À la télé cette semaine: Westworld 2, Le Dibbouk, La Gaule d’Antoine…

Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Documentaires, films, séries: voici notre sélection télé pour la semaine du 21 au 27 avril.

ROBERT MITCHUM, LE MAUVAIS GARÇON D’HOLLYWOOD

Documentaire de Stéphane Benhamou. ***(*)

Dimanche 22/4, 22h30, Arte.

À la télé cette semaine: Westworld 2, Le Dibbouk, La Gaule d'Antoine...
© DR

Il a connu les travaux forcés à seize ans pour cause de vagabondage. A pris 60 jours de prison pour consommation de marijuana alors qu’il était déjà une star d’Hollywood. Et a mis une claque dans la gueule d’Otto Preminger qui lui demandait de gifler plus lourdement Jean Simmons sur le tournage d’Angel Face (1952)… Dur à cuir, buveur, bagarreur, Robert Mitchum était en même temps un père aimant amateur de poésie et fidèle à ses valeurs. Le documentaire de Stéphane Benhamou retrace sa double vie et fouille derrière une image de mauvais garçon finalement très éloignée de ce qu’il était vraiment. Suivant le fils de Mitchum dans sa décapotable bleue, ce portrait d’une heure raconte un homme à tout faire du cinéma. Un acteur à la carrure d’athlète révélé par le western et les films de guerre qui détestait le showbiz et n’était pas dupe quant à la médiocrité de sa fin de carrière. Il revient sur sa collaboration avec Howard Hugues, ses relations avec les femmes et ses amitiés avec Marilyn Monroe. La Nuit du chasseur et Les Nerfs à vif… Tout sur Robert. J.B.

LE DIBBOUK

Film fantastique de Michael Waszynski. Avec Lili Liliana, Moyshe Libman, Ajzyk Samberg. 1937. ****(*)

Dimanche 22/4, 00h30, France 3.

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Le réalisateur de ce film extraordinaire, évoquant une entité magique de la mythologie juive, était converti au catholicisme au moment de l’entreprendre. Mais l’oeuvre, puissante et inclassable, n’en reflète pas moins, et profondément, la vie quotidienne et certains questionnements existentiels de sa communauté d’origine. Le dibbouk (ou dybbouk) est un esprit, volontiers démoniaque, qui habite le corps d’un humain et lui reste attaché, pouvant faire l’objet d’un exorcisme. Dans le film de Waszynski, deux habitants d’un shtetl polonais, amis depuis l’enfance, se font la promesse de marier leurs futurs enfants. Mis en garde par un mystérieux messager, ils ignorent son avertissement. Avec des conséquences funestes… Situé au XIXe siècle, le récit se poursuit d’une génération à l’autre, dans un style expressionniste et une atmosphère envoûtante, culminant dans une séquence de mariage aussi hallucinante que visuellement superbe. Le chef-d’oeuvre absolu du cinéma yiddish. L.D.

WESTWORLD

Série créée par Jonathan Nolan et Lisa Joy. Avec Evan Rachel Wood, Thandie Newton, Jeffrey Wright, James Mardsen. ****

Lundi 23/4, 21h00, Be 1.

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Parler de la seconde saison de Westworld, série transhumaniste de HBO dont la premier pan s’était achevé dans un sommet de dramaturgie et de surprise, se rapproche des techniques de distillerie. Comment trier ce qui relève de l’information ou, pour employer l’expression désormais consacrée en français, du spoiler le plus éhonté? Comme sa grande soeur Game of Thrones, mais lui dès ses premiers épisodes, ce remake du film éponyme de Michael Crichton (1973) et de son sequel nébuleux, Futureworld (1976), a fait fonctionner à plein régime la machine spéculative des fans. Les théories qui ont fleuri sur les réseaux sociaux ont atteint un tel point d’acuité parfois, révélant les sursauts (nombreux) de l’intrigue, que Jonathan Nolan et Lisa Joy, les créateurs de Westworld, leur ont adressé un clin d’oeil fabuleux de cocasserie il y a quelques jours: un sneak peak de 22 minutes supposé révéler les grandes tendances de la saison à venir… Mais qui très vite s’interrompt sur un clip de Rick Astley et le plan fixe d’un chien devant un piano (référence à des mèmes prisés d’Internet). Déjouant à la fois les théories des fans et les indices laissés dans leurs propres teasers et bandes-annonces, Nolan et Joy offrent d’entrée une oeuvre qui visuellement surpasse tous les émerveillements de la première saison. Et qui poursuit le questionnement des velléités transhumanistes et technophiles, en nouant et dénouant les temporalités et les symboliques.

Dans le monde fabuleux du parc d’attractions Westworld, la révolte des hôtes androïdes contre les humains a culminé avec la mort de leur créateur Ford (Anthony Hopkins), tué par Dolorès, et la destruction des bureaux de Delos Inc par Maeve (Thandie Newton) et sa clique. La quête du labyrinthe, symbole de la conscience, ce graal des robots, a mené ces derniers aux portes de notre monde. Mais ailleurs, d’autres robots s’apprêtent eux aussi à déterrer la hache -ou le sabre- de guerre contre leurs maîtres. À moins que ce ne soit eux qui, in fine, tirent les ficelles. Si le côté tape-à-l’oeil d’un scénario qui aime un peu trop vanter son intelligence demeure, le casting et la mise en scène assurent un spectacle digne des grands classiques du cinéma. Pariez sur le retour de quelques têtes tenues pour mortes ou mises hors service. Pariez sur des coups de maître dramaturgiques et un véritable casse-tête chronologique à dénouer dès le troisième épisode. Pire encore que ce transhumanisme béat, Westworld questionne ici avec une admirable pertinence la narration, le storytelling, la vérité et la post-vérité, les fake news et autres « alternative facts ». Les thèmes brûlants d’un monde de plus en plus à l’Ouest. N.B.

LA GAULE D’ANTOINE: LES HAUTS-DE-FRANCE

Collection documentaire présentée par Antoine de Caunes. ***(*)

Mardi 24/4, 21h00, Be 1.

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Petit match de foot à Bollaert avec des supporters de foot lensois qui jouent dans une pièce de théâtre, promenades à vélo et mobylette avec des artisans passionnés et rencontre avec l’un des plus grands collectionneurs sur terre de Playmobil (un million de pièces)… Après avoir exploré les plus impressionnantes villes de la planète, Antoine de Caunes visite les peuples de la Gaule. Armé de sa bienveillance, de sa légèreté et de son humour décalé (qui aime toujours jouer gentiment sous la ceinture), l’impertinent animateur sexagénaire trimballe sa carcasse aux quatre coins de France en quête de ses doux cinglés et de leurs incongruités. Dans le premier épisode de La Gaule d’Antoine, de Caunes visitait l’autre Nouvelle Aquitaine. Celle des championnats du monde de tonte de mouton, des musiciens fermiers (The Inspector Cluzo) et des taxidermistes du happening… Il rencontre cette fois le nouveau Steve Jobs, une femme qui parle aux mouettes et des jeunes qui ont plus la banane que Dick Rivers. Foot, frites et fromages. Braderie de l’art et cours de chti… J.B.

MOSSAD: DES AGENTS ISRAÉLIENS PARLENT

Documentaire de Duki Dror. ***(*)

Mardi 24/4, 22h55, Arte.

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Jadis modeste agence de renseignement, il fait pour certains office d’assurance-vie contre un deuxième holocauste. « Le Mossad a été impliqué dans quasi tous les événements des 50 dernières années. Dans presque toutes les guerres, tout ce qui aurait pu arriver et ne s’est jamais produit« , résume celui qui fut son directeur adjoint de 2009 à 2011. Présenté au cours d’une soirée entièrement dédiée aux 70 ans d’Israël, Mossad: des agents israéliens parlent lève le voile sur l’Institut pour les renseignements et les affaires spéciales. Les célèbres et puissants services secrets d’un pays toujours inquiet et menacé. Le documentaire de Duki Dror rencontre d’anciens espions et responsables. Sans jamais trop en dire, mais en en dévoilant tout de même assez pour imaginer l’ampleur de son influence et de ses secrets, ils expliquent comment se déroulent le recrutement et la traque, parlent de la prise d’otages aux JO de Munich, de la tentative d’empoisonnement d’un leader du Hamas, et d’autres secrets plus ou moins bien gardés. Après The Gatekeepers, documentaire de Dror Moreh qui se penchait sur le cas du Shin Bet, le service de sécurité intérieure israélien, et donnait la parole à six de ses anciens chefs (en compétition pour l’Oscar du meilleur docu en 2013), Duki Dror plonge à son tour dans les jeux de dupe. Il soulève les problèmes moraux et éthiques, évoque les pions qu’on sacrifie comme dans une partie d’échecs. Un film limpide et assez didactique qui éclaire le fonctionnement des relations internationales et crédibilise les conspirationnistes. J.B.

LOUISE-MICHEL

Comédie de Gustave Kervern, Benoît Delépine. Avec Yolande Moreau, Bouli Lanners, Benoît Poelvoorde. 2008. ****

Jeudi 26/4, 23h05, TV5.

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Attention! Ceci n’est pas un film biographique consacré à Louise Michel (1830-1905), militante anarchiste, féministe et figure majeure de la Commune de Paris. Si les joyeux libertaires que sont Kervern et Delépine assument évidemment la référence qu’un trait d’union dans le titre ne saurait masquer, c’est d’une femme bien d’aujourd’hui qu’ils filment la trajectoire. Louise (Yolande Moreau) est ouvrière dans une usine de textile dont le propriétaire délocalise et déménage sans prévenir toutes les machines, de nuit… Avec ses copines trahies et mises au chômage comme elle, Louise va avoir l’idée de mettre leurs indemnités de licenciement en commun pour payer… un tueur à gages qui assassinera le patron sans scrupules. Le tueur contacté (joué par Bouli Lanners) se révélera tout à la fois lâche et incompétent, forçant Louise à mettre elle-même la main à la pâte… Primé au festival de Sundance, une comédie sociale culottée, drôle et pertinente, avec un côté très belge dans l’interprétation où brille aussi Benoît Poelvoorde. L.D.

HAMON, FRACTURES DE CAMPAGNE

Documentaire d’Hugues Nancy. ***(*)

Jeudi 26/4, 23h30, France 3.

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Alors que contre toute attente, fin janvier 2017, Benoît Hamon décrochait le fameux sésame pour représenter la gauche aux élections présidentielles, il ne pouvait s’imaginer que, quelques mois plus tard, la sentence serait terrible. Quitte à renier la confiance et les idéaux de leurs partisans et concitoyens, les cadres du parti poignardent celui qui est censé incarner le rassemblement. Le candidat, en nette fracture avec la vieille garde de sa famille politique, se voit infliger la pire défaite des archives de la gauche. Macron et Le Pen atteignent le deuxième tour. Le reste appartient à l’Histoire. Pourtant, un tel effondrement ne peut surgir du fait d’une seule âme. Une social-démocratie mortifère, l’échec cinglant du quinquennat d’Hollande, voilà autant d’écueils que Benoît Hamon n’aura pu esquiver. « J’ai échoué à déjouer le désastre qui s’annonçait depuis plusieurs mois et peut-être depuis plusieurs années« . Mea culpa? De fait, mais pas seulement. Lucide, Hamon évoque les échecs, interroge les choix, soulève trahisons et désillusions. En parallèle avec une immersion au coeur de la campagne, là où, dans l’envers du décor, la caméra capture ce que les micros tendus se voient refuser, l’homme règle ses comptes avec un franc-parler à mille lieues des canons de la politique consensuelle. Rare opportunité s’il en est. M.U.

LES ROUTES DE L’ESCLAVAGE

Série documentaire de Daniel Cattier, Juan Gélas et Fanny Glissant. ****

Vendredi 27/4, 23h00, La Une.

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Peu de programmes ont abordé l’Histoire de l’esclavage, ses motivations, ses acteurs, sa logistique de manière aussi fouillée, pédagogique et méthodique que cette mini-série documentaire en quatre épisodes. Le récit des traites négrières du VIIe au XIXe siècle est celui d’un monde où la violence, la domination et le profit ont régné en maître et dessiné les cartes et les routes de notre modernité. Les premiers noeuds de communication qui ont irrigué le marché des êtres humains d’Afrique menaient à Bagdad. Au XIVe siècle, les incursions plus au sud du continent acheminent les esclaves noirs sur les rives de la Méditerranée, où ils embarquent pour Marseille, Grenade, Venise. C’est alors au tour de l’Europe de devenir un acteur majeur, initiant une activité qui va se généraliser. Avec l’appropriation de ce qui fut appelé « le Nouveau Monde », c’est toute une économie qui fleurit sur la traite des Noirs et qui va se développer dans des proportions jamais vues auparavant: razzias, commerce et transports vont faire de l’Afrique un grand réservoir à esclaves et creuser encore une plaie dont l’impact transgénérationnel est désormais une réalité reconnue. Historiens, archéologues et descendants se relaient pour expliquer, reconstituer, témoigner de l’ampleur méthodique de cette économie de la prédation, à travers un récit étayé, rythmé par des animations stylisées qui mettent brillamment en scène cette tragédie. N.B.

TWIST AND LOUD

Documentaire de Jörg Sonntag. ***

Vendredi 27/4, 23h10, Arte.

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Twist and Loud commence et se termine au même endroit: dans un conservatoire public de musique populaire, la Popakademie Baden-Württemberg. Drôle d’idée pour retracer les débuts retentissants du rock, ce gamin impertinent et rebelle, que de se promener dans une institution à la rencontre d’étudiants en musicologie. Ce n’est pas le seul défaut de ce docu qu’Arte aurait pour le coup dû laisser en terres germanophones. Ici, des Allemands racontent Radio Caroline. On se souvient de l’apparition de Beatclub sur la télé teutonne et on rend visite à un agriculteur qui a transformé sa grange en musée d’amplis Marshall. Dave Davies a beau raconter comment a été créé le riff de You Really Got Me, et Ozzy Osbourne, Ian Gillan et Jimmy Page y aller de leur petite intervention… Faut pas s’étonner, avec des docus aussi passe-partout, plan-plan et peu assumé, que les gamins préfèrent aller mater des vidéos de Damso et de Roméo Elvis sur YouTube… J.B.

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