Lagerfeld Confidentiel

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Le portrait du kaiser des catwalks, tout en ombres et en couleurs, achève de belle manière cette semaine dédiée par Arte à la fashion week.

Dire que ce portrait de Karl Lagerfeld a de la saveur est un doux euphémisme: cet homme-là, c’est du Tabasco! Celui qui a réanimé la maison Chanel fait grimacer, quand il souligne avec une certaine délectation que la mode est quelque chose d' »injuste, dangereux, cruel et éphémère. Si on n’accepte pas ça, il faut faire un autre métier, il faut devenir fonctionnaire! » Que « les filles rondes n’ont pas leur place dans la mode. » Ou encore qu’il peut se séparer de quelqu’un avec qui il collabore depuis 30 ans en moins d’une seconde: « Les gens connaissent mes critères et s’ils s’imaginent pouvoir faire les choses à leur idée, de leur côté, ils savent à quoi ils s’exposent, ils connaissent les risques… Je ne vais pas remettre en question tout mon travail et celui de tous ceux qui travaillent autour de moi pour l’ego de deux ou trois connards! De toute façon, les victimes ne sont jamais innocentes… »

Le kaiser des podiums fait aussi sourire, quand il rudoie l’auteur de ce film qui tourne un peu trop autour du pot quand il s’agit d’aborder la question de son homosexualité. Ou lorsqu’il le défend de tomber dans « les clichés de solitude » après qu’ils ont abordé ensemble la manière bien particulière qu’il a d’envisager les relations humaines: ne jamais peser sur personne.

Karl n’est pas un humain, c’est une créature. Programmée pour dézinguer, détester, atomiser. Et bosser, beaucoup bosser. A aucun moment on ne le sent fait de chair et de sang. Il avoue d’ailleurs n’avoir aucune sexualité depuis longtemps, par choix. Elitiste et aigri, le pape de la mode serait tout à fait détestable s’il n’assumait pas ses défauts, s’il n’avait pas le talent qu’on lui connaît (on découvre ici celui qu’il a pour la photographie), ainsi qu’un humour dévastateur, politiquement incorrect et corrosif en diable.

Et puis, çà et là, un brin de beaufitude: comme lorsqu’il mitraille jusqu’à l’obsession de jeunes éphèbes dévêtus dans des mises en scène frisant le grotesque, son petit péché mignon. Comme quand il retire ses lunettes et qu’on aperçoit le regard bovin qu’il s’escrime à cacher au monde depuis… depuis combien d’années, déjà?

Lagerfeld Confidentiel, 20.40 sur Arte.
Documentaire de Rodolphe Marconi.

Myriam Leroy

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