Gang of four. La bande des 4. Ça sonne comme un titre de western, mais c’est la formule qu’utilisait la propagande chinoise pour définir la clique ultra-gauchiste formée autour de la veuve de Mao. Jon King, Andy Gill, David Allen et Hugo Burnham, alors étudiants à l’université de Leeds, portent bien leur nom. Gang of four a toujours été l’un de ces groupes de gauche caustique, porteur d’un vrai discours social et critique sur le mode de vie consumériste. Du genre à construire une chanson, Paralysed, autour du monologue d’un ouvrier qui vient de se faire licencier par son patron.

En 1978, alors que les crêtes et les épingles de sûreté font flipper l’Angleterre conservatrice, Gang of four sort son premier 45 Tours sur Fast Product, un label fondé par l’entrepreneur local Bob Last. Last deviendra l’une des figures tutélaires de la vague froide et du courant post punk à la fin des années 70. Les premiers titres de Human League et de Joy Division paraissant tous 2 sur l’une de ses compilations. Le single Damaged Goods, lui, popularisera l’un des plus grands riffs de l’histoire du rock, incandescent, et des paroles devenues mythiques:  » Sometimes I think I Really Love You But I Know it’s only lust« . (Parfois, je pense que je t’aime vraiment. Mais je sais que ce n’est que du désir).

Intitulé Entertainment!, le premier album des Anglais, signé chez EMI, voit le jour fin 79. Pour le ton saccadé, tendu et abrasif de sa guitare, Andy Gill avoue s’être inspiré du style mitraillette de Wilko Johnson chez Dr. Feelgood. Rythmique tendue, voix hachée… Ce disque, pourtant funky, sent l’agressivité et l’anxiété.

Pendant ses études, Burnham a créé une troupe de théâtre influencée par les écrits de Karl Marx, mais s’est fatigué de prêcher des convertis. Gill et King sont eux ce qu’on appelle des intellectuels de gauche. Entertainment! ne saurait le cacher. Les paroles évoquent tour à tour le travail aliéné ( Natural’s Not in It), la marchandisation du loisir ( Return The Gift) et les guérillas en Amérique centrale ( 5.45)…

Quand son second single, At Home He’s a Tourist, qui raconte la condition de l’homme, rentre dans le top 40 britannique, Gang of four semble en mesure de décrocher la timbale. Il sacrifie cependant le succès populaire sur l’autel de l’intégrité en refusant de changer ses paroles pour passer dans l’émission Top of the pops. Il ne se retrouvera plus jamais dans les classements britanniques des meilleurs 45 Tours.

Dès son deuxième album, Solid Gold (1981), Gang of four marque un peu le pas. Le groupe change de bassiste et enchaîne dès l’année suivante avec sa troisième livraison, Songs of the free. Alors qu’il avait été privé de télé anglaise pour une référence aux capotes, il est interdit d’ondes aux Etats-Unis (le morceau I Love a man in uniform) en 1982 pour mauvais esprit durant la période de la guerre des Malouines. En attendant, l’album marche plutôt bien aux States. King et Gill foutent Burnham à la porte, enregistrent avec un producteur américain mais Hard est mal accueilli et ils décident de mettre la clé sous le paillasson.

Son acéré et discours politisé

Gang of four repointe le nez à la fenêtre en 1990 et sort même 2 nouveaux albums, mais sa cause semble perdue. Il faudra attendre les années 2000, le retour en grâce du rock dans les médias grand public et le déferlement de la vague dance punk pour la résurrection. De Radio 4 à Franz Ferdinand en passant par The Rapture, The Futureheads, Bloc Party ou, encore plus vilain, The Bravery et The Killers, Gang of four est partout.

S’il jette un regard sévère sur les artistes qui lui ont succédé, leur reprochant d’avoir ignoré le côté politisé de ses compositions pour n’en garder que l’aspect musical, le groupe sort un best of (en 2005) et reprend la route dans son line-up originel.

En 2008, Dave Allen, en plein trip technologies on line et réseaux sociaux, et le batteur Hugo Burnham, désireux d’entamer un doctorat, puis de poursuivre ses projets avec Mike Watt (The Minutemen et The Stooges) et les noise rockeurs bostoniens de The Bags, quittent définitivement le navire. Pas de quoi foutre à l’eau l’enregistrement d’un septième album studio.

J.B.

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