Critique

[À la télé ce soir] Le Siège

Impact de balle - Vue sur les tours jumelles de Momo et d'Uzeir, Sarajevo, 1993 © Gilles Peress / Magnum Photos
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

C’est le plus long siège de l’histoire moderne. A la fin du XXe siècle, Sarajevo est, pendant pratiquement quatre ans, une prison à ciel ouvert.

Une prison dont les gardiens, depuis les hauteurs de la ville, tirent les résidents comme des lapins. D’avril 1992 à février 1996, ces innocents qui n’ont commis d’autres crimes que celui du vivre ensemble ont vu leur quotidien rythmé par les bombes, les rockets et les balles de snipers. Résistant courageusement et dignement aux troupes serbes du général Mladic. Quelque 11 541 Sarajéviens ont perdu l’existence durant ces terribles années. Des dizaines de milliers de personnes y ont laissé un bras, une jambe ou ont terminé avec des éclats d’obus dans le corps.

Réalisé par le reporter de guerre Rémy Ourdan, qui est resté avec les habitants de la capitale de Bosnie-Herzégovine tout au long du siège, ce documentaire d’une heure et demie se révèle d’une force inouïe. Bâti sur des archives de tous horizons (cinéma, télévision, photographie, musique, radio, graphisme), à 90% sarajéviennes mais aussi prêtées par un Marcel Ophüls et un Romain Goupil, Le siège est fait d’images et de récits insoutenables. Balles qui fusent, mort qui rôde. Tandis que les bibliothèques partent en fumée donnant au décor des allures apocalyptiques, les gens se cachent, les blessés se traînent et les corps pourrissent.

Aux séquences et aux commentaires d’époque (Ourdan a intégré au docu certaines de ses chroniques radio d’alors pour RTL), succèdent des témoignages à la fois fiers et douloureux. « On pensait que ça n’arriverait jamais. Pas à Sarajevo. Pas au carrefour de l’Orient et de l’Occident. Pas en Europe », disent-ils tous, comme pour nous avertir que la guerre débarque sans prévenir.

Mais au-delà de la peur, de la douleur, des plaies béantes, du froid de l’hiver sans électricité, sans fuel, sans eau, le Fipa d’or 2016 du meilleur documentaire de création véhicule l’espoir. Les criminels (des pickpockets et des cambrioleurs, pas des meurtriers) qui ont rassemblé les hommes de leurs quartiers pour défendre la ville. Les tentatives de vivre normalement et de résister à la barbarie. Puis aussi l’importance du théâtre et de la musique que le bruit assourdissant de la terreur n’est pas parvenu à étouffer… Combattants, artistes, citoyens se souviennent, dans cette ode vibrante à la résistance, des soirées souterraines et des mariages à la bougie… Fort et beau.

DOCUMENTAIRE DE RÉMY OURDAN ET PATRICK CHAUVEL.

Ce mardi 22 mars à 22h45 sur Arte.

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