De Benjamin Berton. éditions Hachette. 282 pages.

Fantaisie inspirée de la légende de l’acteur de Plein soleil et L’Eclipse, Alain Delon est une star au Japon arrache la star à la toile du Guépard ou du Samouraï, pour la plonger, vieillissante, au c£ur d’une intrigue improbable. Voilà, en effet, Delonsan enlevé, en plein Paris, par un couple de jeunes Japonais, Kaizuo et Tetsuko, qui le séquestrent dans la Creuse, avant de le soumettre à un test de paternité. Ajoutez à cette épineuse situation une vache peu ordinaire, un pauvre hère aviné, ou encore un yakuza égaré, et le côté rocambolesque de l’entreprise n’échappera à personne. Elle s’appuie toutefois sur un procédé étonnant où s’esquisse, sous couvert de fiction, une plongée à rebours du mythe Delon – en une démarche n’étant pas sans évoquer celle de Spike Jonze dans Being John Malkovich. Divertissement léger en première lecture, et ménageant, à cet effet, les rebondissements d’usage, le roman de Benjamin Berton (à qui l’on doit notamment Sauvageons, Goncourt du premier roman) ouvre, ce faisant, sur des horizons multiples. Nourrie à bonne source, la figure delonienne en émerge fascinante, tandis que l’auteur adopte un trait tour à tour drôle, acéré ou (im)pertinent.

Qu’il façonne son regard  » Tout public », son sourire  » Connivent de contact », voire encore un  » Mille excuses » de circonstance, c’est un peu de l’âme de Delon qui se dévoile au gré de ces pages. Non sans, du reste, que le récit glisse, insensiblement, de la frivolité à la mélancolie à mesure que les pensées de l’acteur gambergent au gré de sa splendeur passée. Confronté au souvenir de ce qui fut, ce Delon de papier et d’esprit ne manque pas de grandeur, qu’il s’agisse, par exemple, de ressasser ces années 80 où « Le septième art avait été assassiné au nom de l’égalitarisme démocratique » ou de jauger son rapport à la fiction « Toute sa vie, il avait réussi à combattre, en les injectant dans ses personnages, les parts de lui auxquelles sa vie n’aurait pas pu résister ». Jusqu’à, même, se laisser aller à un soupçon d’autodérision.

Plutôt qu’une biographie classique, voilà donc un étonnant portrait de l’acteur et de l’homme à l’aune de sa légende. Un roman puzzle plaisant, dont les pièces, assemblées, pourraient prétendre à cerner l’une des vérités d’Alain Delon – jusqu’à même dévoiler pourquoi ce dernier ne parle de lui qu’à la troisième personne…

Jean-François Pluijgers

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