui la plonge dans les abîmes. Habituée à ce paradoxe très générationnel du journal intime exposé aux yeux de tous, via un blog et des fanzines autobiographiques rapidement remarqués, Emmi Valve est obligée ici, du fait de l’invisibilité de son mal, à multiplier les figures de style et autres métaphores visuelles propres à la narration graphique pour lui donner un visage et une consistance. Un besoin d’onirisme qu’elle mélange avec des face caméra très réalistes et un usage de la couleur et des matières porteurs eux aussi de sens et d’angoisse, rendant palpable l’impalpable. Une expérience de lecture réservée aux amateurs de BD alternative, très éloignée du 48 cc, ou à tous ceux qui ont besoin eux-mêmes d’être accompagnés dans leur parcours de résilience. Ce n’est d’ailleurs pas autrement qu’Emmi Valve a envisagé sa Grâce, elle qui la conclut par un encourageant:  » En tout cas, la maladie ne me domine plus.« 

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La Grâce, d’Emmi Valve, éditions Çà et Là, 304 pages.

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