Les meilleures choses à voir à la télé cette semaine

Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

De Béjart à Black Sabbath, de Sydney Pollack à Manuel Poutte: documentaires, films ou séries, voici notre sélection du meilleur de la télé cette semaine, du 6 au 12 janvier.

BÉJART, L’ÂME DE LA DANSE

Documentaire d’Henri de Gerlache. ****

Dimanche 7/1, 22h50, La Une.

Les meilleures choses à voir à la télé cette semaine
© Malie Letrange

Cela fait dix ans que Maurice Béjart s’est éteint à Lausanne, à l’âge respectable de 80 ans, désireux de travailler jusqu’à son dernier souffle, malgré la maladie. Ce documentaire d’Henri de Gerlache retrace la vie et l’oeuvre de ce chorégraphe hors norme, de ce « petit Marseillais » fils de philosophe (Gaston Berger) qui a profondément bousculé la danse belge en s’installant à Bruxelles en 1959 et en y ouvrant une école au rayonnement international, Mudra, en 1970. Mêlant images d’archives et interviews de proches (famille, collaborateurs et des danseurs comme Julien Favreau, Rita Poelvoorde, Marie-Claude Pietragalla…), Béjart, l’âme de la danse donne à voir le jeune Maurice, avec ses yeux clairs et ses faux airs de Joaquin Phoenix, dans ses débuts difficiles, avec ses tournées dans les villages du sud de la France et en Espagne, où sa compagnie se produisait dans les arènes, après la corrida. En 1955, Béjart signe son premier manifeste, Symphonie pour un homme seul, sur la musique concrète de Pierre Schaeffer et Pierre Henry. Incompris en France, Béjart s’exile à Bruxelles à l’invitation de Maurice Huisman, fraîchement désigné directeur du Théâtre royal de la Monnaie. Comme premier fait d’armes, le chorégraphe y livre en 1959 sa version du Sacre du Printemps, ballet scandaleux et révolutionnaire, baigné d’érotisme et d’animalité.

Le documentaire revient aussi sur d’autres ballets qui ont fait date, comme cette Messe pour le temps présent, présentée au Festival d’Avignon en 1967, ou le fameux Boléro, dont le solo pouvait être dansé aussi bien par une femme que par un homme (Béjart imposant ainsi le danseur masculin comme figure centrale d’un ballet) et qui, tourné en extérieur au Trocadéro avec le flamboyant Jorge Donn, a donné le final du film de Claude Lelouch Les Uns et les Autres. Attiré par les cultures orientales (Japon, Inde, Iran…), fier du sang noir hérité de son arrière-grand-mère sénégalaise, Béjart a tout autant fasciné qu’irrité, mais il a indubitablement marqué la danse du XXe siècle. Un bel hommage.

E.S.

OUT OF AFRICA

Biopic de Sydney Pollack. Avec Meryl Streep, Robert Redford, Klaus Maria Brandauer. 1986. ****

Dimanche 7/1, 20h55, Arte.

Robert Redford et Meryl Streep
Robert Redford et Meryl Streep© Universal/Photofest

La romancière danoise Karen Blixen avait raconté, dans son livre autobiographique paru en 1937 (Une femme africaine en traduction française), ses 17 années vécues au Kenya entre 1913 et 1931. Le très beau film de Sydney Pollack adapte cet ouvrage paru sous le pseudonyme Isak Dinesen. Il offre à Meryl Streep le rôle fascinant de cette jeune femme partie en Afrique après un mariage sans amour avec un homme qui bientôt la délaisse. Une rencontre avec un aventurier (joué par le très charismatique Robert Redford) lui offrira la passion qu’elle méritait, elle dont l’activité pionnière avait déjà fait un être libre. Assez libre pour suivre définitivement la voie du coeur et du corps? Le film répond au terme d’un récit prenant, filmé avec grandeur et accompagné d’une musique de John Barry restée fameuse. Sept Oscars (dont celui du meilleur film) furent attribués à cette oeuvre marquante.

L.D.

À MUSÉE VOUS, À MUSÉE MOI

Série courte de Fouzia Kechkech et Fabrice Maruca. ***

Dès lundi 8/1, 20h45, Arte.

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© Cocorico & Co

Animer des peintures. Faire parler les toiles. L’idée est plutôt géniale. En 30 épisodes, À Musée vous, à musée moi se propose de revisiter avec humour dix tableaux célèbres de l’Histoire de l’art. Le paysan et sa fille célibataire sur l’American Gothic de Grant Wood s’engueulent pour savoir qui va tenir la fourche. La Joconde appelle son agent pour renégocier les clauses de son contrat avec Le Louvre, tandis qu’Arlequin et Pierrot se taquinent pour passer le temps… Le cinéma (La Nuit au musée, Musée haut, musée bas) avait déjà démontré tout le potentiel humoristique de l’institution muséale. Mais À Musée vous, à musée moi a beau donner vie de manière assez bluffante (avec de vraies comédiens) au travail des grands maîtres, les dialogues et les blagues de Fabrice Maruca (La Minute vieille) tombent souvent à plat. Nettement moins décapante que Silex and the City et Tu mourras moins bête, la capsule aurait aussi mérité un traitement historique plus profond. Une petite déception malgré le cool générique de Cut Killer et JoeyStarr…

J.B.

BEKTACHIS

Documentaire de Manuel Poutte. ***(*)

Lundi 8/1, 21h10, La Trois.

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© philippe bernaerts

Jeune président du Conseil consultatif des mosquées de Molenbeek, Redouane est belge d’origine marocaine. Et musulman de confession sunnite. Iljir est acteur. Français. Ses racines sont à aller chercher en Albanie et il est adepte du Bektachisme, courant de l’islam particulièrement tolérant qui existe depuis le XIIIe siècle et dont le coeur bat là, au sud-ouest des Balkans. Les Bektachis, une hérésie pour beaucoup de musulmans, boivent de l’alcool, ne jeûnent pas nécessairement en période de Ramadan, mais le font volontairement en fonction de leur dévotion… Ils n’ont pas de mosquées. Les femmes ne sont pas voilées. Les Bektachis prônent même l’égalité. Garçons et filles prient d’ailleurs côte à côte… Selon l’UNESCO, le Saint Fondateur du courant Haci Bektas Veli véhiculait de son temps des idées qui huit siècles plus tard coïncideraient pour beaucoup avec la Déclaration universelle des droits de l’homme. Sur une idée de Manuel Poutte (Welcome to Paradise, Fritkot…), Iljir va emmener Redouane au pèlerinage du mont Tomor où des dizaines de milliers de Bektachis (ils sont six millions de pratiquants dans le monde) se retrouvent chaque année. Le licencié en philosophie suit le périple: le voyage en camionnette de six heures qui prendra finalement deux jours jusqu’au sanctuaire et aux sacrifices de mouton, puis surtout la rencontre, la conversation entre deux hommes et deux formes d’islam. Un film qui lutte contre les stéréotypes et pousse à la réflexion.

J.B.

SONITA OU LA VALEUR D’UNE VIE

Documentaire de Rokhsareh Ghaem Maghami. ***(*)

Mardi 9/1, 23h15, Arte.

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© Behrouz Badrouj

Elle est afghane, a 18 ans et vit sans papiers, avec sa soeur et sa nièce, à Téhéran. Sonita, qui a découvert le hip-hop en écoutant Eminem, rêve de faire carrière dans le rap. Et ce même si les filles n’ont pas le droit de chanter en Iran. Avec Harmad, ouvrier dans le bâtiment qui met de l’argent de côté, elle veut créer un groupe et démarche dans les studios d’enregistrement. Sauf qu’un beau jour, sa mère débarque d’Afghanistan. Bien décidée à la marier contre une dot de 9000 dollars pour que l’un de ses quatre frères puisse se payer une épouse. Grand prix du jury et prix du public au festival du film de Sundance en 2016, Sonita ou la valeur d’une vie brille moins par sa qualité et sa forme que par la personnalité extraordinaire de sa jeune et courageuse héroïne, qui chante avec des yeux tuméfiés, des balafres sur les joues et un code-barres sur le front contre le mariage forcé. S’il interroge la condition de la femme dans le monde arabe et raconte le désespoir face aux époux commis d’office de ces filles qui ont une valeur marchande pour leur famille, le documentaire de Rokhsareh Ghaem Maghami questionne aussi la relation entre le réalisateur et son sujet d’étude, sa place dans l’histoire qu’il raconte. On s’est souvent indigné devant ceux qui filmaient au lieu d’aider, laissant parfois mourir devant l’objectif de la caméra. L’Iranienne et son équipe ont eux payé les parents de la jeune fille et participé à son installation aux États-Unis. Mais sans vraiment assumer leur intervention, contrairement à Sarah Moon Howe dans son docu Celui qui sait saura qui je suis, sur le défenseur des droits humains Andrii Fedosov. Reste cet improbable parcours. Ce bout de rappeuse qui se demande ce qu’elle peut faire pour que les Afghans arrêtent de vendre leurs filles… Aujourd’hui, Sonita vit et étudie aux États-Unis. Elle continue de chanter et de militer contre le mariage forcé. Aux dernières nouvelles, elle envoie à sa famille de l’argent gagné en donnant des concerts.

J.B.

AURORE

Minisérie de Laetitia Masson. Avec Élodie Bouchez, Lolita Chammah, Aurore Clément, Hélène Fillières, Anna Mouglalis. ***(*)

Jeudi 11/1, 20h55, Arte.

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© DR

Le point de départ de cette minisérie signée Laetitia Masson (À vendre, Petite fille…) est périlleux, parce qu’en fragile équilibre entre le plausible et le visuellement supportable. Délaissée et maltraitée par une mère célibataire, chômeuse et passant d’homme en homme, Aurore, dix ans, tue accidentellement le petit Paulo, quatre ans, pour une histoire de gâteau qui déraille. Aurore est en réalité affamée. Elle passe le plus clair de son temps à traîner dans sa cité, au bord du marais ou d’une friche industrielle avec son ami Chris. Mais ce jour-là, tout bascule. Une vie de rêves brisés à l’avance sombre dans le cauchemar. Comme celle de Maya, la soeur du petit Paulo. Parvenues à l’âge adulte, l’une sort de prison, quand l’autre ne sort pas encore de son désir de comprendre… et de se venger. La confrontation de ces deux histoires fracassées, peuplées de fantômes, permet à Laetitia Masson de livrer un drame qui remonte aux sources de la violence enfantine: la misère sociale, humaine, relationnelle dans laquelle baignent les parents. À travers l’enfant, sévit un impensé: la violence économique, politique, systémique et endémique. Donnant la parole à tous les protagonistes (police, justice, familles…) avec un égal regard empathique, Aurore, qui réunit un redoutable casting féminin (Élodie Bouchez, Hélène Fillières, Aurore Clément et Lolita Chammah) ouvre la possibilité de rédemption et se raconte dans une poésie visuelle qui ne fait l’économie ni du beau, ni du hideux.

N.B.

MALARIA BUSINESS

Documentaire de Bernard Crutzen. ***(*)

Jeudi 11/1, 22h05, La Une.

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© caméra one télévision, zistoires

Lors de sa tournée marathon du printemps 2015, Stromae a bien failli mettre fin à ses jours: « J’ai subi les effets secondaires du Lariam (…). J’étais stressé, épuisé, tout me prédisposait à péter les plombs, mais l’accélérateur, c’était le Lariam. » Il livre cette évidence qui donne le vertige (ou la nausée): lui a été bien entouré, suivi, conseillé. Mais combien de milliers d’adultes ou d’enfants qui n’ont pas ses moyens ont perdu la vie? Le Lariam, combinaison à base d’artémisine, est un traitement antipaludique qui inonde le marché. Il est au centre d’un procès opposant, en Grande-Bretagne, des vétérans d’Irak au ministère de la Défense, et dont le retentissement n’est pas arrivé jusqu’à nous. Jusqu’à ce documentaire saisissant de Bernard Crutzen qui se penche sur un traitement alternatif centré sur la forme naturelle de l’artemisia, une plante poussant en Asie, qui permettrait de contrer efficacement et pour bien moins cher les ravages du paludisme, mais qui reste interdite en France et en Belgique notamment. Pression des groupes pharmaceutiques, omerta politique, silence assourdissant de l’OMS paraissent au grand jour à travers les témoignages de spécialistes, médecins, pharmaciens, de voyageurs soignés par les infusions de cette plante dont les malades d’Afrique sont soigneusement tenus à l’écart.

N.B.

PRISCILLA, FOLLE DU DÉSERT

Comédie de Stephan Elliott. Avec Terence Stamp, Hugo Weaving, Guy Pearce. 1995. ****

Jeudi 11/1, 22h20, La Trois.

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© DR

La Priscilla du titre n’est pas un être humain mais le bus à bord duquel un petit groupe d’artistes se rend à Alice Springs pour y présenter son spectacle. Deux d’entre eux sont travestis, le troisième est transsexuel. Et la route passant par le désert australien va les mener dans des coins de pays où des personnages aussi flamboyants ne sont jamais passés avant eux (elles?)… Le film de Stephan Elliott transporte en Australie profonde un singulier équipage, pour une expérience défiant vaillamment l’homophobie mais creusant aussi une vérité humaine aux multiples facettes. Terence Stamp, autrefois jeune « visiteur » du sulfureux Théorème de Pasolini, est magnifique et fort bien entouré de Guy Pearce (L.A. Confidential, Memento) et Hugo Weaving (Matrix, Le Seigneur des Anneaux). À voir ou à revoir entre rire et larmes. Un film qui a fait date et a été adapté dix ans plus tard en comédie musicale.

L.D.

BLACK SABBATH: THE END OF THE END

Documentaire de Dick Carruthers. ***

Vendredi 12/1, 23h00, Arte.

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© DR

Les 16.000 tickets avaient trouvé acquéreur en à peine un quart d’heure. Le 4 février dernier, Black Sabbath, pionnier du heavy metal, donnait à la Genting Arena, dans son fief de Birmingham, le tout dernier concert de son impressionnante carrière. Le documentaire du clippeur quinquagénaire britannique Dick Carruthers immortalise ces derniers instants, enchaîne de longs extraits de concert et de répétitions, mais baigne aussi dans un petit tas de banalités. Pas de spécialistes, d’amis ou de rejetons ici… Ozzy Osbourne, Geezer Butler et le guitariste à huit doigts et demi Tony Iommi racontent. Ils se souviennent des sept auditions qu’il leur a fallu pour dégotter un contrat et du mec qui leur a suggéré de filer apprendre à jouer de leurs instruments, puis tant qu’ils y étaient d’écrire de vraies chansons. Ils interprètent aussi au Angelic Studio, quelques jours après ces adieux, des morceaux qu’ils n’avaient plus joués depuis longtemps. Le résultat n’en est pas moins décevant. À réserver aux fans.

J.B.

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