Critique

À la télé ce soir: Le Tristement célèbre M. Bout

Viktor Bout © DR
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Ancien officier de l’armée russe né au Tadjikistan et devenu millionnaire à 25 ans, Viktor Bout a été arrêté pour trafic d’armes avec la guérilla colombienne.

Stephen Braun et Douglas Farah lui ont consacré un livre: Le Marchand de mort. Il a inspiré le personnage incarné par Nicolas Cage dans Lord of War (programmé par Arte à 20h45). A déjà fait l’objet d’un documentaire signé Tom Mangold en 2009. Et ses activités en Afrique étaient évoquées dans le docu controversé Le Cauchemar de Darwin, consacré au commerce d’un poisson vorace (la perche du Nil) et à ses liens avec le trafic d’armes. Ancien officier de l’armée russe né au Tadjikistan et devenu millionnaire à 25 ans (« à 30, j’étais à la tête d’un empire », dit-il), Viktor Bout a été arrêté le 6 mars 2008 après avoir été piégé par des agents américains et purge actuellement une peine de 25 ans de prison aux Etats-Unis pour trafic d’armes avec la guérilla colombienne. Construit à partir de ses vidéos personnelles (il rêvait, activité moins lucrative, de réaliser des documentaires), Le Tristement célèbre M. Bout raconte cet homme sans scrupules qui, après avoir récupéré une flotte d’avions cargos dans l’ex-URSS, a fait fortune dans le transport d’armes, de vivres et d’animaux sauvages (« le seul problème c’est que les animaux pissaient et que ça endommageait les avions »). Violant les embargos et fournissant parfois les opposants d’un même conflit, ce moustachu enrobé aux allures bonhomme, qui a à ses débuts ouvert un bureau en Belgique, a inondé la planète d’armes tirées des arsenaux de l’ex-bloc soviétique.

Entre des images de sa vie de famille et de ses voyages d’affaires, des interviews entre autres de sa femme, de son garde du corps, de journalistes et d’agents de la DEA, Bout clame son innocence par e-mail (la voix qui rythme le film est celle d’un acteur) depuis le fond de sa cellule dans ce portrait d’entrepreneur qui le rendrait par moments « presque sympathique ». Laissant à son entourage le loisir de le présenter comme une victime de son succès mais balançant tout de même leur propos par des avis plus critiques et accablants, les réalisateurs Tony Gerber et Maxim Pozdorovkin (co-réal de Pussy Riot: A Punk Prayer) évitent tout jugement moral péremptoire sur leur sujet. Ils préfèrent rappeler que « l’industrie de l’armement reste l’une des moins régulées au monde et qu’elle produit annuellement assez de balles pour tuer deux fois chaque habitant de la planète. » Fascinant et perturbant.

DOCUMENTAIRE DE TONY GERBER ET MAXIM POZDOROVKIN.

Ce dimanche 14 juin à 22h45 sur Arte.

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