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Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Sortant son sixième album en trois ans (!), SAULT s’éloigne de la soul racée qui a fait sa réputation pour prendre un virage orchestral culotté et réussi.

Au début de l’année, Dean Josiah Cover se voyait décerner le titre de “Producteur de l’année” aux Brit awards, les Victoires de la musique britanniques. La récompense ne constituait pas vraiment une surprise. Cela fait maintenant plusieurs années que le nom de Dean Josiah Cover, ou plutôt son pseudo Inflo, se retrouve au générique de disques marquants. Pour ne s’attarder que sur l’année dernière, le Londonien s’est retrouvé impliqué à la fois dans Mother, le second album de Cleo Sol, et dans le Sometimes I Might Be Introvert de Little Simz. Récompensée elle aussi aux Brit awards (Best new artist), cette dernière concourait en outre pour le prix du meilleur album. Catégorie remportée finalement par Adele pour son disque 30, auquel a contribué en partie… Inflo.

Pour autant, ces collaborations ne sont pas les faits les plus spectaculaires de la discographie du producteur. En réalité, c’est surtout son implication dans le groupe SAULT qui a frappé les esprits. Si le projet reste assez mystérieux -aucune photo de presse, pas une seule interview-, il ne fait désormais plus de doute que c’est bien Inflo qui en tire les ficelles. En trois ans, le collectif a sorti pas moins de cinq projets – 5, 7, Untitled (Black Is), Untitled (Rise) et Nine. Auxquels il faut désormais ajouter Air, sixième disque qui n’hésite pas à trancher radicalement avec ses prédécesseurs.

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Jusqu’ici, SAULT pratiquait volontiers un mélange de soul combative et de funk racé, piochant à l’occasion dans le jazz, le gospel ou le hip-hop, sonnant un peu comme la B.O. du mouvement Black Lives Matter. Avec Air, Inflo continue d’explorer le patrimoine de la Great Black Music, mais cette fois du côté orchestral.

Largement instrumental, se passant de batterie, ce nouvel album est gorgé de cordes et de cuivres chatoyants. Ce qui lui donne régulièrement des allures de musique de film ( Reality, Solar). Plus encore, on pense aux envolées spirituelles d’Alice Coltrane ou à la magnificence soul expérimentale de Rotary Connection. Prenante, la musique s’appuie en outre sur les chœurs du Music Confectionery (déjà vus aux côtés de pointures comme Stormzy ou Dave).

Inflo a toujours donné une certaine valeur à la musique de SAULT. Notamment en y glissant un sous-texte politique, à une époque où les protest songs ne font plus vraiment recette. Quasi sans paroles, Air est, à ce niveau-là, plus difficile à décrypter. Son souffle et sa dramaturgie ne laissent cependant pas planer trop de mystère sur l’état d’esprit de son concepteur. Le discours d’affirmation afro est toujours là, mais il semble prendre un caractère plus universel. Convoquant même éventuellement les enjeux climatiques? Luos Higher, par exemple, fait référence aux peuples Luos d’Afrique de l’Est, présents surtout au Kenya. Pays dont est issue la militante écologiste Wangari Muta Maathai, prix Nobel de la paix 2004. Sur l’artwork alternatif de Air, un enfant est ainsi penché sur la planète. Comme un écho au titre Time Is Precious, le seul avec des paroles: “ Don’t waste time ‘cause time is precious/It’s your only time you’ve got here”…

SAULT

“Air”

Distribué par Forever Living Originals,

8

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