À la télé cette semaine: Groland le zapoï, Guet-apens, Wild Wild Country…

Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Films, séries, documentaires, émission humoristique… Voici notre sélection télé pour la semaine du 14 au 20 avril.

GROLAND LE ZAPOÏ

Émission humoristique.

Samedi 14/4, 20h30, BE1

À la télé cette semaine: Groland le zapoï, Guet-apens, Wild Wild Country...
© DR

Deuil national au Groland. Le 30 mars, à l’âge de 64 ans, Christophe Salengro cassait sa pipe. Emporté avec ses oreilles décollées et son gros pif par une maladie contre laquelle il luttait depuis plus de deux ans. Jadis star d’une agence spécialisée dans les corps et visages atypiques, Salengro est dans une première vie l’un des principaux danseurs de la compagnie contemporaine DCA (pour Diversité, Camaraderie, Agilité) fondée par Philippe Decouflé, qui veut faire exploser les cadres et les codes. Il exerce ses talents dans les clips des Garçons Bouchers (Carnivore) et des Fine Young Cannibals (She Drives Me Crazy), incarne Roger dans celui du Jerk de Thierry Hazard avant d’embrasser le drôle de destin politique grolandais qu’on lui connaît. Le président auto-élu démocratiquement à vie s’en est donc allé. Et ironie du sort, tandis que Groland fête ses 25 ans d’existence. Si Le Zapoï, qui dézappe les programmes télé depuis un an et demi, de ce samedi aura des allures de funérailles et si la présipauté date de 13 000 ans « comme le prouvent les premiers ossements de majorettes ivres découverts récemment en forêt de Groville« , l’émission (prolongée en France par le Top 25 GRD présenté par Pierre Bellemare et la diffusion du Gros Métrage) sera l’occasion de fêter indignement le quart de siècle du Groland. Vingt-cinq ans d’humour ras-du-slip, d’absurdités ravageuses, de déconne jouissive. Vingt-cinq piges de télé punk, d’irrévérence décapante et de subversion cinglée. Créé par Jules-Édouard Moustic et son équipe de joyeux fêlés, derniers survivants ou presque de l’humour Canal, Groland a fait son apparition en 1993. Pensé comme un monde imaginaire, une fenêtre de contre-pouvoir dirigée par « un homme à la stature présidentielle telle qu’on n’en avait plus vue depuis De Gaulle » (dixit Benoît Delépine alias Michael Kael), le Groland est rapidement devenu une véritable et décapante institution. « Un jour où je devais rendre visite à mes parents en Picardie, des mecs ont arrêté le TGV exprès en pleine campagne, nous confiait un jour Delépine. Le type me laisse descendre et me dit: « Salutation à notre président. Et ne vous inquiétez pas pour moi. Là-haut, les patrons comme les syndicats sont d’accord. » » Poing tendu et doigt d’honneur… Tout Groland. J.B

P’TIT QUINQUIN

Minisérie créée par Bruno Dumont. Avec Alane Delhaye, Lucy Caron, Bernard Pruvost, Philippe Jore, Philippe Peuvion, Céline Sauvage. ****

Samedi 14/4, 23h10, TV5

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Minisérie policière au ton parodique et loufoque signée Bruno Dumont, P’tit Quinquin avait pris tout le monde par surprise en 2014, lors de sa première diffusion sur Arte. Le réalisateur de L’Humanité (Grand Prix du Jury à Cannes en 1999) ne nous avait jamais franchement habitués, il est vrai, à un style rigolard. « C’est du Zola, mon commandant« , lâche le lieutenant Carpentier à son supérieur, le commandant Van der Weyden, devant le cadavre d’une vache gisant dans un bunker et renfermant des restes de femme dans ses entrailles. Assistant à la scène avec ses copains, P’tit Quinquin, tête trop ronde flanquée d’un sonotone, cheveux d’une blondeur de blé, nez en patate, visage traversé d’un bec-de-lièvre, sera aux premières loges durant les quatre épisodes de cette enquête menée avec perte et fracas par le duo de flics le plus improbable de l’Histoire de la télé. Qui est cet étrange meurtrier qui s’est donné pour mission de faire le tri parmi les damnés du règne animal? Bruno Dumont filme toujours avec amour et tendresse ces gueules déboulonnées du Boulonnais (tous comédiens non professionnels, tous des têtes de coupables). Un exercice de style réussi, d’une drôlerie qui emporte flics, racistes, puissants, religions dans un même rire de mouette, et flanque quelques coups de coude aux travers d’un monde si mal sous tous rapports. N.B

LES DIX DERNIERS JOURS DE MARINE LE PEN

Documentaire de Yannick Adam de Villiers et Bruce Toussaint. ***(*)

Dimanche 15/4, 20h50, France 5

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« Elle pensait qu’elle allait le dévorer et quand elle a compris que ce ne serait pas le cas, c’est devenu du suicide en direct« , résume Alain Duhamel. C’était un grand moment de télévision. Tellement grand que pour beaucoup Marine Le Pen y aurait définitivement perdu les dernières élections présidentielles. Elle avait été prévenue d’éviter le terrain trop technique. Lors de son débat télévisé face à Emmanuel Macron trois jours avant le scrutin, la fille de Jean-Marie s’écroule. Sombre en direct devant 16 millions de téléspectateurs, ridiculisée par son adversaire. Étayé par une ribambelle d’invités (son paternel, Philippot, Bay, Mégret, le porte-parole du FN, des journalistes et éditorialistes), le documentaire de Yannick Adam de Villiers et Bruce Toussaint raconte les dix derniers jours de la campagne tout en brossant le portrait du pitbull pour mieux expliquer sa place sur l’échiquier politique et sa volonté de dédiabolisation du Front national. Un docu instructif qui invite à se plonger dans cette infecte famille aux idées pestilentielles rongeant depuis plus d’un demi-siècle la politique française… J.B

GUET-APENS

Film policier de Sam Peckinpah. Avec Steve McQueen, Ali MacGraw, Al Lettieri. 1972. ****(*)

Dimanche 15/4, 20h55, Arte

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Le style percutant du grand Sam Peckinpah fait merveille dans ce classique du polar et plus particulièrement du film de « casse ». Un détenu y est piégé par un truand qui lui propose de le libérer en échange de la perpétration d’un hold-up, à la suite duquel le caïd entend l’éliminer. Steve McQueen, alors au sommet de son charisme et de sa popularité, crève l’écran aux côtés d’une Ali McGraw qui affiche elle aussi une grande présence. Derrière la caméra, Peckinpah filme juste et fort, ne lâchant pas le spectateur une seule seconde. Le scénario, adapté d’un roman de Jim Thompson par Walter Hill (futur réalisateur des Guerriers de la nuit et de 48 heures), était déjà remarquable. La mise en scène le transcende et l’électrise. Un sommet du cinéma de genre des seventies. L.D

LE DOSSIER ODESSA

Thriller de Ronald Neame. Avec Jon Voight, Maximilian Schell, Maria Schell. 1974. ***(*)

Lundi 16/4, 20h50, Arte

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Solide adaptation du best-seller de Frederick Forsyth, c’est une des premières évocations à l’écran du thème de la recherche des anciens nazis ayant échappé à tout procès. Nous suivons un jeune journaliste (Jon Voight, révélé par Macadam Cowboy et passé par Délivrance), à la recherche d’un scoop pour lancer sa carrière et qui tombe un peu par hasard sur le journal d’un vieil homme décédé, un Juif rescapé des camps de la mort, et qui évoque un officier SS exfiltré par une organisation secrète appelée ODESSA (acronyme pour Organisation der ehemaligen SS-Angehören – Organisation des anciens Membres de la SS)… Comment le reporter remontera la piste menant au sinistre Eduard Roschmann, au coeur même de l’Allemagne contemporaine, le film le narre de prenante manière. L’excellent Maximilian Schell y compose un personnage de nazi plus vrai que nature. L.D

CONGO PARADISO

Documentaire de Benjamin Géminel et Tristan Thil. ***(*)

Lundi 16/4, 21h10, La Trois

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Dans les années 80, déjà, reportages et documentaires alertaient le monde sur la réalité monstrueuse des enfants soldats des continents africains, latino-américains et asiatiques. Congo Paradiso nous montre combien cette réalité est toujours d’une cruelle actualité. Au Congo, des enfants traumatisés, embrigadés et conditionnés pillent, tuent, violent sous le regard et les vivats de leurs supérieurs. Ils font ça comme des grands, la guerre. Comme des hommes. Ils sont au coeur d’un des plus dramatiques conflits contemporains, un des plus tus aussi. Benjamain Géminel capte avec distance les traces d’innocence qu’il reste à ces gamins qui ont déjà eu tant de raisons de la perdre. Frédérique Lecomte, metteuse en scène belge, déploie pour eux des ateliers où le jeu tente de les extraire de leur condition. Avec des armes en bois, ils y rejouent les atrocités dont ils ont été les acteurs… et le rire déjoue les angoisses, les traumas. La prof les lance dans des impros après avoir fait ce que sans doute personne n’a fait avant elle: les écouter. Longuement. Accueillir leurs histoires et leurs propositions. De la matière brute des souvenirs d’embrigadement, de crimes, du deuil d’êtres aimés émergent des récits de délivrance, une catharsis qui permet à à l’enfance de se débattre pour revenir, progressivement, se réconcilier avec eux. N.B

LA MÉDITERRANÉE VA-T-ELLE PASSER L’ÉTÉ?

Documentaire d’Alexis Marant. ****

Mardi 17/4, 20h50, Arte

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C’est la première destination touristique au monde et d’ici 2030, 200 millions de visiteurs supplémentaires sont censés s’y arrêter. Pression démographique, tourisme de masse, pollution… La Méditerranée est soumise à rude épreuve et l’homme, ce bourreau, ne semble pas décidé à s’arrêter en si mauvais chemin. Au point qu’elle risque de devenir la plus grande mer morte au monde. Aucune autorité ne pilote son organisation spatiale. Aucune n’a non plus la responsabilité de la protéger. Fameusement documenté, ce film d’Alexis Marant rencontre des pêcheurs, parle de sardines qui ont perdu 30 % de leur taille et vivent cinq fois mois longtemps qu’avant. Il filme ces maléfiques paquebots, parcs d’attractions flottants toujours plus grands, que les États riverains essaient par tous les moyens d’attirer. Et détaille longuement nos méfaits sur la santé de la Méditerranée. De la Grèce au Liban en passant par Majorque, la Tunisie et le Monténégro. Surexploitation, lobbying et corruption… J.B

LE MUSÉE NOIR

Documentaire d’Oliver Hardt. ***

Mercredi 18/4, 22h50, Arte

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Imaginé dès la fin de la guerre de Sécession, le projet d’un lieu rendant hommage au rôle des Afro-Américains dans l’Histoire des État-Unis a traîné pendant plus d’un siècle, rejeté comme une patate chaude d’une législature à l’autre, d’un président à l’autre. Finalement inauguré par Barack Obama en 2016, le Musée national de l’Histoire et de la culture afro-américaines a vu affluer le même jour des dizaines de milliers de visiteurs vers le coeur de Washington. Là où a été érigé ce vaisseau de bronze conçu par l’architecte ghanéen David Adjaye. Consciencieusement mais sans relief, Oliver Hardt donne la parole aux acteurs de ce lieu -historiens, activistes, membres du personnel- dont l’ADN est une claque monumentale: 45 000 objets (la cale d’un navire négrier, le cercueil d’Emmet Till, ado du Mississippi lynché en 1955…) montrent, de l’esclavage aux droits civils, de la ségrégation aux réalisations culturelles, scientifiques, politiques des Afro-Américains, que lorsqu’un pays veut faire son autocritique post-coloniale, il peut y mettre les fonds et les formes. N.B

SERBIE: LES MILICIENS DU CRIME

Documentaire de Jérôme Pierrat. ***

Jeudi 19/4, 22h55, La Une

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Depuis 20 ans, revendique-t-il, il enquête sur les réseaux criminels. Il a retracé la route du shit au Maroc, a suivi des gangsters à Marseille, des bandits à Paris. Cette fois, Jérôme Pierrat se penche sur leur point commun: les armes. Les armes et surtout leur provenance: la Serbie. Se posant avant tout une grande question: comment un petit pays de seulement 7 millions d’habitants est-il parvenu à s’imposer sur la scène criminelle européenne? Pierrat, omniprésent, rencontre des fournisseurs d’armes, va voir un match de foot à haut risque (Étoile Rouge – Partizan) avec une bande de vikings mafieux… Du côté de Belgrade, l’équation est simple: football, politique et criminalité sont intimement liés. Depuis Milosevic, les supporters ont toujours défendu le pouvoir en place. L’État, lui, va jusqu’à se mêler de justice quand il s’agit de réduire les condamnations. Un docu un peu trop sensationnaliste, certes, mais plus qu’effrayant pour un pays candidat à l’entrée dans l’Union européenne. J.B

UNE TERRE DEUX FOIS PROMISE

Documentaire de William Karel et Blanche Finger. ***(*)

Vendredi 20/4, 22h50, La Une

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« Et c’est le début d’un aveuglement politique de plus en plus profond. » L’historien israélien Élie Barnavi résume, 70 ans après la création de l’État hébreu sur l’ancien mandat britannique en Palestine, le dialogue de sourds et de sang qui fait rengaine au Moyen-Orient. Blanche Finger et William Karel tentent d’en saisir les noeuds coulants et les ramifications complexes et anciennes en retraçant la genèse de cette « guerre sans fin »: Theodor Herzl et L’État des Juifs, la responsabilité anglaise, le trauma de la Shoah et d’un antisémitisme séculaire, le rêve de Ben Gourion, la Palestine saisie et cueillie à froid. Divisé en deux parties, le documentaire nécessite une attention particulière car, comme toujours, la qualité se loge dans les détails. Les archives visuelles sont exceptionnelles et les interventions d’universitaires israéliens et palestiniens, riches de nuances ou péremptoires, enflammées ou autocritiques, permettent de mieux cerner les enjeux d’un conflit long et infectieux, et d’entrevoir l’absolue nécessité de sa résolution. N.B

WILD WILD COUNTRY

Une série documentaire Netflix créée par Chapman et Maclain Way. Six épisodes. ****

Disponible sur Netflix

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Wild Wild Country prend pour charpente les témoignages des survivants qui se sont disputé leur version de la Terre Promise: des anciens Rajneeshee dont Sheela, chargée d’incarner jusqu’aux frontières de la légalité la volonté de Bhagwan -mutique gourou aux 91 Rolls Royce, qui se retournera contre elle-, la dernière poignée d’habitants d’Antelope, les procureurs et sénateurs proches du dossier. Tous les points de vue sont développés et les réalisateurs ne semblent jamais prendre position. Au long des six épisodes de ce format original et échevelé, critiques et croyances sont sans cesse challengées par les stupéfiantes vidéos issues des archives provenant de la télé ou de la communauté (scènes du quotidien, de méditation, de fêtes, d’orgies…) « Doit-on laisser des individus de cette trempe s’installer quelque part et détruire la coutume locale?« , se demande sans honte ni une once de mémoire historique la maire d’Antelope, Margaret Hill. Entre aveuglement dogmatique et peur de disparaître, la question s’est posée, dans un écho strident à l’Histoire sur ces plaines de l’Oregon, et se pose encore aujourd’hui, dans un étrange silence, à la Silicon Valley, où règnent d’autres gourous, plus dans l’air du temps. N.B

RICKY GERVAIS: HUMANITY

Écrit et interprété par Ricky Gervais. 1h19. ***(*)

Disponible sur Netflix

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Ricky Gervais a de la suite dans les idées: après Animals, Politics, Fame et Science, le créateur des hilarantes séries britanniques The Office, Extras et Life’s Too Short revient avec Humanity, cinquième spectacle de stand-up à l’intitulé académique enregistré durant sa résidence à l’Eventim Apollo de Londres l’an dernier et depuis peu disponible sur Netflix. Empêcheur de penser en rond notoire, l’humoriste au sourire carnassier y dézingue à tout-va les particules viciées de l’air du temps. Certes, on pourra toujours chicaner sur quelques blagues assez téléphonées sur sa propre personne, et éventuellement lui reprocher de faire jouer un peu facilement la corde sensible quand il évoque la maltraitance des animaux, l’une de ses obsessions. Mais Gervais excelle surtout ici dans l’exercice qu’il affectionne par-dessus tout: régler ses comptes. Sa cible principale? L’indignation en carton des cadors des réseaux sociaux. À partir de la fameuse polémique consécutive à sa vanne soi-disant transphobe sur Caitlyn Jenner aux Golden Globes en 2016, il déconstruit le moralisme rance de l’époque et double sa critique mordante d’une réflexion sur l’humour même. Revendiquant haut et fort son droit inaliénable à se foutre de tout, Gervais, survolté, remet les ayatollahs de la bien-pensance à leur place. Y a pas à dire, ça fait du bien par où ça passe. N.C

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