Critique

Bons baisers de la colonie

Dans un style doux et tamisé, Nathalie Borgers remonte le fil de son arbre généalogique, là où les non-dits font encore mal. Touchant.

Mêler petite et grande histoire. Pour parler de soi. Pour parler de la société à travers soi. Le procédé n’a rien d’inhabituel, mais quand il est bien manipulé, il peut donner naissance à de belles réussites. C’est le cas de ce Bons baisers de la colonie, qui nous emmène sur les traces de Suzanne Borgers, tante de la réalisatrice Nathalie Borgers. Leur père et grand-père respectif était un administrateur colonial, au Rwanda. Une époque, les années 20, sur laquelle on n’a pas forcément l’habitude de s’appesantir en Belgique. Sujet tabou, ou en tout cas bien gardé dans les quelques livres d’Histoire dédiés à la question. Suzanne Borgers est une mulâtresse, fruit d’un joli métissage entre une Rwandaise et un colonial, à l’époque où la Belgique avait la mainmise sur ces terres africaines. Sauf qu’en rentrant au pays, le père de Suzanne laisse à quai sa femme noire, offerte par le chef du village, et les 2 garçons qu’elle lui a donné. La petite métisse, par contre, est du voyage. Il la reconnaît, fait rare pour l’époque. Mais le mariage belge du colonial ne laissera pas beaucoup de place à Suzanne, forcée de trouver sa voie dans une famille où on l’accueille bizarrement, et dans une société peu habituée à la diversité des peaux…

Petites touches

Nathalie Borgers conte cette histoire par petites touches, dans des entretiens intimes qu’elle filme avec sa tante. Une tante qu’elle a connue sur le tard (mutisme familial oblige) et qui se révèle un bien intéressant personnage. Nathalie, en parallèle, poursuit l’enquête que Suzanne, bien installée en Belgique, n’a jamais voulu mener. Elle est cette « enfant métisse sauvée d’un destin nègre »… La recherche des racines, l’importance de la filiation, des origines: les thématiques abordées dans le film le sont de manière touchante, délicate, satinée. Et on s’attache à cette vieille dame, endurcie par la vie. A cette vieille dame confrontée à une nièce qui, peut-être plus qu’elle encore, a envie d’en apprendre davantage sur son arbre généalogique. Un joli moment.

Guy Verstraeten

Bons baisers de la colonie, documentaire de Nathalie Borgers. ***

Ce samedi 1er octobre à 21h55 sur La Trois.

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