Trois mythomanes dont les mensonges ont fait la gloire dans les médias

Tania Head, The Woman Who Wasn't There © capture d'écran YouTube
Kevin Dochain
Kevin Dochain Journaliste focusvif.be

Le quart d’heure de célébrité d’Andy Warhol n’a jamais été si souvent vérifié. Pour autant, tous ne l’ont pas mérité avec autant d’intégrité. Focus sur 3 spécialistes du baratin.

1. Tania Head, soi-disant survivante (et héroïne) du 11 septembre

11 septembre 2001. Après les événements tragiques qu’on connaît, les médias américains, comme la population, sont en émoi et à la recherche du moindre témoignage qui puisse faire sens et aider à faire face au traumatisme. Quelques semaines après la chute des tours, apparaît ainsi une nouvelle héroïne dont l’histoire est digne des super-héros de comic books. Problème: l’histoire de Tania Head est complètement fausse.

La femme aurait ainsi, selon ses témoignages recueillis par le Time ou le NY Daily News, non seulement survécu aux attaques, mais elle aurait également joué les bonnes samaritaines en rapportant l’alliance d’un homme blessé à sa femme morte d’inquiétude. Et en dévalant les escaliers de la tour abritant Merrill Lynch, elle s’évanouit et se ferait alors secourir à son tour par Welles Crowther, véritable héros qui a, lui, laissé sa vie ce jour-là.

Sauf que, vérifications faites par après, la Tania Head en question ne travaillait non seulement pas dans le World Trade Center ce jour-là (et ne l’a même jamais fait), mais elle n’était même pas aux Etats-Unis! Quant à la famille du porteur d’alliance: jamais entendu parler d’elle. Il aura fallu attendre six ans, et une enquête du New York Times, pour se rendre compte de la supercherie. Entretemps, madame a tout de même brigué le poste de… présidente du Réseau des survivants du World Trade Center. Rien que ça.

Si on peut reprocher aux médias de n’avoir pas vérifié leurs sources, il faut avouer que, dans le contexte post-attentats, accuser une soi-disant survivante de mensonge était plutôt délicat…

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Un documentaire sur le sujet, The Woman Who Wasn’t There, est sorti en 2012.

2. PPDA, en tête à tête avec Fidel Castro (et 100 autres journalistes)

On peut parler de cas d’école. Le 16 décembre 1991, Patrick Poivre d’Arvor annonce au journal de 20 heures de TF1 avoir rencontré Fidel Castro la veille à Cuba. Pas de problème jusque-là. Dans la séquence montrée ensuite au JT, PPDA et son collègue du service étranger, Régis Faucon, interrogent directement le leader cubain en mode tête à tête.

Sauf qu’un mois plus tard, Pierre Carles de Télérama démonte la supercherie: si les deux journalistes étaient bien présents lors de la conférence de presse donnée par Fidel Castro, ils ne l’ont jamais eu en tête à tête, ni même ne lui ont posé la moindre question. L’interview a été remontée par après, pour faire croire à un entretien face à face.

PPDA se défendra par la suite de n’avoir pas participé au montage, réalisé trop « rapidement », mais a pourtant réenregistré ses questions a posteriori, en studio, les reformulant pour l’occasion, s’attribuant les questions posées par une journaliste argentine. Ironique quand on sait qu’un an plus tôt, Poivre d’Arvor affirmait, au micro du même Pierre Carles, être particulièrement opposé au fait de réenregistrer des questions d’interview a posteriori. Tout au plus admettra-t-il après coup que le montage « pouvait prêter à confusion »

3. Robert Capa, photos de guerre mises en scène

« Si ta photo n’est pas assez bonne, c’est que tu n’étais pas assez près », aimait-il affirmer. Ses photos prises durant la Guerre civile espagnole en 1936 ont longtemps été considérées comme les meilleures photographies de guerre jamais prises. Robert Capa, alors âgé de 22 ans, publie dans le magazine français Vu des clichés soi-disant pris sur le front: le plus célèbre, repris ensuite dans le magazine Life et intitulé Mort d’un soldat républicain, montre un homme, seul au milieu d’un champ, tomber sous le coup d’une balle.

Sauf que, quarante ans plus tard, l’authenticité de la photo a été remise en cause: il s’agirait d’une scène posée. Il est vrai qu’à regarder la photo face à la deuxième d’une même série, également publiée dans Vu (voir ci-dessous), la ressemblance est frappante: les deux hommes sont-ils tombés au même endroit, chacun seul au milieu du même champ?

Si le débat subsiste (et qu’il faut par ailleurs reconnaître à Capa un travail remarquable), les spécialistes s’accordent sur deux choses: d’une part, les photos ont bel et bien été prises au même endroit et au même moment, pour preuve, la position des nuages en arrière-plan. D’autre part, les photos n’ont pas été prises sur le champ de bataille à Cerro Muriano, mais bien 50 km plus loin, dans une ville isolée des combats. Ça fait un peu beaucoup, non?

Les clichés de Robert Capa dans Vu, 1936.
Les clichés de Robert Capa dans Vu, 1936.© Vu

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