À la télé cette semaine: Dallas Buyers Club, Billions, Byzantium…

Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Films, séries, documentaires… Notre sélection pour la semaine du 2 au 8 juin.

BILLIONS, SAISON 3

Série créée par Brian Koppelman, David Levien et Andrew Ross Sorkin. Avec Paul Giamatti, Damian Lewis, Maggie Siff, Malin Åkerman, Asia Kate Dillon. ***(*)

Samedi 2/6, 20h30, Be Series.

À la télé cette semaine: Dallas Buyers Club, Billions, Byzantium...
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Lancée sur des ressorts narratifs presque aussi caricaturaux qu’un tweet de Donald Trump, la série Billions, qui met aux prises le procureur de New York Chuck Rhoades (Paul Giamatti) et le playboy du hedge fund Axe Capital Bobby Axelrod (Damian Lewis), voulait faire de l’affrontement entre ces personnages égotiques et archétypaux l’ossature d’une fable nerveuse et aigre sur la financiarisation de l’économie. En renonçant à faire dans l’édifiant, les créateurs se sont recentrés en saison deux sur les relations entre ce duo et leur entourage, des dialogues ciselés et -hourrah!-, le vinaigre s’est mué en vitriol. La cible -Wall Street et ses dérives- est bien calée dans le viseur de la saison trois, qui montre sa modernité en plaçant au coeur de son intrigue un personnage à la sexualité non-binaire (non défini par le genre et le sexe), en la personne de Taylor (Asia Kate Dillon), stagiaire d’Axe Capital qui a gravi les échelons jusqu’à être couronnée par un job -et un rôle- à plein temps. En sortant du duel hormoné pour décrire le fonctionnement de l’économie financière et de ses dérives, les relations professionnelles ou politiques perverses et incestueuses de ses protagonistes, en donnant toute leur place à des rôles féminins (Maggie Siff, Malin Åkerman) qui ne s’en laissent pas conter, Billions et devenue enfin digne d’intérêt. N.B.

VIDEO GAME MUSIC

Documentaire de Michael Wende. ***(*)

Dimanche 3/6, 18h30, Arte.

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Dans le temps, il n’arrivait à trouver du boulot que sur des films pornos. Aujourd’hui, il est considéré comme le John Williams d’une musique un peu particulière qu’il a élevée au rang d’art: celle de jeux vidéo. Le compositeur Nobuo Uematsu, qui a créé les thèmes de Final Fantasy 1 sur la première console 8-bit de Nintendo, est désormais joué par des orchestres classiques dans des salles prestigieuses, loin des Luna Park défraîchis de la mer du Nord. Particulièrement élaborée, la musique de jeux scénarisés ressemble souvent à de véritables bandes originales (celle de Final Fantasy 6 dure 40 heures) et est d’ailleurs devenue un créneau à exploiter pour les firmes du secteur. Rythmé par de longs extraits de concerts qui transmettent toute la force évocatrice de son oeuvre et par les interviews de gamers, de pianistes, de scientifiques, le documentaire de Michael Wende plonge dans un monde méconnu et raconte une musique grandiose faite de sons pourtant si simples. La success-story d’un art sonore populaire et snobé, maintenant passé à la postérité. J.B.

LA TRAVERSÉE

Documentaire de Romain Goupil. **(*)

Dimanche 3/6, 23h30, France 5.

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Égérie éternelle de Mai 68, Daniel Cohn-Bendit n’a obtenu le droit de vote en France qu’à la veille de l’élection présidentielle de 2017. Passé de l’insolence anarcho-gauchiste à l’écologie puis au soutien enfiévré à Emmanuel Macron, « Dany le Rouge » est filmé en ce printemps 2017 par Romain Goupil, lui aussi ancien de mai devenu farouche va-t-en-guerre pro-Bush au début du siècle. Ils sillonnent la France, Cohn-Bendit filmé par Goupil, lui-même filmé par un caméraman. Le but: comprendre ce pays qui décline, se plaint, se délite. Le décalage est sidérant entre eux et les populations dont ils semblent tout ignorer mais dont ils tentent, pour éviter la honte, d’écouter les doléances et les espoirs. Dany est alors comme Martine: Dany parle aux musulmans, Dany et la transition écologique, Dany va sur le chantier… Dany pleure de joie lors de l’élection de Macron. Et c’est à ce moment-là précis que La Traversée nous force involontairement à nous demander: qu’est-ce qui a bien pu foirer pour qu’on en arrive à ça? N.B.

LE MONDE PERDU

Film fantastique de Harry O. Hoyt. Avec Wallace Beery, Bessie Love, Lloyd Hugues. 1925. ****(*)

Lundi 4/6, 00h55, Arte.

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À l’heure où le nouveau Jurassic World déboule en fanfare dans les salles de cinéma, quelle belle idée que de programmer son lointain ancêtre Le Monde perdu. En version restaurée qui plus est! Première adaptation au grand écran du roman éponyme d’Arthur Conan Doyle (par ailleurs créateur de Sherlock Holmes), ce film « muet » du milieu des années 1920 a pour principal atout la contribution décisive du génie des effets spéciaux Willis O’Brien. Lequel crée des dinosaures plus impressionnants les uns que les autres, dans un récit où des explorateurs découvrent dans la jungle amazonienne une vallée inconnue où la vie se déroule, inchangée, comme à l’époque des premiers âges de la Terre. Avec trois fois rien, des éléments de décor peints sur verre (matte paintings) et des poupées-dinos filmées en animation image par image, O’Brien offre un spectacle épatant, inédit pour son temps. Il fera quelques années plus tard merveille dans ce chef-d’oeuvre absolu qu’est le King Kong de 1933. Face aux monstres reptiliens du surdoué Willis, une autre force de la nature se pose en évidence: Wallace Beery, ex-fermier et policier devenu comédien prolifique et affichant un physique impressionnant. Beery aimait jouer les durs, sinon carrément les méchants. Il remporta l’Oscar du meilleur acteur en 1932 pour son rôle de boxeur déchu, remontant sur le ring par amour pour son fils dans Le Champion de King Vidor. L.D.

LES ENFANTS DU 209, RUE SAINT-MAUR

Documentaire de Ruth Zylberman. ****

Mardi 5/6, 22h20, Arte.

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« Je croyais que j’avais oublié, mais j’ai pas oublié… » La voix de Berthe Rolider, compressée et filtrée par Skype, émane depuis Melbourne, en Australie, pour évoquer la vie au 209, rue Saint-Maur, à Paris, durant la Seconde guerre mondiale. Dans ce grand immeuble du Xe arrondissement, les habitants juifs, communistes, résistants, quidams ont vu leur vie éclater, s’éparpiller aux quatre vents au rythme des rafles, des caches, des fuites et des multiples drames provoqués par l’Occupation nazie et le régime de Vichy. Pour certains la vie a prévalu, reconstruite sur des non-dits, une mémoire vive ou percellaire. Avant les rafles de 1942, à quoi ressemblait la vie au 209, rue Saint Maur? Il a fallu plusieurs années à Ruth Zylberman, à force d’enquête, de recherches dans les archives, de rencontres, pour retrouver les anciens locataires (chassés, déportés, réfugiés, exilés), à Paris, en France, aux États-Unis, en Israël, en Australie… Et reconstituer cette constellation de plusieurs dizaines de familles. Si les premières minutes du documentaire plongent dans une étrange atmosphère de nostalgie presque anecdotique avec ses plans et maquettes évoquant des maisons de poupée, garnis de post-it où figurent les noms de familles, ses appartements reconstitués, ce que racontent les témoins fait mouche. Ruth Zylberstein y adosse très intelligemment un document officiel, une photo, une liste de noms, une lettre, un registre, qui font le lien, précisent ou corrigent la mémoire: les Diamant, les Baum, les Osman, les Goldszstajn chassés d’Allemagne ou d’Europe centrale parce que juifs, le recensement de 1936, l’arrivée des Allemands, la nazification, l’étoile jaune, les pièges, les dénonciations, la rafle de 1942. René, 19 mois, a été ce jour-là jeté in extremis dans les bras de Miquette, la petite-fille de la gardienne d’immeuble. Âgé de cinq anq, Henry Osman a été confié à une organisation clandestine. Aux États-Unis où il vit, il peine à réaliser d’où il a réchappé, ses racines, ses parents, ce passé dont il a été arraché. Ici, à la manière d’un puzzle, se reconstitue le « souvenir de la mémoire » comme le dit dans un lapsus Jeanine Dinanceau, dont le père a caché une famille juive voisine jusqu’à la libération, au nez et à la barbe de son propre fils collabo. Revenue à la surface, la mémoire gonfle les sanglots comme de grosses bulles et dessine l’image de l’avant, projetée sur la façade dans une belle allégorie de la créativité et de l’imaginaire venus combler les trous et les fissures du temps, en renfort de la rigueur historique. Une dernière séquence bouleversante prouve que ce long travail documentaire et mémoriel recrée du lien au présent, et donne tout son sens à la rencontre du récit intime et de l’Histoire collective. N.B.

DALLAS BUYERS CLUB

Drame biographique de Jean-Marc Vallée. Avec Matthew McConaughey, Jennifer Garner, Jared Leto. 2013. ****

Mercredi 6/6, 20h55, Arte.

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À Dallas, au milieu des années 1980, un cow-boy à la vie agitée (sexe, drogue et rodéo) apprend avec horreur qu’il est atteint du SIDA. Voyant ses jours comptés, révolté par le manque de réactivité du monde médical, il a recours à des traitements alternatifs. Bientôt, avec d’autres séropositifs, il va créer le Dallas Buyers Club, groupement défiant laboratoires et pouvoirs publics pour se procurer des médicaments moins toxiques de manière non-officielle… Adapté d’une histoire vraie, celle de Ron Woodroof, le film du Québécois Jean-Marc Vallée (C.R.A.Z.Y. et la série télévisée Big Little Lies) touche avec beaucoup de justesse un sujet délicat. Matthew McConaughey s’y montre formidable. Rarement Oscar du meilleur acteur aura été plus mérité que celui qu’il obtint en mars 2014 (battant notamment Leonardo Di Caprio pour Le Loup de Wall Street). L.D.

KABOUL, LES GUERRIERS DE L’ART

Documentaire de Niklas Schenck, Lukas Augustin et Ronja von Wurmb-Seibel. ****

Mercredi 6/6, 22h50, Arte.

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Le 11 décembre 2014, la troupe Azdar joue au Centre culturel français de Kaboul. Sa pièce, Heart Beat, parle d’attentat, de battements de coeur, de l’angoisse permanente dans laquelle vit la population afghane… Ce jour-là, une explosion retentit dans la salle pendant la représentation. Le public croit d’abord qu’elle fait partie du spectacle. L’odeur de brûlé et le sang rappellent vite la tragique réalité. Un kamikaze s’est fait sauter. Bilan: deux morts et de nombreux blessés. « Il y a ceux qui comprennent vraiment ce que peut apporter le théâtre et d’autres qui préfèrent nous tuer », dit l’un. « Se produire sur scène est une révolution, ici. Ça signifie qu’on s’expose. Qu’on se montre », commente l’autre. Dans un pays qui a justement « besoin de l’art pour apaiser sa douleur », le théâtre, la musique, la danse et le chant sont jugés diaboliques par les Talibans. D’une force incroyable, le documentaire de Niklas Schenck, Lukas Augustin et Ronja von Wurmb-Seibel retrace les événements et raconte leur suite. Le combat d’hommes et de femmes qui ont décidé de lutter contre l’obscurantisme avec pour seule arme cette chose si puissante qu’on appelle la culture… Autour des images du drame filmées par un spectateur, se succèdent de nombreux témoignages. Ils étaient assis près du terroriste, lui ont vendu son ticket, ont aujourd’hui peur de donner cours de piano et de croiser des barbus enturbannés dans le bus. Ils continuent pourtant de résister malgré le danger et les menaces. Une ode à la vie et au courage artistique. J.B.

BYZANTIUM

Film fantastique de Neil Jordan. Avec Saoirse Ronan, Gemma Arterton, Caleb Landry Jones. 2013. ***(*)

Jeudi 7/6, 22h20, La Trois.

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Peu vu à sa sortie voici 5 ans, Byzantium vaut pourtant le détour, tant est personnel et fascinant ce film de vampires au féminin signé Neil Jordan. Le réalisateur du très fameux et très séduisant Entretien avec un vampire, avec Tom Cruise (et adapté du roman d’Anne Rice en 1994), met ici en scène deux jeunes femmes mystérieuses, surgissant de nulle part dans une petite ville de la côte britannique. Accueillies dans une pension de famille déserte, le Byzantium du titre, elles ne pourront masquer bien longtemps leur redoutable secret: Eleanor et Clara sont nées voici plus de deux siècles et le sang humain est leur unique aliment… Jordan mène son récit avec sensualité, ménageant de délicieux frissons auxquels ne sont évidemment pas étrangères deux actrices au talent exceptionnel: Gemma Arterton (Tamara Drewe, Quantum of Solace, Song for Marion) et Saoirse Ronan (Ladybird, Brooklyn, Reviens-moi). L.D.

REGGAE BOYZ: LE RÊVE JAMAÏCAIN DE COUPE DU MONDE

Documentaire de Till Schauder.

Vendredi 8/6, 23h15, Arte.

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Bob Marley aurait été fier. En 1998, l’équipe nationale jamaïcaine disputait en France la première Coupe du monde de football de son histoire. Remportant même face au Japon sa première victoire. Les Reggae Boyz comme on les surnomme sont ensuite allés de galère en galère avant d’atteindre en 2015 et 2017 la finale de la Gold Cup, l’équivalent nord-américain de l’Euro. Le réalisateur Till Schauder, qui s’était déjà penché en 2012 sur le cas d’un basketteur professionnel ricain évoluant en Super League iranienne (The Iran Job), a suivi de près les qualifications de ces Rastas Rockets du ballon rond pour le mondial russe. On y croisera Winfried Schäfer, alors son entraîneur, l’attaquant Jermaine Tuffy Anderson, ouvrier dans la métallurgie, ou encore Bunny, le fondateur des Wailers, toujours prêt à disserter sur les liens entre le foot et le reggae. J.B.

13 REASONS WHY (SAISON 2)

Une série Netflix créée par Brian Yorkey. Avec Dylan Minnette, Christian Navarro, Jake Weber, Brenda Strong.

Disponible sur Netflix.

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Il fallait une sacrée bonne idée à Brian Yorkey, créateur de cette série phénomène de 2017 adaptée d’un roman de Jay Asher, pour en répliquer le séisme. Cinq mois ont passé depuis le suicide d’Hannah Baker et au lycée de Crestmont, les violences psychiques et physiques, brimades, harcèlements et stigmatisation sont toujours le lot quotidien des ados. Rien de mieux qu’une scène de viol ultra violente pour changer le regard sur un bourreau subitement devenu victime? La séquence a fait grand bruit et divisé. Le cahier des charges est partiellement rempli, mais pour la description subtile des émotions et des tourments adolescents, on repassera. La présence à la réalisation de Gregg Araki et sa mise en scène sensible sauve un peu le tout du drame grotesque. N.B.

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