Critique

À la télé ce vendredi soir: Les Géants

Les Géants © DR
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

Troisième long métrage de Bouli Lanners, Les Géants relate l’équipée de 3 ados livrés à eux-mêmes, un voyage initiatique inscrit dans un cadre fantasmatique ouvrant sur le conte.

Ils sont 2 frères, Zak et Seth, à glander dans une voiture dépareillée, en ce qui s’annonce comme une nouvelle journée de vacances suintant l’ennui. Voire, toutefois: quelques embardées plus loin, la paire avise un compagnon de désoeuvrement, Dany, jeune ado lui aussi, trahi par sa mobylette. Duo devenu trio, laissés entièrement livrés à eux-mêmes, les voilà qui embarquent pour une curieuse équipée dans une nature tour à tour hostile ou complice; un monde comme à la lisière de celui des adultes, qui va servir de cadre à l’aventure, insolite, de leur vie, entre rencontres improbables, galères à répétition et débrouille solidaire.

C’est à la fois l’un des charmes et l’une des singularités du cinéma de Bouli Lanners, de s’attacher à un argument minimaliste pour dispenser un regard pénétrant sur le monde. Après Ultranova et Eldorado, il n’en va pas autrement des Géants, film écrit à hauteur de pré-ado, qui va envoyer ses héros aux marges de la société, en même temps qu’il leur ouvre bien grandes les portes de l’univers des contes. Le réalisateur trouve là la juste distance: si l’aventure qui attend ses protagonistes n’aura rien d’un long fleuve tranquille, tout en brassant des thèmes connus -celui, très « lannersien » de l’absence parentale et de la rupture familiale, comme cet autre, plus général, de l’adolescence envisagée comme âge de tous les possibles-, elle s’inscrit aussi dans un espace immatériel. Le voyage initiatique a pour cadre une zone-tampon, pour ainsi dire, où, sans être en rien édulcorées, violence et noirceur s’incarnent en une série de figures archétypales, ogre et autres chasseurs, à qui une bonne fée offrira un providentiel contre-point. Jusqu’au cadre qui épouse des contours fantasmatiques, aux bois succédant la rivière, convoquant -comment pourrait-il en aller autrement?- le souvenir de La Nuit du chasseur, encore que le réalisateur s’emploie judicieusement à varier les humeurs: on pense, tout aussi sûrement, aux pieds nickelés en découvrant les tribulations de ces galopins.

Lignes de fuite

S’il suggère encore par endroits un Stand By Me sous le ciel de Wallonie, le film porte avant tout la marque de son auteur. S’agissant d’une oeuvre aquatique qui plus est, on ne s’étonnera pas du caractère flottant d’une narration osant des lignes de fuite, ce en quoi elle rejoint les opus antérieurs de Bouli Lanners, encore qu’insensiblement, le propos semble s’y resserrer. A la parenté thématique s’en ajoute une autre, esthétique, où les plans apparaissent comme autant de compositions picturales ayant le don de sublimer l’environnement naturel, alors que la musique, hantée, de The Bony King of Nowhere achève d’inscrire Les Géants dans un horizon incertain. On s’y glisse avec bonheur à la suite de son attachant trio de gamins, pour un voyage riche en péripéties et guère moins en questions en suspens, et dont la seule certitude voudra que demain ne soit pas comme avant -perspective enivrante, jusqu’au vertige.

  • CONTE DE BOULI LANNERS. AVEC ZACHARIE CHASSERIAUD, MARTIN NISSEN, PAUL BARTEL. 1H24.
  • Ce vendredi 16 mai à 21h05 sur La Trois.
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