Critique

À la télé ce soir: La Nef des fous

La Nef des fous © DR
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Présenté l’an dernier au Festival des libertés, La Nef des fous, référence au fameux tableau de Jérôme Bosch, est une plongée empreinte d’humanité et d’empathie dans un mouroir.

En Belgique, les détenus déclarés irresponsables de leurs actes sont placés en observation sans date de sortie préétablie dans les annexes psychiatriques des établissements pénitentiaires. Patrick Lemy (Belgomania, Addict au porno) et Eric D’Agostino (qui s’intéresse depuis longtemps aux faces cachées de nos sociétés et aux thématiques d’exclusion, et qui écrit actuellement son premier long métrage de fiction, L’Ecrivain) ont suivi en immersion pendant deux ans le quotidien de ceux internés à Forest. Il y a Patrick, accro au jeu, turfiste invétéré, qui ne comprend pas toujours les beaux mots qu’il utilise. Jean-Marc pour qui il faut, comme Robinson, s’inventer un Vendredi si on veut rester sain d’esprit. Ou encore Redouane, qui considère les Tranxène 500 comme des M&M’s, fume et écoute du rap dans sa cellule de quelques mètres carrés. Des hommes confinés derrière les onze portes blindées qui les séparent de la liberté. Entassés là faute de mieux. Il y a aussi chef Jean, qui fait figure d’autorité et d’oreille attentive dans ce triste puzzle.

Cramés par les médicaments, abrutis par des travaux manuels débiles qui leur permettent de gagner quelques cents en se bousillant les bouts de doigts, ces prisonniers pas comme les autres se battent contre la résignation quand ils le peuvent encore. Lorsqu’ils ne passent pas leurs journées à dormir en attendant l’heure des repas. Sans juger, ni même la plupart du temps préciser ce qui a amené ces détenus derrière les barreaux, Patrick Lemy et Eric D’Agostino donnent la parole aux sans-voix. Ils les laissent raconter leur vie de tous les jours. Leurs voisins. « De celui qui ne se lave jamais et roule ses clopes dans sa soupe à celui qui est convaincu que la juge lui envoie des ondes négatives par le radiateur. » Leur manière de réchauffer le café. Leur désarroi, forcément aussi. Résumant l’enfermement à « une manière pour l’Etat de se débarrasser d’un individu ».

Présenté l’an dernier au Festival des libertés, La Nef des fous, référence au fameux tableau de Jérôme Bosch, est une plongée empreinte d’humanité et d’empathie dans un mouroir. Une réflexion sur l’enfermement et le traitement parfois encore moyenâgeux au XXIe siècle de la folie. Le tragique destin d’hommes dont la seule condition de sortie est la guérison mais à qui l’on n’offre pratiquement aucune chance d’y parvenir.

DOCUMENTAIRE DE PATRICK LEMY ET ERIC D’AGOSTINO.

Ce vendredi 11 septembre à 23h25 sur Arte.

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