Serge Coosemans

Louis CK est-il réellement commercialement mort?

Serge Coosemans Chroniqueur

Commercialement mort, Louis CK? Pas si vite. Si aujourd’hui, il gêne, il pourrait plus tard très bien amener une solution au problème qu’il a créé: un spectacle pleurnichard. C’est sans doute ce que les gens, le public et la culture contemporaine attendent de lui. Crash Test S03E12, un pari sur l’avenir.

Ma petite théorie de comptoir du moment, c’est que Louis CK, j’en suis persuadé, va un jour revenir en force. Là, il va prendre de longues vacances, se faire discret, se laisser oublier, peut-être même purger une peine s’il devait être jugé et puis, vers 2021 ou 2022, dans ces eaux-là, on le reverra revenir débiter les mêmes blagues de branlette qu’il fait depuis toujours mais il en accentuera le côté dépréciatif, apitoyé, pleurnichard et autoflagellatoire. Et ça va CAR-TON-NER. Les gens vont adorer. Il lui suffira juste de recalibrer ses vannes afin qu’elles puissent plaire à un public transformé en jury de correctionnelle, en experts psychiatriques. Il y arrivera, c’est qu’il est doué pour ça. Aujourd’hui, ses fans s’estiment trahis. Louis CK a créé un problème majeur: ce type que l’on prenait pour un génie cool, un très bon père de famille et un grand humaniste est surtout un putain de détraqué. Toutes ces sales mais bonnes blagues sexuelles qu’il a débitées durant des années ne sont pas que des blagues, c’étaient aussi des indices, un peu comparables à ceux que laissent derrière eux les serial-killers qui espèrent se faire choper mais pas trop vite. Bref, ce que les gens attendent maintenant de lui, ce que son public attend de lui, ce que la culture contemporaine attend de lui, c’est qu’il apporte la solution à ce problème qu’il a créé.

Et la solution, c’est pleurnicher. S’il pleurniche, il va s’en tirer. Or, c’est justement son vieux fonds de commerce de continuellement se traiter de merde et de se la jouer borderline, exercice auquel il est vraiment génial. Dans 3 ou 5 ans, un retour pleurnichard bien mené, cela pourrait également faire office d’énorme catharsis. Non seulement par rapport à sa propre histoire mais aussi par rapport à ce moment que l’on est en train de traverser, cette « époque post-Weinstein » qui fout drôlement le malaise en mélangeant complètement plaintes parfaitement justifiées et emballements moraux et médiatiques pas du tout folichons. Là, maintenant, Louis CK fait flipper et on attribue à ses shows et à ses séries un pouvoir de corruption morale. Il gêne, ça gêne. Mais les choses finiront bien par se calmer et rentrer dans l’ordre. Et l’ordre hollywoodien, c’est le dollar et quand les choses seront calmées, il y aura bien quelqu’un pour rappeler que des blagues sur la branlette, la comédie américaine en éjacule chaque année à cadence soutenue. Qu’il y a donc bel et bien un public pour les blagues sur la branlette. Et que si le roi des blagues sur la branlette se positionne un jour en branleur exhibitionniste soigné et repenti, il n’y aura pas de raison vraiment valable pour se priver de son talent. À faire rire, à faire de l’argent.

Louis CK n’est pas Harvey Weinstein, n’est pas Kevin Spacey. Eux ne seront jamais pardonnés. Leur nom va probablement disparaître du mainstream, comme jadis celui d’Elia Kazan, un moment synonyme de génie alors qu’aujourd’hui seulement connu des cinéphiles. La grande différence, c’est que Louis CK pourrait se positionner comme une victime. Se soigner ou prétendre se soigner et puis revenir en type qui a surmonté le démon de la Veuve Poignet. Les gens adorent les victimes, adorent ce genre de storytelling rédempteur. Et puis ça fera jaser aussi qu’il revienne et quand ça jase, ça vend. Des places à ses spectacles mais aussi des papiers d’opinion, du clic, des publicités…Il rebondira parce que nous vivons dans une culture qui apprécie les gens qui ont commis des actes répréhensibles mais sont prêts à pleurer et à se traiter de grosses merdes en public pour les expier. Weinstein et Spacey sont perçus comme des monstres. Louis CK est vu comme un type qui ne peut pas s’empêcher de s’astiquer la nouille. Autrement dit, le genre de gars qui faisait déjà les délices des talk-shows trash du type de ceux présentés par Jean-Luc Delarue et Jerry Springer. L’industrie de l’entertainment sait donc comment utiliser de façon rentable ce genre d’énergumènes. Comment les vendre. S’il va assurément devenir plus compliqué de pratiquer le harcèlement sexuel et l’intimidation en toute impunité dans les sphères hollywoodiennes, je ne crois pas un instant à cette idée pourtant actuellement agitée sur les réseaux sociaux qui voudrait que nous assistions en direct à une révolution complète des mentalités dans le secteur. L’industrie ne va soudainement pas devenir moins cynique, plus éthique, abandonner son core-business, qui est de faire de l’argent. Se comporter en dégoûtant macho, c’est (peut-être) fini. Pas se comporter en gros malin. Cela dit, j’espère quand même un peu avoir tort, pour le coup.

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