Un late show à la RTBF: mieux vaut tard que jamais

Stephen Colbert, Jimmy Fallon et Johnny Carson © DR
Guy Verstraeten
Guy Verstraeten Journaliste télé

En produisant son propre late show, présenté par l’humoriste québécois Dan Gagnon, la RTBF rend grâce à l’une des plus grandes traditions télévisuelles américaines.

Quand on y réfléchit seize secondes, c’est d’une logique imparable. Un late show, ça ne coûte pas grand-chose. Bien mené, c’est pertinent, drôle et divertissant. Autant dire qu’effectué de la sorte, l’exercice télévisé a toute la légitimité du monde. Il suffit, pour s’en convaincre, de jeter un oeil aux vidéos qui essaiment sur les réseaux sociaux: rompus au partage viral, les Jimmy Fallon, Jimmy Kimmel et autre Stephen Colbert font ce qu’on peut appeler de l’excellente télé. Pour ne pas dire la meilleure qui soit. Pourtant, la formule popularisée au début des années 60 par Johnny Carson dans The Tonight Show, sur NBC, s’appuie sur un cahier des charges assez rudimentaire: un bureau, une tasse de café, deux fauteuils pour le décor, un « bit » humoristique face au public, un sketch assis, deux invités, une séquence de stand-up ou de musique en fin d’émission pour le déroulé. Au coeur du dispositif figurent des présentateurs-stars au rôle clé. Pas pour rien que les David Letterman, Jay Leno et autre Jon Stewart accumulent les millions de dollars sur leurs comptes d’épargne.

Opposés tous les soirs de la semaine sur les antennes des plus grandes chaînes américaines, le plus souvent vers 23h30, ces géants de la télé musclent leur humour et leur talent naturel avec des batteries d’auteurs rarement en panne d’inspiration. Tout est dirigé vers l’excellence. Les interventions sont tranchantes, la répartie vive et agile, les invités percutants. Les styles diffèrent un peu -du légendaire et classique David Letterman au satiriste purement politique Stephen Colbert. Les créneaux horaires aussi, puisqu’il faut distinguer les « late shows » (David Letterman sur CBS, Jay Leno sur NBC, Jimmy Kimmel sur ABC, Conan O’Brien sur TBS, Jon Stewart sur Comedy Central…) des « late late shows » diffusés encore plus tard (Jimmy Fallon sur NBC, Stephen Colbert sur Comedy Central, Craig Ferguson sur CBS, Carson Daly sur NBC…). Mais dans l’ensemble, le système est institutionnalisé.

« Ni plus ni moins qu’un late show »

Et c’est ce système que l’humoriste canadien Dan Gagnon se propose d’importer à partir du 9 février sur La Deux, tous les dimanches à 22h45. Un pari audacieux, malgré tout: si la formule a fait ses preuves de l’autre côté de l’océan, elle s’éloigne des canons de l’humour Taloche desservi à longueur de prime times par Reyers. Incomparablement plus incisif, Gagnon, véritable encyclopédie de l’humour anglo-saxon, pourrait renouer avec les périodes fastes du rire ertébéen, façon Geluck des années 80-90. Même si les modes de consommation télévisuelle évoluent: « Il est probable qu’il y ait plus de gens qui rattrapent l’émission de Dan sur Internet. La RTBF doit comprendre ça. Prends le Saturday Night Live, par exemple: ils mettent des bouts de sketchs sur Instagram, des tumblr sur Twitter, etc. », explique Anthony Mirelli, complice de Gagnon dans un podcast hebdomadaire consacré à l’humour.

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« Je ne connaissais pas Dan avant d’entrer dans le projet. Mais tout comme lui, j’ai toujours rêvé d’importer un late show en Belgique. Et Le Dan Late Show, ce sera ça. Ni plus ni moins qu’un late show. Dan, qui vit depuis neuf ans en Belgique, assurera le lien entre ces deux cultures. Par ailleurs, l’émission donnera leur chance aux jeunes talents de l’humour belge », annonce quant à lui Cyril Travassac, producteur de l’émission.

Pour avoir assisté au tournage du pilote, on peut vous dire que l’entreprise a de la gueule. Mais si elle repose sur le talent de son présentateur, l’émission devra forcément pouvoir compter sur des invités costauds. Aux Etats-Unis, les plus grandes stars s’assoient soirs après soirs dans les fauteuils des late shows. Les sketchs de Jimmy Fallon avec Justin Timberlake ou Anne Hathaway (magistral Let us play with your look, ci-dessous), l’hilarant running gag de Jimmy Kimmel avec son pote Matt Damon, Louis CK parlant de son chien chez Conan O’Brien… La liste est infinie. Demandez à YouTube… Mais si Dan Gagnon doit inviter Enzo Scifo ou Laurette Onkelinx, la comparaison risque de faire mal au coeur. « On a l’ambition de faire venir des gens qu’on n’a pas l’habitude de voir en télé. On ne se sent aucunement limités à ce niveau, d’autant que Dan parle parfaitement anglais… », poursuit Cyril Travassac. Wait and see, and good luck aussi.

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3 QUESTIONS À DAN GAGNON

« Peur qu’on m’impose un truc à la belge »

Véritable geek de l’humour anglo-saxon, le québécois a reçu la confiance de la RTBF dans son projet d’émission. Il nous en parle, vite fait.

Quel est ton modèle, niveau late show?

C’est forcément plutôt un ensemble de gens qui m’inspirent. Mais celui qui m’a le plus impressionné est peut-être Dick Cavett. Pas spécialement le plus connu et il faisait des choses un peu différentes. Mais j’ai vu des véritables moments de bravoure avec Janis Joplin ou Mohammed Ali. La classe, vraiment.

Et dans les late shows d’aujourd’hui?

Je suis très impressionné par Jimmy Fallon. Quand il a commencé, on lui a reproché de ressembler plus à un fan de late show qu’à un véritable présentateur. C’est exactement ce qui fait sa force aujourd’hui. Quand tu fais un taf comme celui-là, la moindre des choses, c’est de t’amuser. Sinon, j’aime aussi beaucoup Craig Ferguson, notamment parce que c’est un Ecossais qui a réussi aux Etats-Unis.

Qu’est-ce que tu penses des tentatives de late show français?

Je n’en ai pas vu beaucoup. Arthur, par exemple, ce n’est pas un late show comme j’aime les late shows: moi, je suis amoureux d’un concept, d’une formule. Ça ne fait pas partie de mes modèles. Ce qui me faisait peur, c’est qu’on me pousse à faire un truc à la belge. Je n’aurais pas aimé qu’on m’impose un micro-trottoir fait par Alain Gerlache (heu…) ou qu’on me demande de mettre une perruque de Marouane Fellaini en étant habillé comme Stromae. Je n’ai pas envie qu’on dise que c’est un bon late show belge, en utilisant le « belge » comme un alibi.

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