Au voleur!

© Hannah Assouline

L’anarchie a-t-elle encore quelque chose à nous apprendre? En choisissant de poser la question, Catherine Malabou, figure majeure de la pensée contemporaine, propose bien entendu une réponse positive. Non seulement le concept d’anarchie n’est pas épuisé mais il se pourrait bien que notre époque en ait suscité l’apparition de significations nouvelles. Face à ce qu’elle appelle la  » crise de l’horizontalité » frappant le monde d’aujourd’hui, le combat entre deux formes d’anarchismes antagonistes définirait même les coordonnées des luttes. À l' » anarchisme de fait » provoqué par l’abandon progressif de toutes les institutions sur lesquelles pouvaient compter les pauvres, les migrants et même tous les terrestres frappés par le changement climatique, s’oppose désormais un  » anarchisme d’éveil » instaurant les possibilités d’une nouvelle critique de la domination.  » Comment dès lors parvenir à dégager l’horizontalité des manifestations alternatives de la gangue de l’anarcho-capitalisme? Comment creuser le relief d’une différence à sa surface? Tel est le nouveau défi géographique, politique et philosophique du XXIe siècle. » Pour nourrir cette pensée de l’anarchisme d’éveil, Malabou propose, dans Au voleur!, un vaste exercice de lecture, partant à la rencontre des penseurs (des hommes, uniquement) qui, au cours des dernières décennies, ont renouvelé le concept d’anarchie pour le libérer de ses origines dix-neuviémistes -celles de l' » anarchisme politique » de Kropotkine ou Bakounine. De Reiner Schürmann à Giorgio Agamben, de Jacques Derrida à Jacques Rancière et Emmanuel Levinas, ces philosophes nous ont laissé en héritage une boîte à outils encore secrète, qui associe à la critique absolue de tout ce qui vient « d’en haut » une manière de réconciliation avec l’horizontalité se refusant à l’aplatissement. Plus qu’une voie à suivre, l’anarchisme que décrit Malabou se veut un empêchement ou un scrupule -un doute qui serait aussi le début d’un chemin.

Au voleur!

De Catherine Malabou, Presses universitaires de France, 408 pages.

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