Critique

[À la télé ce soir] Les Derniers hommes d’Alep

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Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

À la fois dur et mélancolique, chargé de douleur tout en maintenant sa foi dans le genre humain, ce documentaire est une plongée glaçante au plus près de l’horreur dans les pas de ce qui lui reste d’humanité.

Leurs casques sur la tête, ils scrutent le ciel et suivent la trajectoire inquiétante des avions. Arpentent la ville au son des explosions. Membres de la Défense civile syrienne, un groupe de volontaires qu’on appelle aussi les casques blancs, Khaled et Mahmoud n’ont pas abandonné Alep. Malgré la peur et l’horreur, ils sont toujours là à déblayer les gravats. À porter secours aux civils assiégés. À ramasser les membres déchiquetés craignant qu’ils appartiennent à un ami. Comme tout le monde là-bas, dans ce qui reste l’une des plus vieilles villes du monde à avoir été constamment habitée, Khaled et Mahmoud vivent au rythme des bombardements menés par le régime (« celui de ce salaud de Bachar ») et ses alliés russes.

Récompensé dans la catégorie documentaire au Festival du film de Sundance, Les Derniers hommes d’Alep est l’oeuvre d’un jeune réalisateur syrien diplômé en France et réfugié au Danemark. Firas Fayyad a été témoin des tortures endurées par les travailleurs humanitaires dans les geôles syriennes. Il y a même été détenu à deux reprises. De 2013 à 2016, il a suivi leur quotidien (d’abord par lui-même puis par l’intermédiaire de ses cameramen). La détresse. Le courage. Les enfants qu’on sauve comme ceux qu’on extirpe morts de sous les décombres. L’absence totale de moyens, la solidarité, les questionnements dans une ville assiégée… Des images incroyables qu’on dirait extraites d’un film catastrophe hollywoodien. D’autres secouées, caméra à l’épaule…

À la fois dur (certaines scènes sont à la limite du soutenable) et mélancolique, chargé de douleur tout en maintenant sa foi dans le genre humain, Les Derniers hommes d’Alep est une plongée glaçante au plus près de l’horreur dans les pas de ce qui lui reste d’humanité. Saisissant, il donne le coup d’envoi du Festival du documentaire d’Arte. Soit sept films programmés entre le 6 et le 8 juin: le portrait par Valeria Bruni Tedeschi d’une nonagénaire souffrant d’Alzheimer tombée amoureuse de son prof de danse (Une jeune fille de 90 ans), une immersion à travers le regard de stagiaires dans le quotidien de la police allemande (Serviteurs de l’État), un road-movie de Philippe Mora (Monsieur Mayonnaise) ou encore un film poème de Rithy Panh autour du génocide khmer rouge (Exil). Docs en stock…

Documentaire de Firas Fayyad. ****

Ce mardi 6 juin à 20h50 sur Arte.

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