Laurent Raphaël

Focus voit jaune pour les 25 ans des Simpson

Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

Un quart de siècle au compteur… Les Simpson auraient-ils trouvé la formule de la longévité cachée au fond d’une Duff, la bière préférée de Homer?

Laurent Raphaël,
Laurent Raphaël, « simpsonisé » pour l’occasion© Adrien « ADN » Noterdaem

À l’heure de l’obsolescence programmée, des relations kleenex, des magasins éphémères et du vieillissement prématuré de toute nouveauté, cette persistance rétinienne sur les écrans américains tient de la performance. Voire de l’exception culturelle, surtout pour un format qui pratique le second degré à haute dose. La série a enterré des vagues médiatiques entières, comme la première génération de la télé-réalité. Elle a survécu jusqu’ici à Internet, au Tea Party, à Netflix… Une résistance au virus de la déchéance qui valait bien un petit clin d’oeil de notre part. Voilà pourquoi vous verrez des petits hommes jaunes fleurir partout dans ce numéro spécial entièrement « simpsonisé » par l’artiste belge Adrien Noterdaem qui en a fait sa spécialité. Aussi collector que le « Kwyjibo », faux mot de scrabble inventé par Bart.

Un quart de siècle au compteur… Les Simpson auraient-ils trouvé la formule de la longévité cachée au fond d’une Duff?

Si on se détache de Springfield pour embrasser du regard la galaxie cathodique dans son ensemble, à part Le Jardin extraordinaire (1965), Les Guignols de l’info (1988), Thalassa (1975) ou… Des Chiffres et des lettres (1965), les émissions de télé d’avant la révolution numérique se font plutôt rares de nos jours. Et si on élargit encore le spectre, que voit-on? Les acteurs médiatico-culturels qui ont signé un bail longue durée sont soit des super-héros (75 ans pour la Marvel ces jours-ci, lire page 4) soit des figures populaires d’une autre époque tapies dans notre hippocampe, et maintenues en vie sous respirateur artificiel par des disciples zélés, comme Blake & Mortimer ou Spirou (4000e numéro pour la version magazine, lire le Focus de cette semaine), soit encore des (semi-)dieux de l’Antiquité dont l’ombre étend de toute façon son bras jusqu’à la nuit des temps (dernier exemple en date: Exodus de Ridley Scott). Bref, pas grand-monde au final. Le cimetière des recalés du petit écran affiche en permanence complet…

L’humour conserverait-il? Oui, pour autant qu’il soit soluble dans l’air du temps. Comme nous l’expliquent les experts qui se sont penchés sur les vannes de la bande à Matt Groening, la survie des Simpson tient en bonne partie au talent des scénaristes à grossir le trait de l’époque, à pointer sous les gags les tics et les tares de la société américaine, voire à prédire parfois les événements (comme pour le bug de la machine à voter des présidentielles, un effet boule de cristal qui donne un solide coup de polish à la légende). On pourrait en dire de même pour la séquence satirique quotidienne de Canal +, sorte de version off du JT « officiel ».

Pour espérer durer, il faut donc bouger avec son temps ou, au contraire, s’obstiner à ne pas changer une recette qui gagne. Certains concepts, souvent simplistes, titillent des zones archaïques du cerveau. Il suffit alors de les plonger dans le formol et avec un peu de chance, et le secours de la passivité naturelle du téléspectateur lambda, ils traverseront les âges sans prendre une ride (logique, ils les avaient déjà dès le départ…) jusqu’à la disparition du dernier spécimen qui a soupé avec le générique du programme en toile de fond durant toute sa jeunesse. Des Chiffres et des lettres, Question pour un champion ou Le Jardin extraordinaire jouent cette carte vermeil-là.

La longévité de la tribu des peaux jaunes dans un contexte de réassort permanent illustre aussi ce paradigme central de la postmodernité: la contradiction. D’un côté la science, poussée dans le dos par l’individualisme, poursuit sa quête de l’immortalité. De l’autre, les mêmes qui veulent décrocher le ticket pour l’éternité dilapident sans vergogne les ressources naturelles, savonnent gaiement la planche du futur, et cultivent une impatience chronique qui rend l’attente et le vide insupportables. Pris en sandwich entre l’infiniment court ressenti et l’infiniment long fantasmé, l’homme moderne n’arrive plus à trouver le rythme qui lui convient. On devrait peut-être prendre exemple sur Homer: un paquet de donuts, quelques mousses fraîches et une télé suffisent à son bonheur.

Focus Vif spécial Simpson, en vente dès ce jeudi 11/12, avec Le Vif/L’Express.

Focus voit jaune pour les 25 ans des Simpson
© Focus Vif

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