Les 9 meilleures émissions à voir à la télé pendant les fêtes

Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Histoire de changer des sempiternels téléfilms de Noël… Documentaires, films, séries: notre programme du 23 décembre au 5 janvier.

SNOWFALL

Série créée par John Singleton. Avec Damson Idris, Amily Rios, Carter Hudson, Michael Hyatt. ***(*)

Samedi 23/12, 20h30, Be Series.

Les 9 meilleures émissions à voir à la télé pendant les fêtes
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John Singleton s’est fait un nom avec Boyz N the Hood, fable sans concession de l’impossible mobilité sociale dans la quartier de South Central, à Los Angeles, au tournant des années 90. Même lieu, autres temps, 1983, aux racines de la culture hip-hop et gangsta: Franklin Saint, jeune black, a réussi une brillante scolarité mais se retrouve coincé par sa couleur de peau dans des jobs miteux. Cette réalité va le motiver à naviguer dans les marges du rêve américain, en dealant de la came, frayant peu à peu avec les figures hautes en couleur du milieu. Après The Wire, Breaking Bad et Narcos, la télé continue d’explorer l’impact de la drogue sur la société américaine. Ici, la série tisse un récit choral influencé par le style David Simon, mais s’éparpille façon puzzle auprès de trop de personnages et d’intrigues qui ne s’imbriquent pas au mieux dans le récit principal. D’autant plus dommage que Damson Idris en impose dans le rôle de ce Franklin dont la fraicheur juvénile va s’assombrir à mesure que se durcit un récit qui ne choisit jamais vraiment entre le pittoresque funky, le récit historique et la chronique acide.

N.B.

FRED ASTAIRE, L’HOMME AUX PIEDS D’OR

Documentaire de Yves Rioux et Philippe Pouchain. ***(*)

Dimanche 24/12, 18h05, Arte.

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« Joue pas mal. Danse pas mal. Un peu chauve. » Sa première audition pour Hollywood n’a pas suscité que des commentaires dithyrambiques, et pourtant. Fred Astaire restera à jamais le roi de la claquette et le clown de la danse. Né en 1899 dans le Nebraska au sein d’une famille d’immigrés autrichiens désargentés, Frederick Austerlitz a marqué de son empreinte sautillante l’Histoire du cinéma et tenu les plus belles femmes du monde dans ses bras. Yves Rioux et Philippe Pouchain racontent le bosseur acharné et sa précision millimétrée. Sa soeur, avec qui il devient d’abord l’une des coqueluches de Broadway. « Elle lui donnait du sexe. Il lui donnait de la classe » disait Katharine Hepburn de sa collaboration avec Ginger Rogers. Serge Bromberg, Leslie Caron, le chorégraphe de The Artist et un historien du cinéma, entre autres, mêlent leur voix aux images d’archives et aux extraits de films pour résumer le « Danseur du dessus » de manière sérieuse et enlevée.

J.B.

LES ANNÉES 90

Série documentaire de Tom Hanks et Gary Goetzman. ***(*)

Dimanche 24/12, 21h30, La Deux.

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On en a vu qu’un seul épisode, The One about TV, mais le projet est ambitieux: retracer en huit heures les nineties, dix années d’histoire politique, médiatique, artistique et sociale. Le grunge à Seattle, les émeutes à Los Angeles et le cigare à la Maison-Blanche… Première étape donc, la télé, grand miroir pas si déformant que ça de notre (manque d’) humanité, les années 90, c’est Homer Simpson qui remplace Bill Cosby en termes de figure paternelle. David Lynch, ce réalisateur « bizarre », qui se met à proposer une série tordue (Twin Peaks) sur une chaîne grand public. C’est aussi le sensationnalisme qui grimpe en flèche avec l’affaire OJ Simpson. L’irrévérence bas du front mais cinglante de Beavis and Butthead et de South Park. Puis des séries: NYPD Blue, Urgences, Oz, Les Sopranos… Larry Charles (un des scénaristes de Seinfeld), Tom Hanks, Henry Rollins et d’autres se succèdent pour recontextualiser un bout de notre enfance (ou pas). Rythmé et moins superficiel qu’il n’y paraît.

J.B.

GUERRE ET PAIX

Minisérie de Tom Harper et Andrew Davies. Avec Paul Dano, Lily James, James Norton, Greta Scacchi, Jim Broadbent, Brian Cox. ****

Lundi 25/12, 20h55, France 2.

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C’est la seconde fois (après John Davies en 1972) que la BBC porte à l’écran le chef-d’oeuvre de Léon Tolstoï. Sous forme de feuilleton écrit entre 1865 et 1869, il dépeint l’aristocratie russe en proie au sentimentalisme, sourde aux fureurs du monde, sombrant corps et âme dans les guerres napoléoniennes. Andrew Davies en offre une adaptation magistrale qui feint d’en couvrir les rugosités avec un vernis très Jane Austen (il avait adapté Pride and Prejudice et Sense and Sensibility). La scène d’ouverture valide cette option, qui permet de saisir en quelques lignes de dialogues bien sentis les relations amoureuses, affects, sentiments, intrigues et tourments aussi complexes que les patronymes des protagonistes -ce que Tolstoï a décrit sur des dizaines de pages-, sans en perdre tout le sel. Les six épisodes enchaînent les ellipses, les costumes et décors somptueux, les mises en scène magistrales, les tragédies et moments de lumière de cette saga sans en grever la qualité chorale ni les méandres de sa progression dramatique. Comme dans un Terrence Malick touché par l’âme slave, l’Histoire et le Destin reprennent leurs droits et broient les femmes et les hommes. Les batailles d’Hollabrunn, d’Austerlitz, de la Moskova, l’incendie de Moscou donnent lieu à des reconstitutions sans excès de sang ni héroïsme en toc. Dans ce spectacle où la cendre se mêle au nectar de vie le plus pur, où la grâce dialogue avec le tragique sur fond de débâcle, Paul Dano, Lily James, l’impeccable James Norton, Greta Scacchi, Jim Broadbent, Brian Cox offrent des performances quatre étoiles que la présence saugrenue de Mathieu Kassovitz en Napoléon ne parvient même pas à entacher.

N.B.

LES PARAPLUIES DE CHERBOURG

Comédie musicale de Jacques Demy. Avec Catherine Deneuve, Nino Castelnuovo, Anne Vernon. 1964. *****

Mercredi 27/12, 21h10, La Trois.

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Le cinéma « en chanté » de Jacques Demy s’épanouit dans ce chef-d’oeuvre d’émotion et de beauté abrité par Les Parapluies de Cherbourg. Catherine Deneuve et Nino Castelnuovo y incarnent un jeune couple que la guerre d’Algérie sépare quand Guy doit y partir faire son service militaire, laissant Geneviève seule et désemparée. Ne recevant aucune nouvelle de lui, elle sera poussée par sa mère vers un potentiel mari de meilleur niveau social… Ancré dans une réalité âpre, aux accents parfois tragiques, le film consacre la complicité entre un cinéaste (Demy), un musicien (Michel Legrand) et un décorateur (Bernard Evein) qui atteindront ensemble d’autres sommets, dont Les Demoiselles de Rochefort en 1967. On ne se lasse pas de voir et de revoir Les Parapluies de Cherbourg, et d’y vibrer, bouleversés par une histoire touchante et l’accord sublime entre image musique.

L.D.

LIKE MOI!

Série de Nadja Anane et François Uzan. Avec Bérangère McNeese, Noémie Chicheportiche, Aude Gogny-Goubert, Benoît Moret, Charles Nouveau. ***(*)

Samedi 30/12, 20h00, La Deux.

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Quatre filles, quatre garçons, une seule possibilité: mourir d’amour enchainés à nos smartphones et aux multiples réseaux sociaux qu’ils abritent, comme autant d’extensions de nous-mêmes. Cette illusion de connexion aux autres et à soi nous condamner à en faire un usage constant, dans toutes les situations du quotidien. La nouvelle série RTBF, Like-moi!, coproduction belge, française et suisse, tire le portrait de cette génération dont la vie sociale, amicale et amoureuse est pendue à cet appendice virtuel et aux satisfactions égotiques et narcissiques qu’il feint de combler. La version originale québécoise piquait bien fort, grâce notamment à son franc-parler local. Même si, ici, le propos perd un peu en férocité, l’observation anthropologique de nos petites manies est juste, et bien rendue par une bande de jeunes comédiens emmenés par la belge Bérangère McNeese, qui multiplie les saillies et les expressions savoureuses. Que celui ou celle qui ne se reconnaît pas dans le ridicule et le cocasse de bien des situations jette le premier portable.

N.B.

LES TEMPS MODERNES

Comédie dramatique de Charlie Chaplin. Avec Charlie Chaplin, Paulette Goddard, Henry Bergman. 1936. *****

Dimanche 31/12, 20h55, Arte.

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Le génie de Chaplin atteint des sommets dans ce film où son personnage fétiche de Charlot (dans son avant-dernière apparition à l’écran) se voit confronté à la dure réalité du travail à la chaîne et du taylorisme. Dans l’usine qui l’emploie, le petit homme à la moustache est en effet pris pour cobaye d’une nouvelle expérience de rationalisation du travail: la machine à faire manger l’ouvrier pendant qu’il continue à prester. Charlot en sortira fou, prélude à d’autres mésaventures dans une société cruelle envers les pauvres… La satire sociale est mordante (on voit les forces de l’ordre charger des manifestants pacifiques), on rit beaucoup mais souvent noir. L’émotion est au rendez-vous pour une histoire d’amour qui fera son petit chemin, jusqu’à une image finale où le héros, cette fois, ne s’en va pas tout seul…

L.D.

AMERICAN EPIC

Documentaire de Bernard MacMahon. ****

Lundi 1/1, 23h20, Arte.

Mississippi John Hurt
Mississippi John Hurt© DR

Début du siècle dernier, aux États-Unis, l’industrie de la musique cible la classe moyenne urbaine. Mais au milieu des années 20, avec l’avènement de la radio et la chute des ventes, les fabricants de phonographes et de disques décident de miser sur d’autres consommateurs. Les paysans et les gens de couleur. Ils envoient des équipes dans le sud, placent des encarts pour les inviter à auditionner. Frank Walker, dénicheur de talents et producteur de la Columbia à l’époque, explique: « C’était vers 1927, notre toute première tournée. On décidait d’enregistrer à Johnson City, Tennessee. C’était annoncé dans le journal. La nouvelle se répandait dans les églises et les écoles. Quelqu’un allait venir enregistrer des disques. Les gens avaient parfois parcouru plus de 1 400 kilomètres. J’ignore comment ils faisaient et comment ils rentraient chez eux. Ils ne demandaient jamais d’argent. Ils ne discutaient rien. Ils étaient simplement contents de chanter et de jouer. Ils avaient fait un disque et pour eux, c’était la plus grande gloire après être président des États-Unis. » Coproduit par T-Bone Burnett, Robert Redford et Jack White (qui y fait d’ailleurs quelques petites apparitions), American Epic raconte l’explosion des musiques rurales américaines dans les années 20 et 30, comment les pionniers du blues et de la country ont sauvé l’industrie disque. Il retrace aussi, à travers ses improbables et invraisemblables destins, un petit bout de l’histoire des États-Unis. Par ailleurs objet d’un livre et d’une compil, American Epic s’est décliné en trois épisodes pour la télé américaine. Trois épisodes historiques complétés par un film où Jack White, Beck et Pokey LaFarge, entre autres, immortalisent de la musique sur le premier appareil d’enregistrement électrique au monde. Arte ne diffuse qu’une version courte (une heure et demie seulement) du documentaire. Mais ce film réalisé par le Britannique Bernard MacMahon, narré dans sa version originale par Robert Redford, résume plutôt bien l’aventure en se focalisant sur la musique, les musiciens et ces singuliers chercheurs d’or. Tous incarnent à leur manière une facette de l’Amérique. Il y a la Carter Family, habitants de la poor valley, les Appalaches misérables. Le prêcheur Elder Burch et sa chorale qui inspireront à jamais le voisin de l’église Dizzy Gillespie. Mais aussi l’homme-orchestre Charley Patton, l’idole des Mexicains Lydia Mendoza ou encore l’incroyable Mississippi John Hurt, redécouvert dans les années 60 par un musicologue. American Epic, ou comment célébrer la rencontre entre la musique des travailleurs et du peuple et les débuts de l’enregistrement audio moderne. Passionnant.

Julien Broquet

JANIS

Documentaire d’Amy Berg. ***(*)

Vendredi 5/1, 22h25, Arte.

Les 9 meilleures émissions à voir à la télé pendant les fêtes
© DR

Elle a été élue garçon le plus laid de l’université d’Austin. Jurait. Elle n’était pas discrète, plutôt sorteuse et fouteuse de merde. « C’était même dangereux de l’amener dans un bar, «  dit d’elle l’un de ses amis. Pas spécialement la bru rêvée, Janis Joplin fut à tout le moins l’une des icônes de sa génération. Une de ses plus grandes voix aussi, toute particulière fût-t-elle. Amy Berg, qui s’était jusqu’ici notamment intéressée aux West Memphis Three (ces trois adolescents, symboles d’une justice arbitraire, condamnés en 1994 pour le meurtre de trois enfants de huit ans) et aux abus sexuels sur des gosses dans l’industrie américaine du film, s’attaque ici à l’une des personnalités féminines les plus fortes de l’histoire du rock. Sa soeur cadette, une amie d’enfance, Bob Weir du Grateful Dead, Kris Kristofferson ou encore D.A. Pennebaker, réalisateur du film Monterey Pop, participent à ce documentaire épistolaire qui a pour fil rouge la correspondance entretenue par Joplin avec ses parents. Un portrait bien mais pas top qu’on aurait préféré voir en V.O. avec la voix de Cat Power…

J.B.

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