Voies de garage – S’inspirant d’un fait divers, Xavier Giannoli prend le pouls du désarroi social en même temps qu’il traque la vérité humaine. Un film fort, avec François Cluzet, épatant.

De Xavier Giannoli. Avec François Cluzet, Emmanuelle Devos, Gérard Depardieu. 2 h 30. Sortie: 11/11.

C’est l’histoire d’un homme à qui la vie n’a pas fait de cadeaux. Escroc solitaire sans enver- gure, Philippe Miller (François Cluzet) n’a d’autre ressource, à sa sortie de prison, que de traquer la petite combine. Et justement, la découverte d’un chantier d’autoroute à l’abandon lui en offre une sur un plateau. S’installant à proximité, il s’improvise conducteur de travaux, et s’attèle à convaincre les édiles locaux de la reprise prochaine de la construction sous son autorité.

Nous sommes dans une petite ville du Nord, et la crise frappe dur – surtout depuis que le chantier a capoté pour sauver une colonie de scarabées. S’il y a bien un certain scepticisme à l’égard de cet inconnu n’offrant guère de garanties, l’envie est plus forte encore de voir en lui un homme providentiel, celui qui va arracher pour un temps la région à son marasme. Emboîtant le pas à la maire (Emmanuelle Devos), tous, politiques et entrepreneurs, s’engagent. Au point que les événements prennent une tournure pour le moins inattendue: ce qui ne devait être qu’une énième arnaque à la petite semaine se révèle bientôt un projet de grande ampleur, l’imposant tronçon de bitume fédérant tout un chacun derrière un individu dépassé par son mensonge. « Une route, c’est toujours le début d’une histoire », avait observé la maire à l’attention de Miller…

Un maître-film

Si elle est assurément peu banale, l’histoire que porte Xavier Giannoli à l’écran s’inspire pourtant de faits réels. Passé l’étonnement – la ficelle est, de prime abord, un peu grosse, ce fond de vérité ne manque pas d’interpeller, tant s’y révèle un immense désarroi social sur lequel vient s’en greffer un autre, intime celui-là. Une situation dont A l’origine donne la mesure de façon sensible, en prise sur la réalité sans pour autant tomber dans la lourdeur démonstrative du film à message. C’est la vérité humaine que traque le réalisateur, dans un film porté aussi par un souffle romanesque incontestable. Et dont la mise en scène conjugue judicieusement l’âpreté du Nord à quelques élans lyriques de toute beauté.

Forte et frémissante à la fois, l’£uvre vibre encore de l’intensité de François Cluzet et Emmanuelle Devos, l’ensemble de la distribution étant d’ailleurs au diapason des intentions. Jusqu’à Gérard Depardieu qui, affichant 30 ans plus tard une dégaine à la Loulou, vient nous rappeler l’immense acteur qu’il demeure à condition d’être bien dirigé – ce qu’avait déjà éloquemment démontré Giannoli dans l’inoubliable Quand j’étais chanteur. C’est dire si A l’origine a tout d’un maître-film…

www.alorigine-lefilm.com

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Jean-François Pluijgers

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