Critique

[À la télé ce soir] Sauvage: survivre au cinéma

Alejandro Gonzalez Iñarritu (réalisateur de The Revenant). © DR
Massimo Urbinati Journaliste

À la question « Qu’est-ce qui fait une bonne histoire dramatique? », Howard Hawks eut un jour cette réponse cinglante et définitive: « Vont-ils vivre ou vont-ils mourir? »

Si la survie, de fait, se retrouve au coeur de l’homme, l’art, souvent, naît de la contrainte. Genre humaniste par excellence, le survival movie surgit de la juxtaposition d’un personnage et d’un environnement hostile et explore, non sans quelques débordements d’hémoglobine et de terreur froide, la constante de la souffrance face à l’objective indifférence meurtrière de la nature. Un voyage physique et intérieur dont le héros, quitte à remettre en question le système de valeurs de sa propre culture civilisée, ressort (avec un peu de chance) lessivé mais métamorphosé. Ce postulat que c’est dans l’adversité la plus farouche que se révèle un personnage élimine d’un coup l’aspect superficiel de la figure centrale et touche invariablement à l’essence même de l’humanité. Le spectateur, par une prévisible sensation d’empathie légèrement sado-maso, affronte par procuration les mêmes questions viscérales et philosophiques dans un abandon sauvage et, finalement, intimement primal. Dans leur documentaire aussi sensoriel que didactique, Stéphane Bergouhnioux et Jean-Marie Nizan laissent la parole à ceux qui, par un cinéma fort et authentique, ont sublimé le genre. Walter Hill (Sans Retour), Ted Kotcheff (Rambo), Joe Carnahan (Le territoire des loups) ou Baltasar Kormakur (Survivre, Everest) s’entrecroisent dans un ballet de témoignages et de souvenirs de tournage forcément mouvementés où Délivrance, Seul au monde, et le plus récent The Revenant font figure de pierres angulaires d’une griffe qui n’est pas près de s’essouffler. C’est que l’actualité, par essence, demeure le terreau le plus fertile à l’imagination belliqueuse des scénaristes. Au final, le vertigineux sentiment de se réconcilier avec la mort reste au centre de tous les débats et augure encore de bien fiévreux mètres de pellicule. « La souffrance est temporaire, le cinéma est éternel« .

Documentaire de Stéphane Bergouhnioux et Jean-Marie Nizan. ***(*)

Ce dimanche 7 mai à 21.00 sur Be 1.

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