Johnny Depp, my friend

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Pas facile de vivre dans un village perdu de Roumanie, surtout quand les concerts viennent à manquer et que Johnny Depp se fait attendre. Ce documentaire ne parle pas de Johnny Depp, personnage présenté comme l’inaccessible espoir, dans un village qui a vu naître les Taraf de Haidouks, et qui malgré tout se meurt à petit feu.

Peut-être est-ce pour le rendre plus sexy d’approche? Mais si vous recherchez les traits de Johnny Depp dans ce film âpre et douloureux signé Marta Bergman et Frédéric Fichefet, vous risquez de rester sur votre faim. Le beau Johnny, ancienne gloire de l’exigence cinématographique reconvertie en attrape-pop-corn, n’est évoqué qu’à une seule reprise, par Marius, un musicien à la gueule cassée: Depp, raconte-t-il, lui aurait promis d’être le parrain de sa fille, une promesse faite pendant le tournage de The Man Who Cried où le groupe de Marius faisait une apparition. Il faut vivre d’espoir…

Première moitié des années 2000. Ces musiciens, c’est à noter, ont connu le succès à l’internationale au temps béni de Taraf de Haïdouks, groupe tzigane formé dans le petit village roumain de Clejani, juste après l’ère Ceausescu. Mais les temps ont bien changé…

Froid comme la neige

Un peu moins de 15 ans après La Ballade du Serpent, les deux complices Bergman et Fichefet reviennent donc à Clejani, dans ce bourg sédentarisé où les musiciens vivent désormais dans une précarité crasse. Le patriarche, le violoniste Nicolae Neacsu, repose dans son linceul: ce sont les premiers plans du film, cette marche funèbre en forme de symbole. Symbole, parce que le village a mal, croule sous les dettes. Même qu’une femme à moustache déambule chaque mois entre les foyers pour recouvrer l’argent prêté, avec des intérêts parfois exorbitants.

Sans voix off, sans autre explication que ces conversations saisies au vol et ces confessions désenchantées, on peine parfois à comprendre dans quelle cour se joue le film. Mais la caméra se balade de foyers en foyers pour écouter la longue plainte de ces musiciens en repos forcé, pour suivre la vente d’un âne, pour suivre cette famille où un frère se drogue pour oublier. On est sur le vif, l’objectif tremble, on saisit des instantanés. Sec, brut, froid comme la neige qui recouvre ces paysages désolés, ce documentaire pénètre dans une réalité dure, capte des moments intenses, improbables, grâce à la confiance acquise auprès des habitants durant des années. Une expérience.

Johnny Depp, my friend, 22.15 sur La Trois.

Documentaire de Marta Bergman et Frédéric Fichefet.

Guy Verstraeten

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