Critique | Cinéma

Babylon: Damien Chazelle fantasme le vieil Hollywood

3,5 / 5
© National
3,5 / 5

Titre - Babylon

Genre - Drame épique

Réalisateur-trice - Damien Chazelle

Casting - Margot Robbie, Diego Calva, Brad Pitt

Sortie - En salle le 18 janvier 2023

Durée - 3 h 09

Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Résolu à toutes les emphases, Damien Chazelle orchestre Babylon, une fable tourbillonnante et cruelle dans le Hollywood décadent des années 1920.

Dès les premières minutes de Babylon, on contemple pêle-mêle: un homme se prendre des tombereaux de merde d’éléphant sur la gueule, un sosie dénudé d’Humpty Dumpty se faire pisser sur le ventre, un nain ensemencer à l’aide d’un faux sexe géant une foule déchaînée de noceurs épileptiques… Le tout croulant objectivement sous des montagnes de poudreuse et des brouettes d’allusions sexuelles. Voilà qui a au moins le mérite d’annoncer clairement la couleur d’une œuvre érigeant d’évidence la caricature, la surcharge et la démesure en principes cardinaux.

Avec Babylon, Damien Chazelle, réalisateur prodige de Whiplash, La La Land et First Man, choisit en effet de pousser joyeusement tous les curseurs dans le rouge pour mieux faire le récit choral d’une histoire largement fantasmée du Hollywood des années 1920. Assistant mexicain né pour se consumer sur les plateaux de cinéma (Diego Calva), aspirante actrice aux yeux déjà rendus fous par la gloire qui s’annonce (Margot Robbie), star du muet enquillant les conquêtes comme les cuites (Brad Pitt), échotière au sensationnalisme sans scrupule (Jean Smart), trompettiste de jazz trop noir ou pas assez (Jovan Adepo): ils sont tous appelés à se cramer les ailes sur l’autel brûlant des passions aux allures d’étoiles filantes promises par le Los Angeles des années folles…

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Histoire(s) du cinéma

Un maelström de mauvais goût et de pure magie”: c’est en ces termes que le personnage joué par Jean Smart décrit celui campé par Margot Robbie. Il est permis de supposer que Damien Chazelle utiliserait exactement les mêmes mots pour dépeindre l’ensemble de l’usine à rêves hollywoodienne, mais aussi le film qu’il lui consacre aujourd’hui. Au cœur de ce feu d’artifice permanent de vulgarité outrancière dopée au plus innocent des émerveillements, il s’agit avant tout de renoncer à distinguer l’ivresse de la gueule de bois. Sous tout ce fatras de désirs détraqués portés à incandescence, l’histoire est simple, en tout cas, pour ne pas dire simpliste, et Chazelle ne s’embarrasse d’aucune nuance pour remettre sur la table deux des thématiques phares de son cinéma: la solitude et l’ambition.

À force de délires opératiques et de loopings de mise en scène à l’ostentation virevoltante, son film, fresque chargée comme une mule où s’amoncellent les parallèles entre ce Babylon à la Kenneth Anger et les vicissitudes du Hollywood d’aujourd’hui, donne souvent le sentiment de courir comme un poulet sans tête -la nôtre semblant résolument, plus de trois heures durant, coincée dans le tambour d’une essoreuse… Jusqu’à ce final proprement vertigineux où les pires cauchemars de l’envers hollywoodien se retransforment une dernière fois en rêves de celluloïd dans l’obscurité complice d’une salle de cinéma. Un genre d’apothéose totale, profondément énamourée, qu’il est impossible de ne pas lire comme un ultime hommage, coloré et hirsute, rendu au regretté Jean-Luc Godard. Pas sûr, d’ailleurs, que l’intéressé lui-même aurait apprécié, mais bon sang quel panache!

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