SI LE CINÉMA A, DE TOUS TEMPS, CÉLÉBRÉ LES GRANDS ESPACES, LA RURALITÉ N’Y OCCUPE QU’UNE PLACE TIMIDE. ENCORE QUE LES CHOSES SOIENT PEUT-ÊTRE EN TRAIN DE CHANGER…

Entre le cinéma et la ruralité, il y a ce qui s’apparente, depuis les origines ou presque, à un lien indécis. Entre un Buster Keaton promenant sa vache dans l’Ouest américain à la faveur de Go West et le Murnau de City Girl exaltant, visionnaire, un rapport à l’espace et préfigurant ce faisant l’£uvre d’un Malick, Les moissons du ciel en particulier, il y a 2 approches qui cohabiteront, et auxquelles viendront s’en rajouter d’autres: c’est Georges Rouquier qui, dans Farrebique, écrit la chronique d’une famille de paysans de l’Aveyron au fil des 4 saisons, ou Jacques Tati qui, dans Jour de fête, célèbre un idéal villageois, en opposition manifeste avec son pendant citadin. Soit quelques-unes des déclinaisons d’une présence rurale continue quoique marginale sur les écrans.

Evolution sensible, cependant: la ruralité s’est, depuis une quinzaine d’années, imposée avec toujours plus de constance dans le cinéma, français en particulier. Une réalité à expressions multiples, entre une Sandrine Veysset se demandant Y aura-t-il de la neige à Noël?, un Eric Guirado lui répondant Quand tu descendras du ciel, ou un Jean-Pierre Sinapi envoyant des jeunes en difficulté en Camping à la ferme. Aux réussites artistiques, à rayonnement relativement confidentiel toutefois, s’est bientôt ajouté le succès commercial de Une hirondelle a fait le printemps, le film de Christian Carion venant suggérer que la tendance répondait peut-être à une aspiration plus large du public.

A une époque où la mondialisation fait des ravages, stigmatisés à grand renfort de documentaires plus ou moins alarmistes d’ailleurs, la ruralité peut apparaître, en effet, comme une valeur refuge. Une réflexion alimentée par nombre d’£uvres embrassant le monde paysan dans une perspective historique ou sociologique, des Profils paysans de Raymond Depardon à L’apprenti de Samuel Collardey, voire même spirituelle, comme Le quattro volte du réalisateur italien Michelangelo Frammartino. « Des gens comme Samuel Collardey ou Raymond Depardon ont décidé qu’ils voulaient filmer le monde d’où ils venaient, de même que les Dardenne ont décidé de filmer autour de chez eux, observe pour sa part John Shank, dont la démarche, différente, s’inscrit néanmoins dans un périmètre commun, le milieu rural, avec en son c£ur un personnage voulant continuer à avoir une place dans le monde. On en revient à la question des racines et de l’appartenance, un sujet que l’on retrouve aujourd’hui au cinéma aussi bien qu’en littérature. A force de regarder vers les origines, vers les racines, évidemment qu’on retourne vers la campagne, vers la vie rurale. Et puis, il y a peut-être aussi tout simplement que ce n’est pas une blague: ce monde-là est occupé à mourir, et il y a un rapport aux choses qui est en train de changer, de façon visible et évidente. »

TEXTE JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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