« Avoir été choisie par Aretha Franklin est un rêve »: notre interview de Jennifer Hudson pour son rôle dans Respect

Jennifer Hudson, toute l'intensité de la "Queen of Soul".
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Jennifer Hudson incarne Aretha Franklin avec éclat dans le biopic que consacre Liesl Tommy à la « Queen of Soul ». Une performance tout en voix et en intensité.

Consacrer un film biographique à Aretha Franklin. L’entreprise, si elle coulait de source pour ainsi dire à une époque où le cinéma se nourrit de destins d’exception, n’était pas sans risques, la chanteuse étant entrée, de son vivant déjà, dans la légende -nul mystère à ce qu’on l’ait surnommée « The Queen of Soul ». Si Liesl Tommy s’en tire avec les honneurs, démêlant les fils d’une vie mouvementée sans verser dans l’illustration à l’excès, le maître atout de Respect (lire aussi notre critique) n’est autre, toutefois, que Jennifer Hudson. L’actrice-chanteuse réussit à restituer aussi bien l’intensité de l’interprète de I Say a Little Prayer que son éclat, tout en évoluant avec naturel au gré des méandres de son existence. Ce qui s’appelle une performance d’exception, dont on ne serait guère surpris qu’elle soit synonyme de récompenses dans quelques mois, et pourquoi pas un nouvel Oscar, quinze ans après celui glané par la star r’n’b pour Dreamgirls.

Si le choix de Jennifer Hudson pour jouer ce rôle relève, a posteriori, de l’évidence, cette dernière confesse volontiers combien la perspective d’incarner Miss Franklin à l’écran avait de quoi l’impressionner. Un peu plus encore peut-être après qu’elle avait été adoubée par la diva de la soul elle-même: « My God! Nous nous sommes vues plusieurs fois à ce propos, la première il y a une quinzaine d’années déjà, le projet a mis longtemps à se concrétiser. Avoir été choisie par elle est un rêve, c’est excitant, mais cela rend aussi les choses un peu plus effrayantes, parce que cela accentue la pression en les rendant encore plus personnelles, dès lors qu’elle en avait elle-même exprimé le désir. Comme si le simple fait d’interpréter la Queen of Soul et de chanter ses chansons n’était pas déjà assez effrayant… Vu ce que représente Aretha Franklin pour chacun d’entre nous, le défi n’en était que plus grand, et il s’agissait de se montrer à la hauteur. »

Les Franklin père et fille (Forest Whitaker et Jennifer Hudson).
Les Franklin père et fille (Forest Whitaker et Jennifer Hudson).

Un don de Dieu

Aretha Franklin, Jennifer Hudson raconte qu’elle l’a accompagnée de toute éternité, sans qu’il y ait là rien de franchement exceptionnel: « Elle compte parmi ces artistes qui sont toujours présents à nos côtés, sans qu’il soit nécessaire de rappeler de qui il s’agit, on connaît leurs chansons. Cela m’a encore frappée pendant le tournage: j’ai grandi en allant à l’église, où je chantais tous les gospels et les hymnes qu’elle a elle-même enregistrés pour son album Amazing Grace. Ce n’est qu’en faisant le film que j’ai réalisé que je n’avais rien fait d’autre que reprendre ses versions des hymnes pendant toutes ces années. Elle a toujours été là, que j’en sois consciente ou non. La première chanson d’Aretha Franklin dont je me souvienne précisément, pour une raison ou une autre, c’est Dr. Feelgood, et le fait d’entendre les adultes autour de moi, alors que je n’étais qu’une enfant, parler du sujet de la chanson, et de l’audace qu’elle avait eue de créer une chanson comme celle-là à cette époque. C’est le genre de souvenirs que j’ai, liés au fait d’avoir grandi en présence de sa musique. »

Pour interpréter l’icône soul, Jennifer Hudson a pu compter sur ses exceptionnelles qualités vocales, la réalisatrice Liesl Tommy ayant fait de l’enregistrement live des chansons pendant le tournage une condition sine qua non -d’où un casting composé notamment de nombreux chanteurs de Broadway. « C’était non-négociable. Venant de l’univers de la scène, je connais la puissance du chant live, et l’intensité qu’il apporte au jeu« , explique-t-elle, le film lui donnant amplement raison. Si elle n’a pas tremblé au moment de marcher sur les traces de son modèle, l’actrice y voit la conséquence de sa foi plus que toute autre considération: « J’ai toujours estimé que si Dieu m’avait placée en cet endroit, je n’avais d’autre choix que d’être préparée. C’est ce qui m’a guidée dans l’existence, et face à des opportunités comme le fait de pouvoir tourner un tel film. Cela, couplé aux encouragements répétés m’intimant de me lancer, parce que c’était effrayant. La foi m’aide à accomplir chacun de mes actes. Cela tient bien plus à ma foi qu’à ma confiance. » Liesl Tommy pointe un autre facteur ayant contribué à faire de Jennifer Hudson une Aretha Franklin idéale, et que l’on pourrait appeler une communauté d’esprit. « Quand je suis arrivée sur le projet, Aretha avait exprimé deux désirs: le premier, c’était que sa vie soit racontée dans un grand film hollywoodien, et le second, que Jennifer l’interprète. La voix de Jennifer sonne comme un don de Dieu, comme celle d’Aretha avant elle. Mais ce n’est qu’en rencontrant Jennifer que j’ai compris où Aretha voulait en venir. Elle a en elle une grande humanité, et a connu, comme Aretha, les tragédies et les triomphes. Elle est sensible, compatissante, des qualités nécessaires pour interpréter un rôle comme celui-là, ce qu’Aretha savait fort bien. » Une proximité expliquant sans doute pour partie pourquoi la comédienne a tenu à être également la productrice exécutive du film: « Je l’ai fait parce qu’il s’agissait d’un projet éminemment personnel, qu’Aretha m’avait elle-même désignée et que j’avais un rapport privilégié avec elle. J’ai estimé avoir une responsabilité supplémentaire, et devoir m’impliquer plus encore, en me plaçant dans une position où je serais en mesure de faire tout ce qui était possible afin de lui rendre hommage. »

Aretha Franklin sur scène: soul fiction.
Aretha Franklin sur scène: soul fiction.

Trouver sa voix

Conséquente, Jennifer Hudson évoque encore la source d’inspiration constante qu’a été pour elle la diva soul, et pas seulement sur le plan artistique d’ailleurs. Et de rappeler l’avocate des droits civiques et son engagement aux côtés de Martin Luther King, dont son père, le révérend Clarence Franklin, était un proche. Non sans souligner une dimension plus intime: « Voir son parcours a constitué une inspiration: comment quelqu’un d’aussi légendaire et iconique a affronté l’existence, les triomphes et les autres expériences, poursuivant ses rêves, trouvant sa voix et se l’appropriant jusqu’à réussir comme elle l’a fait. C’est ce que je retiens en voyant ce film, et ce par quoi j’espère que d’autres se sentiront inspirés comme je l’ai été. Aretha Franklin m’a appris à garder ma foi et à avoir ma propre voix. Lors de nos conversations, elle m’a toujours encouragée à avoir confiance en moi, et à ne laisser personne prendre le contrôle de mon don, de ma voix et de ma vie. C’est ce qui avait été en danger pour elle également, et dont parle Respect: la manière dont elle s’est prise en charge et s’est appropriée sa propre voix, malgré ceux qui, autour d’elle, voulaient lui dicter sa conduite. Ce n’est que quand elle l’a fait qu’elle a découvert le trésor qu’elle recelait en elle et le pouvoir allant de pair. » La couronne de « Queen of Soul » et la légende en ligne de mire…

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