De Goscinny à l’Exorciste: 10 choses à voir à la télé cette semaine

René Goscinny à sa table à dessin en 1956 à Paris. Il pensait initialement devenir dessinateur de bandes dessinées, avant de lâcher ses pinceaux pour se consacrer exclusivement à l'écriture, au milieu des années 50. © Institut René Goscinny
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

En télé, voici les films, documentaires et séries à ne pas rater dans la petite lucarne, du 9 au 13 octobre.

René Goscinny, notre oncle d’Armorique

Documentaire de Guillaume Podrovnik. ***(*)

Dimanche 8 octobre, 17.35, sur Arte

Scénariste d’un cow-boy qui tirait plus vite que son ombre et père d’un petit Gaulois dopé à la potion magique, il est, avec plus de 500 millions d’albums vendus, l’un des écrivains français les plus lus en ce monde. René Goscinny. Un auteur humoristique qui s’en est allé sur un au revoir aux allures de douteuse blague : mort sur un vélo d’appartement, d’une crise cardiaque, en effectuant un test à l’effort chez son cardiologue. Ce grand départ digne des Darwin Awards n’est pas le seul événement improbable qui a rythmé l’existence bien remplie du bonhomme, fils d’un ingénieur chimiste polonais et d’une Russe venue d’une famille d’éditeurs ayant fui les progroms. Documentaire à la fois sérieux, drôle et rythmé, Notre Oncle d’Armorique commence dans une pompe à essence sur une aire d’autoroute. Là où dans le temps, avec ton plein, tu avais aussi le droit à un André Malraux ou à un Lucky Luke… Auteur populaire, le géniteur d’Astérix, du Petit Nicolas et d’Iznogoud a changé le regard sur la bande dessinée, conduit les pages de Pilote dont il a entre autres ouvert les portes aux gens d’Hara-Kiri et créé avec Idéfix les plus grands studios d’animation européens de l’époque. Avec l’aide d’Hugues Dayez, de son traducteur allemand, du directeur de la cinémathèque française ou encore de Jean-Pierre Dionnet, boss de feu Métal Hurlant, Guillaume Podrovnik décortique son oeuvre. Revient sur sa vie de petit gaucho en Argentine. Son passage à New York quand la presse a de l’importance et la BD est à son sommet. Puis aussi sur ses rencontres avec Uderzo, Sempé et Gotlib.

J.B.

Al-Tahaddi: le défi

Documentaire de Yuri Ancarani. ***(*)

Lundi 9 octobre, 00.30, sur Arte.

De Goscinny à l'Exorciste: 10 choses à voir à la télé cette semaine
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« Je préfère la fauconnerie aux courses de chameaux. » L’un conduit à vive allure sa Lamborghini avec un guépard sur le siège passager (quand il ne le promène pas en laisse dans sa suite). L’autre vole avec ses oiseaux en liberté dans son jet privé. Bienvenue dans le monde des propriétaires arabes fortunés… L’homme emmène ses bêtes dans un concours de fauconnerie au Qatar. Ses faucons devront y attraper des pigeons aussi vite que possible. Une pratique importée d’Europe occidentale par les Bédouins. Quasi dépourvu de dialogues mais magnifié par sa musique, Al-Tahaddi suit des hommes du Golfe ultra-connectés et en même temps attachés aux traditions. Les luxueux 4×4 font des dérapages dans les dunes. Une bande de motards s’arrête sur les routes asphaltées pour prier avec son tapis… Ça joue au foot sur la console dans des tentes climatisées. Fait des enchères faramineuses pour une bestiole par téléphone en suivant la vente à la télé… Des paysages poussiéreux, désertiques et rocailleux aux couleurs incroyables, des scènes complètement surréalistes. Un docu surprenant prix spécial du jury en 2017 à Locarno.

J.B.

Annie Hall

Comédie de Woody Allen. Avec Woody Allen, Diane Keaton, Tony Roberts. 1977. ****(*)

Mardi 10 octobre, 21.20, sur La Trois

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Une pluie d’Oscars s’est abattue sur ce bonheur de comédie. Meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario et meilleure actrice, excusez du peu! L’engouement pour Annie Hall n’avait rien d’étonnant, tant ce film épatant marque un des sommets de l’oeuvre prolifique de Woody Allen. Lequel se met lui-même en scène dans la chronique d’un amour à rebondissements, celui d’un comique déprimé, névrosé de première, et d’une jeune femme lumineuse, issue d’un milieu bourgeois et chrétien aux antipodes de celui d’Alvy Singer, qu’interprète Allen. Annie Hall est incarnée par Diane Keaton, inspiratrice à l’écran et grand amour, dans la réalité, du réalisateur-scénariste-acteur. Sur un ton doux-amer, mariant la drôlerie et l’intelligence comme nul autre, ce dernier signe un spectacle aux émotions variées, plein de charme et admirablement mis en lumière par le chef-opérateur Gordon Willis.

L.D.

Chine, à la conquête de l’Ouest

Documentaire de Nicolas Sridi et Pierre Tiessen. ***(*)

Mardi 10 octobre, 22.35, sur Arte

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L’axe du monde. Ainsi affublée, l’antique route de la soie couronnait littéralement celui qui la dominait. La renaissance de cette ceinture économique, interminable réseau routier et ferroviaire qui sillonne la Chine, le Kazakhstan et la Russie en direction de la vieille Europe, est le projet pharaonique et un brin mégalo dévoilé en 2013 par le président chinois Xi Jinping. En ligne de mire, l’objectif de resserrer les liens économiques, approfondir les relations d’entente cordiale et développer le marché intérieur, tangue entre espoir et prudence. Quelle est la stratégie à long terme? Redistribuer les cartes de l’influence sur l’Asie centrale, historiquement inféodée à la Russie, au risque de bousculer l’équilibre géostratégique jusqu’ici entretenu par les deux superpuissances? S’adjuger les terres arables, le pétrole et les grands espaces vides dont elle semble désespérément à cours? Le souffle d’une conquête sourde et implicite attise l’idée d’un nouvel impérialisme basé sur l’expansion économique. À suivre…

M.U.

Bébés sur mesure

Documentaire de Thierry Robert. ***(*)

Mardi 10 octobre,20.50, sur Arte

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Il y a 40 ans, en Angleterre, la science se substituait à la Nature pour concevoir le premier bébé issu d’une fécondation in vitro. C’était l’époque de cette appellation froide de « bébé éprouvette », et beaucoup étaient persuadés qu’enfanter artificiellement ne pouvait qu’engendrer des monstres. Aujourd’hui, c’est devenu un marché couru, soumis à l’offre et à la demande d’enfants supposés parfaits. Le progrès scientifique et ses applications au champs de la fécondité, de l’aide aux parents en détresse à l’eugénisme mercantile, ne sont pas sans poser une série de questions, retracées dans ce documentaire qui se veut didactique et entend détailler toutes les composantes du débat, dans une symétrie toutefois un peu gênante: la détresse des couples infertiles soumis à la pression de la fécondité, les spermatozoïdes in vitro, les marchés du prélèvement et de la vente d’ovules, ou de la gestation pour autrui qui, usinée comme dans cet hôpital indien, révèle les rapports de soumission des plus pauvres envers les plus riches…. Et le nombre de situations complexes qui risque d’exploser. En filigrane, l’enfant considéré comme un prolongement de soi. Et pour couronner l’ensemble, l’idolâtrie envers la technologie qui permet d’assouvir ce besoin délirant de contrôle, de correction, de sélection. Aldous Huxley, reviens! Ils sont devenus fous.

N.B.

L’Exorciste

Film fantastique et d’épouvante de William Friedkin. Avec Elle Burstyn, Linda Blair, Max von Sydow. 1973. ****(*)

Mercredi 11 octobre, 21.20, sur La Trois

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Elle crache de la bile, parle à l’envers, fait tourner sa tête à 360 degrés. Un démon l’habite et fait de sa chambre d’enfant un enfer en réduction. Elle s’appelle Regan et son exorcisme par un tandem de prêtres inquiets, voyant leur foi défiée, est l’objet d’un des films d’horreur les plus marquants des années 1970… William Friedkin a 37 ans quand il réalise l’adaptation du roman best-seller de William Peter Blatty. Son formidable polar French Connection l’a propulsé dans le petit peloton des cinéastes prisés à Hollywood. Le triomphe de L’Exorciste l’y maintiendra un temps, avant que sa carrière n’entre dans des turbulences qu’il raconte avec verve dans son autobiographie désormais disponible au format poche (1). Quatre décennies n’ont en rien affadi l’impact d’un film de possession au suspense haletant et aux images chocs absolument inoubliables.

(1) Friedkin Connection, chez Points.

L.D.

The Last Kingdom, saison 2

Série historique créée par Stephen Butchar. Avec Alexander Dreymon, David Dawson, Tobias Santelman, Emily Cox. ****

Mercredi 11 octobre, 20.35, sur La Deux

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Alors que la saison 7 de Game of Thrones se clôturait dans un final grandguignolesque mélangeant le Seigneur des Anneaux et The Walking Dead, une seule question s’imposait à l’esprit: la saison 2 de The Last Kingdom, elle commence quand, qu’on se console un peu? C’est cette semaine que la fresque historico-épique de la BBC (qui a embarqué Netflix dans la prod) poursuit le récit emballant de la naissance douloureuse du royaume anglais. Cette entité morcelée et secouée par la lutte entre les Danois impies, les chrétiens fanatiques, les Anglo-Saxons pourchassés de partout et les seigneurs de Wessex entreprenants. Sang et sexe accompagnent le destin de Uhtred de Bebbanburg, personnage central et complexe de cette série entre histoire et fiction, qui ne braconne pas dans un imaginaire épique démesuré. S’en tenant à une esthétique héroïque assez sobre, elle ne s’épargne ni scènes de batailles éclatantes de réalisme ni intrigues autant accrocheuses qu’historiquement pertinentes. Un régal pour les yeux et le cerveau.

N.B.

Un monde sans travail

Documentaire de Philippe Borrel. ***(*)

Mercredi 11 octobre, 20.50, sur France 5

« Facebook est le plus grand média des États-Unis et ne produit aucun contenu. Airbnb est la plus grande entreprise hôtelière mais ne possède aucune chambre. Uber est la plus grande entreprise de transport mais ne possède aucun véhicule. Quant à Alibabuy et Amazon, ils sont les plus grands détaillants au monde sans posséder le moindre magasin. » Ces mots sont de Guy Standing, économiste et ancien membre de L’Organisation Internationale du Travail, fondateur du Réseau Mondial pour un Revenu de Base. Pour le meilleur ou pour le pire, le monde et pas seulement celui du travail est en train de se réinventer. Mathilda, une machine, gère le recrutement d’un être humain en analysant la plus infime de ses émotions. Des taxis sans chauffeur roulent déjà à Pittsburgh. Et des convois de camions autonomes ont parcouru en Europe, dans le plus grand secret, plusieurs centaines de kilomètres. Les robots quittent les usines pour mener la quatrième révolution industrielle. Mais si l’avenir est aux machines, qu’adviendra-t-il de l’homme? Travaillera-t-il toujours? Comment répartirons-nous les richesses sachant qu’aujourd’hui prendre le travail de l’humain n’est pas tant le libérer que le pousser dans la précarité. Riche en piste de réflexions, le documentaire de Philippe Borrel rencontre philosophe et sociologue, économiste, syndicaliste ou encore ingénieur informaticien pour questionner notre avenir et celui de nos activités professionnelles.

J.B.

Au nom de l’ordre et la morale

Documentaire de Bruno Joucla et Romain Rosso. ****(*)

Jeudi 12 octobre, 23.20, sur France 3

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Le 11 avril 2013, à Berne, la conseillère fédérale suisse Simonetta Sommaruga demandait publiquement pardon pour « les souffrances infligées aux enfants retirés à leurs parents, victimes de placements forcés ou d’internements administratifs. » Au nom de l’ordre et de la morale raconte sans fards et avec une constante humanité l’histoire d’un secret collectif qui se lézarde. Dans les années 50-60, en Suisse, des dizaines de milliers de personnes -souvent jeunes adultes mais aussi des enfants, y compris en bas âge- ont été honteusement arrachées à leurs familles, incarcérées dans des institutions religieuses ou des prisons sans protection juridique, isolées de tous, alors qu’elles n’avaient commis aucune infraction. Aux yeux de l’État et de la justice, elles représentaient un danger pour la collectivité du simple fait qu’elles provenaient d’un milieu en rupture ou considéré comme immoral. Ces « fainéants », « oisifs », « délinquants » potentiels, sans distinction, étaient considérés comme des risques pour un modèle helvétique pétri de rectitude morale. Au coeur d’un système de délation, d’arbitraire et de contrôle, l’idée assumée que les gens pauvres doivent être dociles et discrets. Leur paresse ou leur ivrognerie, réelle ou supposée, était une raison suffisante pour une dénonciation et un placement incontestable en justice. Willy (la soixantaine aujourd’hui) a été arraché à deux ans à sa mère, divorcée d’un père adultère. Avec ses frères et soeur il a été placé dans une institution religieuse, battu par la mère supérieure, et son frère violé par le curé du coin. On en suit d’autres comme lui alors qu’ils accèdent à leurs dossiers épais, libèrent leur parole et leur vécu devant leurs concitoyens médusés. La Suisse n’a rien à envier à l’Irlande des Magdalene Sisters (film de Peter Mullan en 2002), à l’Allemagne de l’Est des époux Honecker, ou aux régimes qui poussent des enfants soldats vers la mort mais, dans un acte de courage rare, a assumé ses responsabilités. Au sortir de ce film beau à pleurer, une question: qui est le prochain?

N.B.

Comme un air d’Italie

Documentaire de Pascal Forneri. ***

Vendredi 13 octobre, 20.55, sur France 3

De Goscinny à l'Exorciste: 10 choses à voir à la télé cette semaine
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De Paolo Conte à Lucio Dalla, de Pino Daniele à Giorgio Moroder, la musique populaire italienne, décomplexée, souriante et à fleur de peau, a farouchement marqué des générations, toutes entières enclines à s’enivrer de mélodies populaires et limpides. Ce documentaire, qui enquille d’aléatoires images d’archives s’appliquant à accumuler les poncifs de la culture transalpine, revisite en diagonale l’histoire de sa chanson à succès. Cette musica leggera, plus affaire de rythme et de mélodie que de profondeur de texte, renferme pourtant l’art des glorieuses mélopées implacables issues du bel canto. Et si certains succombent aux ballades capiteuses, quelques-uns défient les traditions et les normes comme d’autres l’autorité. La grâce pénétrante de Lucio Battisti, le génie débridé d’Ennio Morricone comme l’irrévérence d’Adriano Celentano (photo) restent inimitables. Vue de France, cette évanescente histoire d’une Italie fantasmée prend des allures de Dolce Vita, dont l’histoire continue manifestement de s’écrire.

M.U.

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