Critique

À la télé ce mardi soir: Nature, le nouvel eldorado de la finance

Nature et finance © Via Decouvertes
Guy Verstraeten
Guy Verstraeten Journaliste télé

Peut-on monétiser le travail effectué par les abeilles, la capture de CO2 par la Forêt amazonienne ou la disparition d’une espèce animale de la surface de la Terre? Poser la question, c’est déjà y répondre un peu.

Le capitalisme et ses vaillants soldats devaient, forcément, finir par s’intéresser aux derniers éléments gratuits et abondants disponibles autour de nous: selon l’ancestrale loi de l’offre et de la demande, la raréfaction des denrées supposées naturelles (l’air pur, l’eau potable, etc.) finira par en augmenter le prix, pour peu que l’on puisse leur en donner. Et c’est précisément ce que font déjà depuis des années certaines banques spécialisées, qui mêlent dans une sorte de cynisme vert, économie et défense de l’environnement. Elles classent les espèces en voie de disparition, leur attribuent à chacune une valeur marchande et vendent des certificats (des actions « mouche » ou « orang-outan ») aux sociétés qui, de par leur activité, vont forcément dérégler l’écosystème. L’idée, c’est de compenser ces destructions par des investissements dans la survie d’espèces menacées, soit le même type de gymnastique que les certificats de consommation de CO2 grâce auxquels certains pays rachètent le droit de polluer à d’autres nations moins génératrices de carbone. Bonne conscience…

Sandrine Feydel et Denis Delestrac, à qui l’on devait déjà une brillante enquête sur la raréfaction du sable, nous emmènent dans les arcanes de cette économie opportuniste. Ils en détaillent le fonctionnement, les bienfaits et les tares, notamment l’hypocrisie de certaines grandes entreprises qui, sous couvert d’actions environnementales, n’hésitent pas à menacer la vie de leurs riverains à coups d’émissions ultra-polluantes. Il en ressort un documentaire fort, généreusement alimenté, mais très complexe dans ses enjeux. Tout n’est évidemment pas blanc ou noir dans cette mécanique défendue bec et ongle par les banquiers, certains environnementalistes s’accommodent d’ailleurs fort bien du cynisme économique -tant que les résultats suivent. Accrochez-vous donc à ce film édifiant et dense, dont la conclusion pourrait être: au final, seuls le marché et ses acteurs semblent gagner toujours.

  • DOCUMENTAIRE DE SANDRINE FEYDEL ET DENIS DELESTRAC.
  • Ce mardi 3 février à 22h35 sur Arte.

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