Critique

[À la télé ce soir] Eric Clapton: Life in 12 bars

© Getty Images
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Autoflagellation. Le documentaire de Lili Fini Zanuck est plus le portrait d’un homme blessé que celui du mec qui a marqué de son empreinte indélébile l’Histoire du rock et de la guitare.

« La seule raison pour laquelle je ne me suis pas suicidé, c’est que je n’aurais plus pu boire une fois mort… Mes capacités pour l’amour de l’alcool étaient sans limite. » Ces mots, glaçants, sont d’Eric Clapton, légende du blues et du rock anglais qui incarne depuis 60 ans le culte du guitar hero. C’est lui qui a commandé ce documentaire sur sa propre vie et en a confié la direction à Lili Fini Zanuck. Oscar du meilleur film en tant que productrice en 1990 pour Miss Daisy et son chauffeur, Zanuck connaît Clapton depuis la même époque. En 1991, elle lui a confié la bande originale de son film Rush, l’histoire de deux agents des stups infiltrant le milieu de la came avant de succomber à leur addiction. Le guitariste, qui s’est lui-même longtemps battu contre l’héroïne et la bibine, avait à cette occasion écrit Tears in Heaven, hommage à son fils Conor tombé quelques mois plus tôt du 53e étage d’un immeuble…

Malgré l’amitié qui les lie, Life in 12 bars n’est pas pour autant un film hagiographique brossant l’homme et l’artiste dans le sens du poil. S’il résume sa carrière (avec les Yardbirds, John Mayall, Cream, Derek and the Dominos…), souligne son importance et le montre aux côtés des plus grands (les Stones, B.B. King, Bob Dylan, Aretha Franklin et évidemment les Beatles, qu’il considère un temps comme des branleurs), il dépeint aussi, surtout, les heures les plus noires de son existence. C’est l’histoire d’un gamin qui n’a pas connu son père, a été élevé par ses grands-parents et a mis du temps à découvrir que sa soeur était sa maman. Celle d’un mec qui est tombé amoureux de l’épouse de son meilleur ami, George Harrison (c’est l’histoire de la chanson Layla), et s’est laissé ronger par les drogues et l’alcool. Pendant deux heures, Zanuck mêle des images d’archives, le récit de Clapton et les interviews de ses proches. La sincérité est louable. Mais particulièrement plombé et intime, Life in 12 Bars s’appesantit trop lourdement sur la vie privée. C’est intéressant, touchant même parfois, quand Clapton se souvient de la découverte du blues qui a emmené la douleur, parle de Muddy Waters et d’Hendrix, nous plonge dans les coulisses du White Album et d’All Things Must Pass. ça n’en devient pas moins monotone, vain, voire pénible et dérangeant, quand ça tourne à la biographie d’un party animal dépressif avec rédemption et happy end. Le portrait d’un homme blessé plus que celui du mec qui a marqué de son empreinte indélébile l’Histoire du rock et de la guitare.

Documentaire de Lili Fini Zanuck. ***

Vendredi 19/6, 21h05, La Trois.

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