Série noire, Mustang, Avortement… 9 choses à ne pas manquer à la télé cette semaine

Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Films, séries, documentaires, émissions… Notre programme télé pour la semaine du 3 au 9 mars.

SLEEPY HOLLOW, SAISON 1

Série créée par Alex Kurtzman. Avec Tom Mison, Nicole Beharie, Orlando Jones. ***

Samedi 3/3, 20h20, Plug RTL.

Série noire, Mustang, Avortement... 9 choses à ne pas manquer à la télé cette semaine
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Le monde avait-il besoin d’une 24e adaptation sur petit ou grand écran de La Légende de Sleepy Hollow, conte fantastique écrit en 1820 par Washington Irving et porté depuis à la proue de l’esthétique Halloween? Les premières minutes de ce reboot sorti en 2013, propulsant le personnage d’Ichabod Crane du XVIIIe au XXIe siècle comme un vulgaire Montmirail, instillent un doute. Rajoutez à cet involontaire rappel des Visiteurs la fin prématurée d’un second rôle au visage familier et à la tête sevrée (Clancy Brown, déjà décapité dans Highlander, fait par là même un clin d’oeil à Eddard Stark/Sean Beam de Game of Thrones) et vous obtenez pourtant la rampe de lancement d’une série intrigante et loufoque à l’insu de son plein gré. « Vous êtes émancipée? », demande un Crane en catogan à la policière afro-américaine qui flanque en prison ce curieux vagabond. Le duo devra passer outre le hiatus multi générationnel qui les sépare pour combattre, quatre saisons durant, les forces du mal, dont le chevalier sans tête n’était qu’un héraut, annonciateur d’une fin du monde programmée par un gotha mythologique. Fumeux et étrangement regardable. N.B.

LES TROIS JOURS DU CONDOR

Thriller politique de Sydney Pollack. Avec Robert Redford, Faye Dunaway, Cliff Robertson. 1975. ****(*)

Dimanche 4/3, 20h55, Arte.

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Joseph Turner (Robert Redford) est analyste dans un bureau lié à la CIA. Son travail: scruter les publications du monde entier pour y dénicher des fuites, des informations dangereuses ou au contraire utilisables au profit de la sécurité nationale. Un jour, de retour des courses pour la pause déjeuner, il retrouve tous ses collègues assassinés. Se sachant lui-même en sursis et se méfiant des autorités, il va petit à petit soupçonner que la CIA elle-même est peut-être impliquée dans le massacre… Réalisé au beau milieu d’années 70 riches en thrillers à résonance politique (À cause d’un assassinat, Conversation secrète, Les Hommes du président), Les Trois Jours du Condor joue la carte du suspense haletant avec une grande maîtrise, tout en évoquant des opérations secrètes authentiques, cachées par le pouvoir. Redford, au sommet de son art et de son charisme, est épatant dans le rôle principal. L.D.

SÉRIE NOIRE

Film policier d’Alain Corneau. Avec Patrick Dewaere, Myriam Boyer, Marie Trintignant. 1979. ****(*)

Lundi 5/3, 20h50, Arte.

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Belle soirée en hommage à Patrick Dewaere sur Arte, avec aussi -à 22.40- La Meilleure façon de marcher de Claude Miller. Mais d’abord Série noire, le meilleur polar d’un Alain Corneau qui en réalisa de nombreux. À l’origine, un roman de Jim Thompson (A Hell of a Woman), adapté par Corneau et… Georges Pérec, l’écrivain surdoué de La vie mode d’emploi. Patrick Dewaere joue Franck Poupart, représentant de commerce à la vie très moyenne, mais qui rêve d’une autre existence, plus dangereuse et excitante. Des circonstances imprévues, et une toute jeune femme (jouée par Marie Trintignant), vont lui en ouvrir la possibilité… Alors âgé de 32 ans, Dewaere est formidable dans un personnage perturbant et perturbé, héros d’une histoire de fous dont personne ne saurait sortir indemne. Cinq ans après Les Valseuses et trois ans avant son suicide, l’acteur est au sommet de son art, un art de l’urgence et de la dérision, une poésie en regards et mouvements qui s’inscrit idéalement dans le tragique sordide et décalé d’un film passionnant, haletant. Dewaere l’hypersensible se donne sans compromis. Il enflamme l’écran. Mais il brûle aussi lui-même. Il se consume avec une intensité admirable et par moment perturbante. L.D.

LA 90e CÉRÉMONIE DES OSCARS

Cérémonie présentée par Jimmy Kimmel.

Lundi 5/3, 22h55, Be 1.

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Après les César et les Magritte, les Golden Globes, DGA, PGA, SAG et autres BAFTA (on en perdrait son américain…), les Oscars s’apprêtent à fermer la saison des remises de prix dans le septième art. Présenté pour la deuxième année consécutive par l’animateur et humoriste Jimmy Kimmel (qui a promis d’évoquer l’affaire Weinstein dans son discours d’ouverture), l’événement ici résumé est l’occasion d’une 21e nomination pour Meryl Streep, fait de Christopher Plummer, à 88 ans, l’acteur le plus âgé à concourir pour une statuette et de Greta Gerwig (Lady Bird) la cinquième femme seulement nommée pour l’Oscar du meilleur réalisateur… The Shape of Water (treize) de Guillermo del Toro, Dunkerque (huit) de Christopher Nolan et Three Billboards (sept) de Martin McDonagh sont les trois longs métrages représentés dans le plus grand nombre de catégories. Ne reste plus qu’à éviter la terrible gaffe de l’an dernier. La La Land avait été annoncé Oscar du meilleur film en lieu et place de MoonlightJ.B.

AVORTEMENT: LES CROISÉS CONTRE-ATTAQUENT

Documentaire d’Alexandra Jousset et Andrea Rawlins-Gaston. ****

Mardi 6/3, 20h50, Arte.

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C’est une histoire qui fait froid dans le dos. Celle d’une régression européenne encore il y a peu impensable. Conquis de dure lutte à la fin du siècle dernier, le droit à l’avortement est aujourd’hui malmené aux quatre coins de la planète. Le résultat d’une croisade menée sur le vieux continent au nom des valeurs chrétiennes. En Italie, où l’interruption volontaire de grossesse est tout ce qu’il y a de plus légal, l’Église est si puissante qu’elle a fait nommer des catholiques à la tête d’un tas de maternités publiques. Le personnel peut refuser les avortements pour des raisons de conscience (comme chez nous) et propose des rendez-vous six mois plus tard aux femmes enceintes qui ne veulent pas le rester… Effarant. Comme le destin tragique de cette jeune fille dont la vie est passée après celle de ses foetus contre l’avis de la famille (12 médecins ont été mis en examen pour homicide involontaire). Ou encore ce chiffre de 120 000 foetus enterrés depuis 1999, souvent sans que la mère soit au courant. Une tombe à leur nom rappelant qu’elles ont un jour avorté… Bienvenue dans l’âge de pierre et de la culpabilisation des femmes à grande échelle. De la Pologne au Portugal, de l’Espagne à la Hongrie, Alexandra Jousset et Andrea Rawlins-Gaston dressent un état des lieux glaçant. En 2018, en Europe, les anti avortements courtisent les oligarques russes. Les Américains investissent dans l’ombre pour faire basculer l’opinion publique et la législation. Tout ça dans un climat malsain où la religion pèse de tout son poids. Les deux réalisatrices enquêtent, mettent en lumière les manoeuvres des pro-vie, ces anti choix. Confrontent certains hommes d’influence à leurs mensonges et suivent d’effrayants lobbyistes aux pratiques plus que douteuses. En France, la jeune garde réac et décomplexée est incarnée par Émile Duport. Chef de file du mouvement Les Survivants et de la génération anti IVG, Duport est un roi de la com et de la récup. L’an dernier, pour une campagne d’affichage sauvage, les Survivants sous-titraient des photos d’embryon avec les noms d’Einstein, Gandhi, Bob Marley barrés du slogan Interruption volontaire de génie… Le bonhomme n’a peur de rien. Certainement pas de détourner des slogans féministes au profit de son effrayante cause. Un documentaire nécessaire pour saisir l’ampleur du problème et vous pousser à descendre dans la rue avant qu’il ne soit trop tard. J.B.

MUSTANG

Drame de Deniz Gamze Ergüven. Avec Günes Nezihe Sensoy, Doga Zeynep Doguslu, Elit Iscan. 2015. ****

Mardi 6/3, 21h10, La Trois.

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Plusieurs Césars sont venus consacrer ce film franco-turc aussi beau qu’important. Premier long métrage d’une jeune réalisatrice n’ayant pas froid aux yeux, Mustang nous emmène dans un village en Turquie profonde, au début d’un été où l’existence de cinq adolescentes va basculer. Parce qu’un jeu innocent avec des garçons, en rentrant de l’école, déclenche un scandale, les jeunes filles jusque-là élevées dans une certaine liberté se retrouvent enfermées dans la maison familiale. On ne va plus à l’école et on reçoit des cours de ménage, en attendant des mariages arrangés que l’entourage prépare fébrilement… Dans une lumière estivale, sensuelle, Deniz Gamze Ergüven filme ses héroïnes que porte un désir de liberté incompatible avec la tradition, sociale comme religieuse. Mustang exalte avec une émotion très communicative un féminisme joyeux, solaire. Et une beauté que certains s’obstinent à vouloir tenir cachée. L.D.

WINNIE

Documentaire de Pascale Lamche. ***(*)

Mardi 6/3, 23h40, Arte.

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On connaît bien l’histoire de Nelson Mandela -son rôle en Afrique du Sud dans la lutte contre l’oppresseur blanc et l’apartheid. On connaît moins celle de sa deuxième femme, Winnie Madikizela Mandela, sur laquelle planent d’innombrables zones d’ombre. Pendant que son mari croupissait derrière les barreaux, Winnie fut pourtant de tous les combats anti ségrégationnistes. Elle devint même une de leurs icônes. « Nous étions de la chair à canon. Nous étions en première ligne face à la cruauté de l’apartheid, «  explique-t-elle dans le documentaire de Pascale Lamche (Black Diamond). Figure emblématique des townships, militante charismatique et déterminée, espionnée et maintes fois arrêtées, Winnie oeuvra sans relâche pour son peuple et la libération de son mari avant d’être sacrifiée et diabolisée sur l’autel de son intransigeance. Bâti sur des images d’hier et des interviews d’aujourd’hui (la sienne, celle de sa fille Zindzi), ce documentaire riche et solide évoque aussi les cadavres dans le placard. Il a reçu le prix de la meilleure réalisation à Sundance l’an dernier. J.B.

SOUS INFLUENCE

Mini-série créée par Amanda Coe. Avec Emily Watson, Ben Chaplin, Mark Bonnar. ***

Jeudi 8/3, 20h55, Arte.

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Emily Watson incarne décidément à merveille les femmes vouées à traverser les ordalies de la culpabilité, de la pénitence, de la souffrance et de l’impossible rédemption (elle y a excellé dans les films Breaking the Waves et Hilary & Jackie). Son personnage, Yvonne Carmichael, éminente scientifique dépêchée au sein d’une commission parlementaire, rencontre dans les couloirs de Westminster un inconnu qui deviendra son amant. Quinquagénaire vivant une vie rangée d’épouse et de mère, dérivant sur l’onde monotone d’un mariage sécurisant et insipide, elle va se lancer à corps perdu dans une passion dévorante et secrète, laissant libre cours à sa sensualité retrouvée dans les impasses, portes-cochères et chambres d’hôtel de Londres avec cet étranger ténébreux dont elle ne sait rien (Ben Chaplin). Filmée comme un oiseau en cage derrière les murs sensés cacher ses ébats, Yvonne joue avec le feu, jouit de ses prises de risque inconsidérés… Jusqu’au basculement fatal. Amanda Coe retranscrit à la lettre les codes du thriller judiciaire -mensonges, manipulations, secrets, suspense, révélations et sueurs froides- avec en filigrane la culpabilité disproportionnée qui accompagne la sexualité d’une femme comparée à celle d’un homme. Malheureusement, au prix de retournements qui font basculer ce qui aurait pu être un somptueux portrait du désir féminin et de ses entraves dans un mélo au carrefour du thriller érotique de série z et du daytime drama mielleux et prévisible. N.B.

BETTY DAVIS, LA REINE DU FUNK

Documentaire de Phil Cox. ***(*)

Vendredi 9.3, 22h55, Arte.

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« Madonna avant Madonna. Prince avant Prince » dit d’elle un jour Miles, alors son mari. Betty Davis ne fut pas que la femme du monstre sacré de la trompette -un homme qu’elle aida à entrer dans la modernité. Elle fut aussi l’une des plus incroyables, sauvages et provocantes chanteuses de la soul, du rock et du funk. C’est ce qu’essaie tant bien que mal de raconter Phil Cox (The Bengali Detective, The Love Hotel). Non que les faits soient contestables, juste que les images manquent. Si le réalisateur a pu discuter pendant quatre ans avec la reine depuis longtemps disparue mais toujours bien vivante, si elle se raconte même en voix-off dans ses propres mots et ce film présenté comme un monologue, Davis n’a pas accepté de se laisser filmer et les archives se font rares. Voix du feu de dieu, textes suggestifs, coupe afro et mini short à paillettes… L’amie de Sly Stone et de Jimi Hendrix, auteure/ compositrice, ancienne mannequin et diva survoltée, a disparu de la circulation quand elle a quitté l’industrie musicale, vivant recluse, coupée du monde après la mort de son père. Jouant avec les photos, les collages et des images à la poésie dispensable, Betty Davis, la reine du funk dresse le portrait intéressant, malgré ses défauts, d’une artiste noire ayant décidé d’être libre et indépendante à l’époque où les femmes ne l’étaient pas. Une artiste noire qui scandalisait le public avec ses textes et ses poses torrides alors que les afro-américains étaient soucieux de donner une certaine image d’eux-mêmes… J.B.

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