Carte blanche

La V.O. à la RTBF? « ‘Dans la mesure du possible’ se traduit dans les faits par ‘pas très souvent, voire jamais' »

« En Belgique francophone, on rate tous les jours des occasions d’apprendre. À l’heure où le contrat de gestion de la RTBF est en train d’être négocié, il est important de préciser les obligations du service public en matière de sous-titrage », soutiennent Régine Florent et Philippe Van Parijs, professeurs respectivement à l’IHECS et à l’UCL.

En Belgique francophone, on rate tous les jours des occasions d’apprendre… Chaque fois qu’un film, une série ou un documentaire est doublé, on manque une magnifique opportunité d’apprendre des éléments d’une langue étrangère. Les mots réveillés, les accents entendus permettent à ceux qui ont la chance de s’exposer à la V.O. de réactiver les notions apprises en classe et si la rencontre avec la langue étrangère est quotidienne, ces fragments finissent pas améliorer considérablement les compétences. Il faut s’exposer aux langues étrangères comme il faut s’exposer au soleil si on veut bronzer, à la différence près que l’exposition à la VO ne comporte aucun risque, au contraire!

Lire des sous-titres régulièrement peut amener à une amélioration de la compétence « lecture », un savoir-faire extrêmement important dans tous les domaines et à tous les niveaux. Lire rapidement et bien comprendre le message est essentiel pour les littéraires, comme pour les scientifiques et les techniciens. Pratique utile? Il semble que oui puisque les études PISA placent les Belges francophones en bas des classements dans cette compétence. Lire des sous-titres quotidiennement équivaut à lire quelques gros livres tous les ans, on n’en sort pas indemne.

Le sous-titrage peut sans conteste être considéré comme un magnifique outil d’éducation permanente, c’est un service rendu au public. À l’heure où le contrat de gestion de la RTBF (télévision de service public, faut-il le rappeler) est en train d’être négocié, il serait important que nos décideurs précisent beaucoup plus clairement les obligations de la chaîne de service public en la matière.

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Quelques pas ont été faits… On entend de temps en temps du néerlandais dans les JT mais pas systématiquement; on n’entend pratiquement jamais d’anglais, jamais d’allemand. Et pourtant, le contrat fait allusion à une telle obligation mais le problème est que le contrat actuel exige la diffusion des interventions étrangères en V.O. uniquement « dans la mesure du possible » et cette expression à elle seule vide l’obligation de son sens. « Dans la mesure du possible » se traduit dans les faits par « pas très souvent, voire jamais »… Il s’agit d’un manque de volonté de la part de la direction de la RTBF; pour l’anglais par exemple, les infos venant des USA sont souvent des infos datant de la veille et les infos venant de l’est nous laissent quelques fuseaux horaires d’avance. Invoquer un manque de temps pour sous-titrer semble dès lors peu crédible. De plus, ce qui n’est pas sous-titré pour l’édition de 13h devrait l’être à 19h30.

Il y a aussi une « obligation » de diffuser un film avec V.O. à la demande les lundis mais ce film s’avère souvent être un film en français! La possibilité de V.O. à la demande n’est pas annoncée, ou alors tellement discrètement qu’elle n’est pas remarquée! Rien à voir avec le tapage fait autour de The Voice par exemple. Les manipulations techniques nécessaires ne sont pas expliquées et la proportion de téléspectateurs qui bénéficient de cette option doit être minime, faute d’information.

A quoi les amateurs de V.O. aspirent-ils? Que les interventions en néerlandais, anglais et allemand soient systématiquement doublées dans les JT, de même que dans les documentaires sur toutes les chaînes de la RTBF. Qu’un film en VO soit programmé sur la Une chaque semaine et qu’il soit exclu que ce film soit un film en français. Que la promotion de la V.O. à la demande soit faite de manière correcte et visible.

Est-ce trop demander? Cela semble assez minimaliste, la VRT fait beaucoup plus depuis bien longtemps avec le succès que l’on connait au niveau de la connaissance des langues dans le nord du pays et avec cette valeur ajoutée en termes de capacité de lecture rapide.

Plus de 4000 signataires le réclament sur lapetition.be

Régine Florent, professeur à l’IHECS et Philippe Van Parijs, professeur à l’UCL

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